Maison de Retraite : critique Mort De Rire

Simon Riaux | 16 février 2022 - MAJ : 16/02/2022 16:36
Simon Riaux | 16 février 2022 - MAJ : 16/02/2022 16:36

Alors qu'un scandale sans précédent secoue les EPHAD à travers toute la France, Kev Adams ajoute sa pierre à l'édifice de la maltraitance. Maison de Retraite est peut-être, à ce jour, son oeuvre la plus radicale et jusqu'au-boutiste.

VIEUX MAUX TARD 

À l’heure où sort Maison de Retraite, les médias hexagonaux font leurs choux gras d’un scandale aux répercussions sociales, sociétales et politiques : à savoir la réalité du traitement des personnes âgées et dépendantes dans les structures privées qui les prennent en charge, contre monnaie sonnante et trébuchante.

Alors que la logique capitaliste aboutissant à la torture de milliers de citoyens en fin de vie électrise le débat public, on imagine combien la promotion du nouveau projet de Kev Adams s’en est trouvée heurtée : faire rire avec la fin de vie apparaissant soudain sous un jour autrement plus casse-gueule qu’attendu. 

 

Maison de Retraite : photo, Kev Adams, Marthe VillalongaÀ votre bon coeur

 

Pourtant, et bien malgré lui, le film entretient plusieurs liens avec la situation bien réelle qu’il détourne pour en faire un motif de comédie. Tout d’abord parce que, comme l’ouvrage de Victor Castanet, l’ego pharaonique de Kev Adams agit à la manière d’un révélateur sur une situation méconnue, ou trop longtemps ignorée : le traitement des comédiens français par l’industrie, passée la fleur de l’âge. Troubadours, saltimbanques, piliers des planches, grands amuseurs ou légendes du 7e Art, toutes et tous sont traités à la même enseigne, celle de l’humiliation publique maquillée en tendre chronique de la transmission intergénérationnelle. 

L’ennui distillé par un premier quart d’heure moins vigoureux qu’une limace en descente de barbituriques laisse vite la place à une sidération éberluée. Que Gérard Depardieu, embarrassé d’un membre qui aura l’élégance de demeurer hors-champ, joue à touche-pipi avec le protagoniste, que Marthe Villalonga se fasse laborieusement tasser la crotte par un Daniel Prévost au ralenti, ou que Jean-Luc Bideau récite ses classiques de théâtreux comme va la vache au taureau, difficile de ne pas ressentir une compassion sincère pour ces artistes qu’on mène si complaisamment à l’abattoir. 

 

Gérard Depardieu : photo, Maison de Retraite, Firmine RichardMais qu'est-ce qu'ils ont fait au Bon Dieu ?

 

STOMIE BUSY

On pourrait passer nonchalamment sur la spectaculaire médiocrité de la mise en scène, dont la fixité du découpage et la photo grisâtre évoquent les heures de gloire de réclames de conventions obsèques. On pourrait aussi tolérer les ricanements salissants d’un scénario qui envisage toujours ses vieux comme autant de paillassons à piétiner, si cet amas d’abats fumants était le fruit d’une banale médiocrité.

Mais non, si tout ce vertigineux cloaque clapote à qui mieux mieux, ce n’est pas pour célébrer l’incompétence ou appeler cruellement à une apocalypse jeuniste, c’est tout simplement pour la gloire de ce bon Kev Adams. 

 

Gérard Depardieu : photo, Maison de RetraiteQuand tout le monde a craché discrétos dans la soupe

 

Outre-Atlantique, on qualifie de “vanity project” une production dont la seule raison d’être est une star qui ferait fi de tous les usages, règles et savoir-faire en vigueur pour accoucher d’un long-métrage tout à sa gloire, vantant ses mérites et ses accomplissements. Entreprise périlleuse, dont certains s’acquittent avec génie (Tom Cruise), d’autres avec l’élégance d’une stomie percée (Will Smith), elle représente un défi pour quiconque est un peu conscient de sa dimension périlleuse. Mais pas Kev Adams, qui pousse la démarche dans des retranchements inédits, eux aussi soulignés par l’actualité entourant la sortie du film. 

Sauveur des petits vieux, libérateur de prostates en goguette, Adams est aussi un réconciliateur impénitent, comédien de génie. Ne métamorphose-t-il pas une cantine tristounette en annexe de la comédie française, déclamant Molière avec la fièvre d’un duodénum combattant une tartiflette tiédie ? Au fur et à mesure de ce récit en déambulateur, les apparentes chevilles émotionnelles de l'ensemble sautent en raison de la médiocrité de leur traitement, ou le désintérêt que leur accorde le scénario.

Seul compte Adams, toujours devant le reste de son casting, tout entier voué à sa jubilation, puis son triomphe. Chantre d’une bonté infinie, il nous rappelle qu’il existe à chaque malheur des solutions, les siennes. En attendant, les victimes de ses créations demeurent systématiquement les mêmes, nos pupilles.

