The Requin : critique d'un beau navet aquatique

Mathieu Jaborska | 1 juin 2022 - MAJ : 08/06/2022 14:05
Mathieu Jaborska | 1 juin 2022 - MAJ : 08/06/2022 14:05

Remarqué grâce à la présence d'Alicia Silverstone dans le rôle principal, une bande-annonce assez bourrine et un étrange titre franglais, The Requin était sorti en janvier 2022 aux États-Unis. Il s'exporte en France pile-poil pour l'inauguration de la saison des films de requin. Et il met la barre si bas qu'il en devient fascinant, à défaut d'être hilarant.

requin for a dream

Croyez-en l'auteur de ces lignes, préposé au genre pour Ecran Large et fier de l'être : le film de requin est paradoxal par essence. D'un côté, on ne peut s'empêcher d'y revenir, de l'autre, il est très souvent de l'ordre du navet. Alors que l'été approche, il faut donc à la fois se réjouir de retrouver des squales par troupeaux et se préparer à subir moult séries Z opportunistes, bien conscients que notre amour pour l'animal et notre souvenir ému de l'ile d'Amity font de notre porte-monnaie une cible idéale pour les exécutifs véreux.

Mais contre toute attente, The Requin (oui, c'est bien le titre original) n'est pas de ces productions cyniques qui se moquent bien de respecter le spectateur tant qu'elles peuvent se faire une place dans les bacs de DVD à 5 euros. À la limite, seul son distributeur Saban Films, célèbre margoulin au catalogue terrifiant, s'est rendu coupable de publicité mensongère. Le film, lui, est moins une arnaque qu'un authentique échec. Il rate tout ce qu'il entreprend avec une rigueur assez hallucinante.

 

The Requin : photo, Alicia SilverstoneBref aperçu de la salle de montage

 

Réalisé et - chose rare - écrit par Lê Văn Kiệt, qui y aurait distillé des réflexions sur son propre mariage (le pauvre), il voudrait raconter par le biais du survival comment Jaelyn surmonte le traumatisme d'une fausse couche. Alors qu'elle profite de ses vacances avec son mari pour se vider la tête, leur maison sur pilotis est emportée dans une tempête et leur sert très vite d'embarcation de fortune. Qu'importe l'absurdité du scénario, le cinéaste derrière le respectable Furie sur Netflix s'intéresse surtout à la psychologie de son héroïne, surlignée à grands coups de flashbacks moches, et à la dynamique de ce couple forcé de voguer littéralement sur les restes de sa chambre commune.

Des velléités dramatiques à peu près aussi subtiles qu'une tractopelle dans une boutique de porcelaine, et qui s'écrasent contre les prérequis du genre. À cause de cette interminable introspection, il faut attendre presque une heure avant de voir un bout d'aileron. À la fois drame survivaliste digne d'un téléfilm Gulli et thriller horrifique qui fleure bon le somnifère périmé, The Requin échoue sur tous les plans, mais parvient par on ne sait quelle force prodigieuse à encore nous surprendre grâce à sa nullité. À ce niveau, ça force le respect.

 

The Requin : photo, Alicia SilverstoneUne épreuve pour les personnages et le public

 

Les dents de la merde

Car sa performance serait moins spectaculaire s'il se contentait d'être à côté de la plaque. S'il touche au sublime, c'est parce que tout le reste ne fonctionne pas non plus, à commencer par son look. Manifestement tourné dans un studio de 30m², rempli d'eau et tapissé de fonds verts, il enchaine les incohérences visuelles au pas de course, la faute à des décors incrustés qu'on croirait piqués à des fonds d'écran Windows et surtout un montage incapable de recoller les morceaux, a fortiori lorsqu'il s'agit d'insérer des stock-shots divers.

Les différences de luminosité, les incompatibilités d'arrière-plan et les raccords anarchiques rivaliseraient avec la facture technique des plus glorieux Z fauchés post-Jaws des années 1970 et 1980, si leur laideur n'était pas démultipliée par une imagerie numérique pâlotte. Le climax fait office de bouquet final en la matière : l'enchainement d'effets spéciaux numériques pas loin du niveau The Asylum et de vraies images de requins provoque un véritable effet comique. Enfin, gros navet devient petit nanar.

