Robuste : critique Intouchable tout en délicatesse

Mathieu Victor-Pujebet | 13 décembre 2022 - MAJ : 14/12/2022 09:25
Mathieu Victor-Pujebet | 13 décembre 2022 - MAJ : 14/12/2022 09:25

Après quelques courts-métrages, la réalisatrice Constance Meyer s'essaie à la mise en scène d'un tout premier long-métrage : Robuste, qui avait fait l'ouverture de La Semaine de la critique au Festival de Cannes 2021. Dans ce film, Gérard Depardieu interprète Gérard, un acteur de cinéma vieillissant dont va devoir s'occuper Aïssa, Déborah Lukumuena, lutteuse et garde du corps.

Solide comédie ?

Le postulat de Robuste est somme toute classique : deux personnages que tout oppose vont devoir apprendre à vivre l'un avec l'autre. Un pitch qui rappelle un certain nombre de buddy movies qui puisent leur matière humoristique dans la confrontation de leurs deux protagonistes principaux. Le film de Constance Meyer ne déroge pas à la règle, conjuguant avec malice la nonchalance désabusée de Gérard Depardieu avec l'espièglerie de Déborah Lukumuena.

 

Robuste : photo, Déborah LukumuenaQuand on t'annonce que tu vas jouer avec Gérard Depardieu

 

Les deux acteurs semblent s'amuser - avec une belle alchimie et une énergie communicative - avec des dialogues à l'humour flegmatique, loin du comique punchline ou de la caricature méta. L'écriture de la réalisatrice et de sa co-scénariste Marcia Romano distille donc une drôlerie retenue, ne se moquant jamais de ses personnages pour mieux s'en rapprocher.

En effet, les scénaristes de Robuste n'hésitent pas à déboulonner les mécaniques des genres cinématographiques qu'ils convoquent afin d'y déployer une certaine tendresse. Si, par exemple, le pitch fait très comédie romantique, la relation entre Gérard et Aïssa restera quelque part entre l'amour platonique et une douce fraternité. De la même façon, le potentiel humoristique naturel qui se dégage de ce point de départ générique de buddy movie ne déborde jamais sur le ressenti des personnages et sur leur introspection.

 

Robuste : photo, Gérard DepardieuUn Depardieu plus tendre qu'à l'accoutumée ?

 

Corps fragiles

C'est ainsi que Robuste se refuse aux stéréotypes de la comédie ou de la romance pour mieux rester à l'écoute de ses personnages. Se pose alors la question de ce que cache la robustesse physique et psychologique du titre, avec deux protagonistes qui vont se révéler plus fragiles qu'ils en ont l'air. La difficulté de l'une à faire exister sa vie sentimentale et la peur de la mort qui inquiète l'autre vont caractériser et rendre sensible l'insaisissable Déborah Lukumuena et l'impérial Gérard Depardieu.

La physicalité des interprètes et la dureté de leur caractère sont donc désarmées par la tendresse du scénario de Constance Meyer et de Marcia Romano, de même que la mise en scène de la cinéaste se met tout autant au diapason de ses personnages. En effet, le filmage suspendu de Constance Meyer et l'élégante photographie de Simon Beaufils (chef opérateur des Rencontres d'après minuit, de Sibyl et d'Antoinette dans les Cévennes) ne viennent jamais supplanter l'acuité du regard.

L'imagerie de Robuste ne tombe pas dans la pose gratuite, même lors de décrochages oniriques (scène de l'aquarium) qui l'éloignent de temps à autre du trivial. En témoigne aussi la très belle composition musicale de l'artiste Babx, assemblage de voix irréelles qui viennent exalter l'atmosphère onirique et aérienne du long-métrage. Entre son écriture, son esthétique, la performance de ses acteurs et sa partition musicale : Robuste rompt avec la fermeté de son titre en faveur d'une belle délicatesse.

 

Robuste : photo, Déborah LukumuenaIncandescente Déborah Lukumuena

 

Robuste comme une plume

Cette retenue se retrouve dans l'architecture même du long-métrage qui se refuse à insister sur les enjeux fondamentaux du récit. Le quotidien d'acteur de Gérard et la vie sentimentale d'Aïssa ne resteront donc qu'au second plan, Constance Meyer et Marcia Romano privilégiant volontiers les intermèdes déconnectés du récit et les confrontations entre les deux personnages principaux.

