Valimai : critique rapide et furieuse

Clément Costa | 1 mars 2022
Clément Costa | 1 mars 2022

En plein essor du blockbuster d’action à l’indienne, Valimai du réalisateur H. Vinoth semblait promettre un grand spectacle généreux et décomplexé. Une ambition à la fois tenue et manquée.

Ça va flasher chérie

En quelques années à peine, le visage cinématographique des différentes industries indiennes s’est totalement transformé. Ce changement, initié en partie par le triomphe historique de Baahubali, se concentre sur un genre en particulier : le blockbuster d’action. À un rythme intenable, toutes les maisons de production locales annoncent des projets événements qui veulent tout changer. Plus chers, plus spectaculaires, plus ambitieux. C’est dans cette logique que nous parvient Valimai, vendu par les producteurs comme le renouveau du thriller d’action indien.

Le concept du film est très simple. Chennai, 2022. Un gang de motards subtilement appelé les Satan Slaves sème le chaos. Vols à l’arrachée, trafic de drogue, meurtres. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs intentions ? Le super-flic Arjun (Ajith Kumar) est envoyé sur place pour régler cette affaire. Globalement, la promesse d’un Fast & Furious local qu’on espérait encore plus rapide et plus furieux.

 

Valimai : photoDes méchants qui tombent du ciel 

 

Toute personne s’étant penchée sur les récents blockbusters indiens aura remarqué ce qui fait la force majeure de ces films. Ils sont à la fois excessifs et sincères. Ils assument leur surenchère sans toutefois verser dans un second degré méprisant envers le public. L’équilibre est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Et bien maîtrisée, cette recette offre des œuvres à la générosité imparable.

Dès ses premiers plans, Valimai semble s’inscrire dans cette lignée. Le réalisateur pousse tous les potards à fond pour nous plonger dans un récit bruyant et nerveux. Il en fait encore plus pour l’arrivée à l’écran du héros. Arjun débarque en pleine nuit, accueilli par des éclairs et une bande de sous-fifres n’attendant que ses poings pour voler au moindre contact. Malheureusement, une fois l’excitation du début passée, tout s’avère vite bien trop sage.

 

Valimai : photoComment ça le public ne s'amuse pas ?

 

3 extrêmes

La tradition indienne du film masala consiste à offrir au public un menu complet sur le temps d’une séance : action, romance, comédie, drame. Mais avec Valimai un problème se pose rapidement. Il y a trois films en un et aucun ne se mélange correctement avec l’autre.

Tout d’abord un pur blockbuster d’action qui est une franche réussite. Les combats au corps à corps ne sont pas particulièrement spectaculaires, en revanche les courses-poursuites impressionnent. H. Vinoth s’assure de ne jamais ennuyer le spectateur. Conscient de l’importance des cascades, le cinéaste se repose sur de nombreux effets pratiques qui créent un vrai sentiment de danger. Mention spéciale à la séquence de poursuite entre les motards et un bus blindé. Non seulement le rythme nous scotche à l’écran, mais on se demande comment les cascadeurs ont pu en sortir vivants. Sans aller jusqu’à évoquer le travail de George Miller sur les Mad Max, force est de reconnaître qu’on ne croise pas un tel savoir-faire tous les jours.

 

Valimai : photoDes cascades à tomber par terre

 

Le deuxième film est un thriller plutôt efficace. L’enquête est assez classique, mais réserve quelques surprises. Et surtout notre héros n’est pas intouchable. Il échoue à plusieurs reprises, ce qui tend à humaniser un peu le bloc monolithique et vertueux qui nous est présenté en début de récit. De plus, le gang de motards gagne en menace à mesure que l’on comprend l’immense réseau de corruption sur lequel il règne. Mis en scène comme une meute zombifiée, il nous laisse rêver à un crossover entre Sons Of Anarchy et The Walking Dead.

Mais le problème majeur vient du troisième film, un mélodrame familial bancal au possible. Jamais l’émotion ne fonctionne. Mal filmé, mal écrit, mal joué, tout l’arc narratif incluant Arjun et sa famille vient systématiquement casser le rythme du film. Quand elle ne sert pas de levier narratif pour un final émotionnel raté, la famille du héros s’avère carrément inutile. À l’image de longues scènes autour de l’alcoolisme de son grand-frère qui ne mèneront nulle part. Toute cette partie mélo digne d’un soap opera alourdit et étire un récit de 3h qui aurait dû en durer une de moins.

 

Valimai : photoQuand tu passes de Fast & Furious à Plus Belle La Vie d'une scène à l'autre

 

BLOCKBUSTER DE PAPA

Valimai fait tout pour avoir l’air cool et jeune. Quitte à en faire trop avec son gang de motards qui se retrouvent sur le darknet grâce à un graff faisant office de QR Code. Mais au final, le film semble être le fruit d’une autre époque, incapable de sentir le changement qui s’est opéré en Inde ces dernières années.

À l’heure des anti-héros charismatiques (KGF – Chapter 1, Pushpa), H. Vinoth veut nous réchauffer le stéréotype usé du flic vieillissant intègre qui fait la morale à une jeunesse forcément rebelle, droguée et dépravée, ou comment offrir du Charles Bronson à un public qui réclame de la nouveauté. De là à ce que le refrain de la seule chanson chorégraphiée soit une leçon de théologie de comptoir il n’y a qu’un pas que le film franchit.

 

Valimai : photoHow do you do, fellow kids ?

 

D’autant que cette bonne morale s’avère assez fumeuse. En début de film, notre super-flic se positionne contre la peine de mort, laissant espérer un certain progressisme. Avant d’affirmer en roue libre que la prison n’est pas efficace non plus et que le seul moyen d’apprendre une leçon aux jeunes délinquants est de leur casser un bras ou une jambe. Premier exemple d’une suite de théories réacs qui contribuent à rendre le camp du bien assez antipathique.

Et puis Valimai n’est pas seulement daté sur le fond. En dehors de ses courses-poursuites, il est daté sur la forme. Visuellement fade, il n'est jamais assez iconique pour transfigurer son héros. On retiendra le plaisir de voir une poignée de séquences sacrément efficaces sur grand écran, un Ajith Kumar qui s’éclate et aussi un personnage de femme flic badass campé par la toujours excellente Huma Qureshi. Le seul personnage secondaire qu’on aurait aimé voir approfondi.

 

Valimai : Affiche

Résumé

Sauvé par ses courses-poursuites diablement efficaces et une enquête plutôt plaisante, Valimai reste un rendez-vous manqué. Alourdie par le mélodrame et une durée excessive, l’expérience se suit sans réel déplaisir. Mais sans réel plaisir non plus.

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commentaires
Geoffrey Crété - Rédaction
01/03/2022 à 11:10

@Ranx

Merci de les lire et soutenir cette nouvelle direction d'Ecran Large ! On est ravis d'avoir Clément parmi nous, et on espère que ça intéressera de plus en plus de gens !

Ranx
01/03/2022 à 10:56

Merci pour toutes ces critiques de films indiens ! ça me sort des Marvel à foison et permet de découvrir un autre cinéma, trop peu connu alors qu'il y a de vraies pépites, de l'émotion et des sources d'étonnement (parmi une multitude de navets). ça permet de faire le tri et de proposer des pistes qui me donnent plus qu'envie.

Si un jour vous avez l'occasion de parler de Kahaahni, un Hitchcock dans les rues de Calcutta, je serai le premier curieux (et j'espère ne pas être le seul !)

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