FIRST SONG
Un homme rencontre une femme dans un train. Des échanges de regards, des échanges de sourires… Des années plus tard Cameron et Poppy sont mariées mais le premier est mourant tandis que sa femme attend un second enfant. Cameron décide donc de contacter une entreprise qui permet de cloner les individus malades, d’en faire une copie conforme, pour que celle-ci puisse remplacer l’original au sein de sa famille sans que cette dernière ne s’en rende compte.
Entre la science-fiction et le drame, ce postulat de base charrie toute une conception auteurisante du genre que le réalisateur Benjamin Cleary embrasse complètement. Plans symétriques, direction artistique au minimalisme stylisé non sans rappeler le Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve et une photographie à l’élégante froideur : Swan Song déploie une esthétique légèrement poseuse qui semble régulièrement essayer de prouver au spectateur les talents plastiques de son auteur dès son premier film.
Cette recherche du style, même si elle flatte la rétine, étouffe hélas un temps l’émotion et agit comme une mise en garde face au potentiel de sensibilité ou non du film. Mais forte heureusement, cette mise en garde est vite désamorcée par la véritable tendresse de l’exécution.
« Il est joli mon cadre hein ? »
VALLEY OF SWAN
En effet, si la mise en scène du long-métrage semble toucher à une forme de posture esthétisante, ce n’est en fait qu’en plongeant réellement dans le film que l’on se rend compte de son potentiel émotionnel.
En témoignent des séquences de flashbacks beaucoup plus solaires, à base de lumières souvent chaleureuses, de focales courtes aériennes et de caméras portées à fleur de peau : ces passages dans le passé sont filmés, de façon presque malickienne, comme de douces ruines d’un temps révolu. Ces courtes éclaircies, conjuguées avec les scènes dans le présent beaucoup plus froides et composées, sont la preuve que l’enjeu principal de la mise en scène de Benjamin Cleary n’est pas tant de montrer les gros bras mais bel et bien de coller au regard de ses personnages avec tendresse et justesse.
Un duo d’acteurs d’une rare incandescence !
Cette sincérité de la démarche se ressent également dans l’interprétation des acteurs qui signent ici – en tout cas en ce qui concerne le duo principal -, l’une de leurs plus belles compositions. Mahershala Ali et Naomie Harris, que ce soit dans la chaleur et la légèreté des bons moments ou dans le désespoir et la tristesse des mauvais, atteignent ici un niveau d’évidence et en même temps de précision de jeu qui imposent au spectateur leur générosité et leur talent.
Et si le film bénéficie de la prestance et de la bonté naturelle d’une Glenn Close, c’est aussi l’interprétation d’Awkwafina qui impressionne par son amertume, sa tristesse et en même temps son fond d’acidité. De plus, la façon qu’a chaque acteur de se refuser à la performance et à la démonstration fait partie des éléments qui permettent à Swan Song d’être réellement incarné, et de plonger avec tendresse dans ses thématiques tout en s’éloignant finalement de la pose facile et prétentieuse.
LA DOUBLE VIE DE CAMERON
Des thématiques qui sont pourtant complexes et denses, mais que le film n’élude pas pour autant. En effet, le concept de science-fiction du clone prenant la place du protagoniste principal ouvre un vaste champ de réflexion sur notre place dans le monde et la façon de l’occuper. Là où dans la grande majorité du cinéma de science-fiction, les questions de la copie et du double ont plutôt eu tendance à recevoir un traitement empli de méfiance et crainte (Oblivion, Matrix, Superman III ou Alien, la résurrection), la réponse de Swan Song est plus douce et éthérée.
En effet, l’un des plus beaux postulats du film est de partir du principe que le clone de Mahershala Ali est un personnage parfaitement positif et qui hérite de sa mémoire, de son humour, de son empathie et de son talent. Mais si un autre être possède vos souvenirs, votre façon de penser, votre façon de créer et votre façon de ressentir : quelle valeur y-a-t-il à être vous ?
C’est ainsi que Cameron se retrouve face à la peur de ne plus avoir d’importance, de ne plus compter à un moment où sa compagne tombe de nouveau enceinte et où son premier fils n’a pas encore atteint l’âge adulte. Le film de Benjamin Cleary embrasse alors l’éminente complexité de son sujet sans pour autant en faire une thèse ou un objet purement théorique.
Une fois que l’on a cédé sa place : que fait-on ?
En effet, Swan Song n’oublie pas de constamment ramener ces questionnements à ses personnages et d’en faire de vrais enjeux pour eux et pas simplement des problématiques de dissertation pour le spectateur. Le double Jack qui ressent de la culpabilité de prendre la place de Cameron, le profond dévouement désintéressé du personnage de Glenn Close pour la réussite du processus, la foi de Naomie Harris dans le bonheur de son couple malgré les mauvaises passes ou encore la solitude qui accompagne les originaux une fois la transition accomplie… chaque élément réflexif est incarné de façon sensible et tendre par l’écriture du film.
Benjamin Cleary est alors toujours à l’écoute de ses personnages et les accompagne dans leurs joies comme dans leurs peines. En résulte une mélancolique profession de foi qui fait à la fois le touchant constat de la fragilité de l’individu face à l’existence, tout en partageant sa profonde croyance en la possibilité d’être, à un moment donné, au bon endroit au bon moment, et d’en avoir profité.
Swan Song est disponible sur Apple TV+ depuis le 17 décembre 2021 en France
J’ai quand même préféré Archive !
Très bon film vu hier soir, j’ai adoré. Très émouvant. Merci pour la reco Ecran Large !
Superbe de simplicité, de sensibilité, de chaleur, d’émotion.
Mahershala Ali est d’une justesse incroyable, cet acteur dégage une humanité assez confondante tout en subtilité, effortless comme on dit. Content de revoir aussi la grande Glen Close dans un jolie rôle, sans oublier Naomie Harris touchante. Je trouve qu’il y au un peu d’Alex Garland dans ce très beau film par certain coté.
Une question trivial m’interpelle tout de même, qui finance la création du clone ? Normalement le client, donc le mourant, mais ça doit couter une blinde comment cacher cette dépense à la famille ? Et quel est le status de la boite et comment justifie-t-elle ses revenues et pleins d’autres questions qui tourne autour de cette boite … et qui resterons surement sans réponses. Pas grave. 🙂
Vu hier soir. Très bonne surprise.
Benjamin Cleary signe un premier long sans fausse note.
Il va sur les terres esthétiques d’un Denis Villeneuve mais n’oublie pas (contrairement à ce dernier) que l’émotion prime sur le reste.
A suivre.
Critique très bien écrite, juste ce qu’il faut pour nous donner envie de continuer à lire et surtout d’aller se plonger dans le film.
Tres bon film ! Et ca fait du bien !
Je viens de le regarder, et comme chaque film que j’ai aimé, je viens voir les critiques ici ou là. Je trouve que celle-ci correspond à ce que j’ai pensé du film, avec une expertise cinématographique que je n’ai pas. Du coup, juste émotionnellement, j’aurais mis 4 étoiles pleines. Et ptet même 4,5 car ce film m’a travaillé étant père depuis un peu moins de deux ans. Même si j’ai toujours voulu l’être, j’étais à 100.000 lieues d’imaginer toutes les joies que cela procure. Et là je me suis imaginé dans la situation de Cameron et ça m’a carrément retourné. Chapeau !
J’avoue que ça a l’air sympa
Ce film semble cocher toutes les cases pour passer un excellent moment d’émotion devant mon écran. Le thème, plus l’esthétisme, plus le casting. Je m’en réjouis à l’avance.