Le coeur même de Robuste reste donc cette rencontre et les vibrations qu'elle dégage dans la vie des protagonistes et dans le ressenti du spectateur. À la puissance galvanisante d'un torrent émotionnel, Constance Meyer choisit une émotion plus diffuse, presque trop anecdotique, mais finalement d'une sincérité et d'une finesse très touchante. Cette croyance profonde en la possibilité d'une intimité réelle et pure entre deux individus - sans enjeux de grand amour ou d'amitié éternelle - aboutie à une délicatesse rare, sans jamais tomber dans ma mièvrerie.

 

Robuste : photo, Déborah Lukumuena, Gérard DepardieuPossibilité d'une rencontre ?

 

Notons tout de même que cette modération fait de Robuste un film pas immédiatement marquant et parfois trop faussement insignifiant pour impressionner sur le court terme. Néanmoins, lorsqu'arrive la prise de conscience que le film ne nous a pas totalement dévoilée, se révèle un vertige discret d'une oeuvre qui continue d'accompagner le spectateur encore longtemps après le visionnage. 

De la même façon, le film n'insiste pas ouvertement sur le bagage social qu'impose son point de départ - celui de la rencontre de deux personnages de classes et de couleurs différentes. Il favorise plutôt la charge éminemment politique qui réside dans sa croyance en la rencontre de deux individualités, échappant au tract facile tout en étant profondément humaniste.

 

Robuste : Affiche officielle

Résumé

Si Robuste s'obstine à ne pas imposer directement une ampleur délirante, c'est pour mieux déployer une émotion discrète - mais pas moins bouleversante - puisée dans les résonnances dues à la simple rencontre de deux individus. Un regard délicat et terriblement humain pour un film qui l'est tout autant.

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Lecteurs

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commentaires
Oliv'
14/12/2022 à 11:07

@les gerard
Je valide à part pour Depardieu en neuneu léger et t'invite à revoir sa prestation dans le Placard, de Veber justement!

Tengaar
09/03/2022 à 18:32

Si la première heure est sympathique portée par de bons personnages, de bons acteurs, de jolis plans et de l'humour, la suite s'effondre rapidement tant aucun fil narratif n'est vraiment suivi. La leçon d'escrime qui constitue le running gag de la première partie est expédié sans qu'elle n'apporte rien au final, pareil pour l'intrigue des "motards agresseurs", de son fils ou encore de la défaite de l'héroine. Plein d'éléments sont posés mais jamais exploités et au final on s'ennuie sec dans la 2nde partie.
Sans parler de la fin abrupte (Arthur Rambo avait la même) : laissez une pause entre la dernière réplique et le générique please, que votre public ait le temps de sortir du film (surtout quand la salle rallume violemment la lumière). C'est extrêmement désagréable, on a l'impression que le film a été coupé par une pause pub.

Marie
06/03/2022 à 17:26

Comment peuton aller voir des films avec le russe Depardieu en cette période sombre. ? Lui qui refuse de payer ses impôts en France. Et la presse qui ne lui demande pas des comptes...

Numberz
04/03/2022 à 07:56

Gégé qui enchaîne deux bons films, on a pas vu ça depuis quand? Et qu'on vienne pas me parler du bousin de krev Adams

Ethzn
03/03/2022 à 20:32

Les personnages sont laids mais ce n'est que de l'apparence.
Depardieu s'arrange pas en vieillissant

A l'auteur de l'article il y aurait pas une erreur par rapport à cette phrase:

"Le premier interprète Gérard, un acteur de cinéma vieillissant dont va devoir s'occuper la seconde, Aïssa, elle-même lutteuse et garde du corps."

J'ai un peu de mal avec cette phrase pas très clair

les Gerard
03/03/2022 à 17:47

en parlant de buddy movie, il ya quelques jours en zappant le soir , je suis tombé sur un assez mauvais film franchouille avec Depardieu/Reno intitulé "tais toi", un tres mauvais Veber, c'etait filmé comme pas possible, Depardieu en neuneu leger çà va pas du tout, le Gerard qui va bien c'est celui qui cogne et qui gueule, comme dans buffet froid, les valseuses ou les anges gardiens etc

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