 

Maison de Retraite (M.D.R.) : Affiche officielle

Résumé

Il n'y a pas que dans les instituts privés qu'on torture les personnages âgés. Le cinéma français excelle aussi en la matière, comme le prouve Maison de Retraite, sorte de gibet pour vieilles gloires et statue dédiée au triomphe de Kev Adams. 

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commentaires
Flo 1
12/03/2024 à 14:11

Le réalisateur Thomas Gilou a toujours été une sorte de paradoxe : petit-fils du poète Blaise Cendrars, sa carrière n’est composée que de comédies communautaires sans génie, mais suffisamment fonctionnelles et solides pour cartonner (les « La Vérité si je mens ! » par exemple). Rebelote ici, mais avec les vieux qui s’amusent à cabotiner, un genre à part entière qui n’a rien de nouveau mais n’est pas exempt d’œuvres bien jolies là aussi – « La Fin du jour » par exemple.

Mais c’est aussi un « film de Kev Adams » (co-scénariste), qui lui-même ne fait que de films qui se ressemblent à chaque fois – un jeune homme égoïste et glandeur va devenir un peu plus adulte au contact de certaines personnes… Philippe Lacheau, Malik Bentalha etc, eux aussi jouent tout le temps ça. Il y a même eu le film « Sales Gosses » qui racontait la même chose dans un environnement gériatrique, déjà avec Liliane Rovère et un paquet d’acteurs connus du troisième âge.

Cet opus là possède néanmoins comme qualité de mixer harmonieusement son sujet avec sa mise en scène – puisque le héros doit apprendre à prendre son temps et écouter, les scènes font de même et évitent ainsi toute hystérisation bardée de musique, malgré la présence de personnages prétextes (les autres employés de l’établissement), et une résolution expédiée et tirée par les cheveux (bleus).
C’est toujours sans génie, bizarrement produit (Stan Wawrinka ? avec en plus un caméo ??!), correctement filmé sans être moche – un petit plan-séquence dans un coin hop ! Ça a le goût du Classique, avec ses pay off à faire aboutir et be beaux petits moments de sagesse bourrue et d’émotions… la comédie typique du Dimanche soir.

Il y a aussi eu le contexte de sortie du film, post pandémie et scandales dans les ehpads, qui en font un film de circonstance. Pas trop cafardeux bien sûr, tout est fait pour exorciser le malheur. Mais pas non plus naïf quant au traitement de la solitude et la fin de vie… qui mérite évidemment plus de dignité.
Pas la même que celle des bons acteurs, qui n’auront jamais ni peur ni mépris pour le ridicule, eux.

Nimoise
17/02/2024 à 17:00

Lamentable!

Pat Rick
17/04/2023 à 14:33

Vu hier soir sur OCS, pas une comédie c'est sur mais ça se laisse regarder sans ennui pour une soirée sans prise de têt.

ticettac
07/03/2022 à 16:29

Mon mari et moi sommes allés voir ce film ne sachant pas vraiment à quoi s'attendre, juste pour se faire une "soirée ciné". Sans a priori. Je trouve les critiques qui se veulent intellectuelles sévères et injustifiées. C'est vrai ce n'est pas LE chef d'œuvre cinématographique de l'année, mais j'avoue sans honte avoir passé un bon moment et par les temps qui courent un peu de légèreté fait du bien. Il n'empêche qu' il aborde des sujets bien réels, une maltraitance insidieuse ( ou pas) de nos anciens, le ressenti des travers de la vieillesse par les concernés et la société ..Tout n'est pas judicieusement scénarisé, c'est vrai, mais l'équipe de ces "vieux" acteurs est très attachante et quel plaisir de revoir jouer certains d'entre eux et. Kev Adam ne s'en sort pas si mal.

VLB
05/03/2022 à 14:20

Quand des personnes se prennent pour des scénaristes alors qu'ils n'ont rien compris à comment fonctionne la comédie au cinéma et bien ça donne ce genre de film, un mixe de stand up amateur pour petit bars parisien, avec comme public seulement les potes.
Please prenez des cours de scénario !

Comment les acteurs qui ont pourtant un gros bagages de bonnes comédies derrière eux finissent à accepter des rôles dans des films aussi pauvre ?

Sissi2106
01/03/2022 à 11:59

Il faut toujours critiquer dans le mauvais sens. Moi j'ai bien aimé

Marie
20/02/2022 à 21:15

Film super
Ceux qui critiquent sont des c... ou ils défendent les gens qui profitent des EPAH privés

ma puce
20/02/2022 à 19:04

Je suis allez voir votre film. J'ai été émue , amusée, mais très heureuse de voir ce film. Bravo, je vais vous faire de la publicité.
Cordialement

Arno27
18/02/2022 à 16:38

Et un navet supplémentaire pour Kevin Adams il finira par devenir horticulteur s'il continue ainsi !

Gallinette
18/02/2022 à 11:07

Je suis vraiment scandalisée comment peut on craché son venin si vous n aimez pas Kev Adams n allez pas le voir au cinéma pour ma part j ai adoré le film avec beaucoup de drôlerie et d émotions la maltraitance existe dans certaines maisons retraites ne fermons pas les yeux la critique est tellement plus facile

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