Blacklight : critique dur dur d'être un pépé

Simon Riaux | 5 avril 2023 - MAJ : 06/04/2023 09:09
Simon Riaux | 5 avril 2023 - MAJ : 06/04/2023 09:09

Depuis bientôt 15 ans, Liam Neeson s'est reconverti en bagarreur de série B, avec un franc succès. Mais Blacklight marque peut-être la fin de la castagne, tant le comédien et la recette qui l'accompagnent semblent émoussés.

T'ES KEN

Le premier Taken, qui demeura un temps le plus gros succès d'une production française sur les marchés internationaux, fut simultanément une surprise cogneuse, l'éruption d'une nouvelle mode au sein du cinéma d'action US et une hallucination collective.

Une production modeste et hargneuse dont la crédibilité de Liam Neeson en dessoudeur de niqueurs de mamans (même si elle devait beaucoup au charisme de son interprète) fut essentiellement la création d'un artisan méconnu, le monteur Frédéric Thoraval, qui parvint, avec une science admirable, à jouer de tous les artifices à sa disposition pour transformer l'acteur en machine à baffe. Un petit miracle qu'il reproduit quelques années plus tard avec Safe, perle de burnasserie décomplexée et honteusement oubliée.

 

Blacklight : photo, Liam NeesonPersonne ne touchera à son whisky !

 

Depuis, Neeson a capitalisé sur ce succès initial, quand bien même il n'était déjà plus capable dans Taken 2 de battre un lamantin asthmatique sur le champ de course. Porté par des artisans malins (le Jaume Collet-Serra de Non-Stop) ou des cinéastes inspirés (le Joe Carnahan de Le Territoire des loups), il est devenu l'emblème de cette vague de justiciers quinquagénaires. Une vague qui s'est progressivement transformée en écume, à mesure que les metteurs en scène dirigeant ses projets ont progressivement opté pour une franche déroute créative, tandis que le comédien affichait assez ouvertement son désintérêt pour la direction prise par sa carrière, que Blacklight pourrait bien achever de vaporiser.

Dès son introduction, nous voici aux basques de Travis, spécialisé dans l'exfiltration d'agents fédéraux à la couverture carbonisée, justement occupé à secourir une professionnelle qu'un campement de suprématistes blancs aimerait voir transformé en rougail-saucisses. Découpage mécanique, photo délavée, l'entame est rance comme un croûton abandonné sous le soleil de midi, mais encore espère-t-on que le bon Travis décoche quelques coups bien sentis. Manque de pot, monsieur n'est pas d'humeur à se battre, et se contentera de faire sauter une caravane en ouvrant le gaz, avant de récupérer sa consoeur en détresse. Pour la bagarre, on repassera.

 

Blacklight : photo, Liam NeesonTout vient à poing à qui sait attendre

 

LE TERRITOIRE DES TROUS

Passée cette introduction gériatrique, le métrage dévoile son désolant programme consistant à dérouler tous les clichés devenus ingrédients inébranlables de la recette Neesonienne : paranoïa contrite nuancée par un amour désintéressé mais embarrassant pour sa famille constituée de femmes transparentes et kidnappables ; vertu punitive et irrépressible d'un héros qui n'a jamais vu de problème dans le dézingage d'anonymes mais qui s'inquiète que ses patrons soient trop louches... Tout ici est mécanique, désincarné. Jamais on ne sent un semblant de passion ou de foi en ce qui nous est raconté. Même quand le récit parvient à s'affranchir de sa star, c'est pour nous anesthésier sans vergogne.

 

Blacklight : photo, Liam Neeson"Bon chance avec ton film Liam"

 

En témoigne une sous-intrigue à base de journalisme et de lançage d'alerte qui ferait passer Spotlight pour un brûlot punk, ou encore cette poursuite, non seulement mollassonne et également handicapée par une caméra qui esquive soigneusement de trahir l'absence de Neeson sous l'habitacle. Elle est condamnée à capter l'action figée au ras du sol et accrochée à une plaque d'immatriculation.