 

The Requin : photoStock-shot ou CGI ?

 

Mais pas besoin d'aller jusqu'à l'apparition tardive des bestiaux pour attester de la catastrophe. Le film semble vouloir nous avertir dès les premières minutes avec une scène de dialogue sidérante, un appel Skype qui récite tout simplement l'exposition. Quelques très longues minutes de gêne, suscitées par ces dialogues surexplicatifs, ce champ contre champ à peu près aussi intéressant qu'une partie de Uno et le jeu de la pauvre Alicia Silverstone, battue par ses interlocuteurs en 2D.

C'est le dernier clou du cercueil flottant de The Requin : il n'avait pour lui que son casting, et même lui lui fait faux bond. Tupper et Silverstone délimitent à eux deux le spectre du jeu bancal, l'un repoussant les limites de l'inexpression, l'autre multipliant les mimiques improbables. Dépossédé de ses derniers atouts, le long-métrage met la barre si bas qu'on en vient à attendre encore plus impatiemment Shark Bay, la suite de The Reef ou même L'année du requin, intrigant projet français chapeauté par les réalisateurs de Teddy. Il aura donc au moins donné le coup d'envoi d'une saison 2022 appétissante.

The Requin est disponible depuis le 17 mai 2022 en VOD et depuis le 25 mai en Blu-ray et DVD

 

The Requin : Affiche officielle

Résumé

Un film de requin qui foire tout ce qu'il entreprend, avec une maladresse telle qu'il se démarque de ses nombreux concurrents cyniques.

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commentaires
Upsi
27/06/2022 à 06:03

Je suis à 1 hrs de film et toujours pas vu de requin quelle débilité jeux d acteur surjoué les effets spéciaux n en parlons même pas à moin que vous vouliez perdre votre temps passer votre chemin

rientintinchti
03/06/2022 à 14:30

@starfox
Je partage votre remarque qui est absolument pertinente et parfaite.
La meilleure façon de prononcer un tel titre est bien "the ray queen" à mon humble avis.

TomaX
02/06/2022 à 22:22

"...bien fait marrer"

TomaX
02/06/2022 à 22:20

Sans vouloir spoiler, la manière dont le couple perd son radeau m'a vraiment bien marrer, ha ha ha!

Ethan
02/06/2022 à 20:06

J'aime ce type de films. Tout est une question de charme : il faut des actrices sexy au moins et une bonne dose d'humour et un bon suspens pour que ce soit crédible.

Il faudrait un film dans la lignée de the reef. A la réunion ce serait un cadre cool. En plus ils pourraient inventer un requin dont l'aspect est différent des autres à causes des rejets industriels dans l'océan de l'île

Le SHARK
02/06/2022 à 19:09

un titre qui réconcilie les cancres du fond de la classe avec l'anglais ! (1er point positif)
le titre permet facilement de savoir ce qu'on va voir après avoir lancer le DVD rip

2ème atout le film dure moins de 2H vous épargnant quelques minutes utiles pour aller au toilette par exemple


02/06/2022 à 14:43

Une fois de plus votre mauvaise foi et votre manque de professionnalisme, tels des crachats dans le visage de millions de personnes, viennent ternir votre réputation : le UNO c'est génial. A la rigueur vous auriez dit 1000 bornes j'aurai souscris à la comparaison, mais la, c'est franchement la dernière fois que je vous lis.

Starfox
02/06/2022 à 13:57

En anglais, c'est the Ray Queen.

rientintinchti
02/06/2022 à 12:59

Je ne sais pas si on rigole dans ce film mais c'est un de mes titres préférés.
THE REQUIN. J'essaie de le dire avec un accent anglais, espagnol, allemand, arabe, chinois, turc etc. C'est superbe. Rien que pour ça la film valait le coup. Même si je ne verrai peut-être jamais. Vraiment un super titre.

the requin
02/06/2022 à 09:43

C'est moi ou le titre du film en vo est aussi the requin. Suis curieux, qu'est ce qui explique que le titre mélange anglais et français , requin se dit aussi en anglais ?

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