Et quand, durant le dernier tiers, on découvre "l'armée" d'assaillants promis par l'affiche, c'est pour se gausser de regarder quatre minables barbouzes errer dans un remake Ikea de Maman j'ai raté l'avion. Il faut voir nos quatre figurants patibulaires, s'avancer à découvert dans le logement d'une soi-disant légende du meurtre, patauger sans s'inquiéter dans une cuisine inondée où flottent luminaires et ampoules, pour prendre le pouls de la cosmique idiotie de l'ensemble.

 

Blacklight : photo, Liam NeesonUsain Bolt n'a qu'à bien se tenir

 

Pour un peu, on en viendrait à penser que cet énième ersatz d'actioner hardboiled méprise son mépris avec l'entrain d'un tueur en série égorgeant des grands-mères pour mieux leur déféquer dans la trachée. Puis, alors que s'achève cette purge démissionnaire, se dessine une autre hypothèse, plus noire, plus tragique.

À l'heure où la gestion des EHPAD fait les gros titres d'une presse outragée, Liam Neeson ne tenterait-il pas de nous faire passer un message ? Se pourrait-il que le granitique désosseur de méchants soit retenu prisonnier, dans quelque maison de retraite, tenue par un quarteron de mercenaires à la retraite, exigeant du comédien qu'il joue encore et encore la même histoire ? Espérons qu'il reste à l'artiste encore un peu de jus, pour balancer et quelques manchettes, et se tirer ce mauvais pas.

 

Blacklight : affiche

Résumé

Le plus triste, dans cet arthritique naufrage, c'est que plus personne n'essaie de dissimuler le désintéressement de Liam Neeson, quitte à fabriquer un faux film de castagne, d'une indigence rare.

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commentaires
Flo 1
06/02/2024 à 14:12

Une LiamNeesonerie alimentaire (c’est un spécialiste/loser vivant au crochet de vieux potes etc), catégorie pré-retraite.
Comme dans « The Good Criminal », Mark Williams met en scène l’acteur de façon pépère, ici d’ailleurs en papy (l’une des rares fois) gaga de sa petite-fille. Et un peu gaga de la tête à cause de trauma vietnamien… mais pas trop proche du Denzel toqué de « Equalizer », ça se verrait trop.
Un peu de complot gouvernemental avec un FBI d’un autre temps, un peu de lanceurs d’alerte, une trop petite poignée de bastons et tous les poncifs artistiques du genre…
Le plus dingue dans ce film, c’est que la VF de la petite fille de cinq ans de Neeson y est faite par… Dorothée Pousseo !? On croit rêver.
À part ça, c’est de la camomille.

Bezoard
05/02/2024 à 23:17

L âge de l acteur principal n est même pas la cause de cette catastrophe cinématographique ( du ciné, vraiment ??), le scénario était tellement nul ( quelqu un a vraiment reçu un salaire pour avoir écrit ce truc infâme ??) que je ne suis même pas allé jusqu’au bout de l histoire !

Tire un coup
11/04/2023 à 01:13

On dirait un téléfilm du dimanche après-midi (ou quand vous voulez en replay ou sur YouTube) sur TMC. 3 lettres : NUL

freeway
06/04/2023 à 10:44

Autant à l'époque des Taken on y croyait encore, autant ici aie !!!! On voit carrément ici les 70 ans du bonhomme, il est courbé, moins charismatique qu'habituellement, et les scènes d'action mou du genou ne sauve pas le film du naufrage et de l'ennui.

Faurefrc
05/04/2023 à 20:12

Merci pour l’accroche « dur, dur d’être un pépé » si bien trouvé :)

darkjack
23/02/2022 à 13:58

@ Spectateur
Le plus nul des commentaires de cet article...
Le journaliste à des arguments, vérifiables, lui :)

The insider38
23/02/2022 à 12:00

Vu ce matin. Bah c’est meilleur que À good criminal et ice road .

Sans prétention, mais regardable

Monsieur vide
23/02/2022 à 10:59

Bientôt dans Expendables ?

Spectateur
23/02/2022 à 08:06

Le plus nul des commentaires d’un pseudo journaliste

Yamcha
23/02/2022 à 00:53

« ...ce que j'ai, c'est des compétences particulières, que j'ai acquises au cours d'une longue carrière. Des compétences qui font de moi un véritable cauchemar pour vous. »

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