Ninokuni : critique d'un autre monde

Christophe Foltzer | 23 janvier 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 23 janvier 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Si Netflix a plus ou moins sauvé l'animation grand public en produisant et diffusant des séries à tour de bras, il s'est aussi rendu coupable d'une certaine homogénéisation du genre, et d'une production à l'économie. Un écueil qu'il tente aujourd'hui de combler avec Ninokuni de Yoshiyuki Momose.

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Déjà, Ninokuni ne vient pas de nulle part puisqu'il s'agit de l'adaptation d'une série de jeux vidéo développée par Level 5, avec l'aide du studio Ghibli pour tout ce qui est character-design et cinématiques, dont le premier volet est sorti en 2010 sur Nintendo DS (puis sur PS3, PS4, Switch et PC) et dont la suite a vu le jour en 2018 sur PS4 et PC.

Deux jeux imparfaits certes, mais qui ont surtout marqué par leur ambiance, leurs qualités artistiques et leur système de jeu très spécifique. Et puis, pour être honnête, on en a surtout parlé parce que le Studio Ghibli et Joe Hisaishi étaient de la partie.

 

NinokuniTrois amis unis pour la vie ?

 

Transfuge du studio, où il était animateur, et très impliqué dans les jeux, Yoshiyuki Momose se retrouve donc propulsé réalisateur de cette aventure originale en long-métrage. Une histoire neuve qui, évidemment, reprend beaucoup de thématiques de ses prédécesseurs. Ainsi, nous y suivons Yuu, adolescent handicapé, et Haru, son meilleur ami, tous les deux amoureux de la même fille, Kotona, dont la vie se retrouve soudain menacée.

En tentant de la sauver, les deux garçons se retrouvent propulsés dans le mystérieux royaume d'Estavani, peuplé de créatures étranges, mais aussi de visages bien connus. Ils comprennent vite que ce qui impacte un monde a des conséquences sur l'autre et que sauver leur amie sera moins évident que ce qu'ils pensaient de prime abord. Surtout quand les secrets se révèlent et que les comptes entre eux doivent se régler.

 

NinokuniDe vrais chevaliers servants

 

LA TÊTE ET LES JAMBES

De ce postulat ultra classique, en droite lignée du genre très populaire du "isekai" (en gros le héros passe de notre monde à un univers enchanté), Ninokuni n'arrivera malheureusement jamais à s'éloigner, bien qu'il égraine quelques pistes particulièrement intéressantes dans sa première partie. Mais, pour autant, il ne semble jamais les saisir pour rester collé à un scénario des plus prévisibles qui l'empêche de prendre vraiment son envol. Et lorsque c'est le cas, c'est pour partir dans certaines révélations maladroites assénées au dernier moment qui n'ont, au final, aucun effet.

 

NinokuniChevalier blanc...

 

C'est d'autant plus dommage que les personnages sont plutôt intéressants et que les deux héros s'amusent avec les clichés du genre "Isekai" avec un certain bonheur. Encore une fois, au début, puisque le classicisme les rattrape bientôt à l'occasion de ses deuxième et troisième parties très attendues, sans aucune profondeur, qui ne fait que remâcher une formule vue mille fois.

Cela induit une baisse de rythme dramatique et une disparition de l'intérêt du spectateur qui pourrait être fatal au film s'il n'y avait pas quelques moments de pure magie réellement efficaces et la musique très prenante de Joe Hisaishi, bien qu'un peu discrète au final. Pourtant, la facture technique que l'on pouvait exiger d'un ancien de Ghibli ne correspond pas non plus à nos attentes.

 

Ninokuni... ou chevalier noir ?

 

EN MODE BERSERK

Là encore, nous sommes dans la moyenne basse puisque, hormis quelques moments plus travaillés que les autres, l'animation ne s'élève pas plus haut qu'un animé de consommation courante. La grande erreur de Ninokuni, c'est de sacrifier à la loi économique en vigueur dans l'animation japonaise depuis quelques années, qui consiste à mêler dessins en 2D et images de synthèse en cell-shading pour réduire les coûts de production. Lorsque le budget est conséquent, ça passe sans problème, lorsque ce n'est pas le cas, la catastrophe est imminente.

 

NinokuniUn autre monde riche en surprises

 

Et nous sommes bien évidemment dans ce second cas de figure, malheureusement. À un dessin 2D déjà assez sommaire et fonctionnel, s'ajoutent des CGI, principalement destinées aux machines et aux créatures, extrêmement pauvres et voyantes, qui cassent toute forme de cohérence dans les plans et l'univers. Une impression désagréable particulièrement redoutable lorsque cette technique est utilisée pour les foules ou les batailles. Le film en devient alors grossier, brouillon, moins beau que le premier jeu de la série, pourtant sorti il y a 10 ans.

Si l'idée est bonne, sur le papier, à l'arrivée, ce Ninokuni n'a que peu de choses qui jouent en sa faveur. Pas assez ambitieux pour se démarquer de la concurrence d'un genre qui s'étouffe depuis longtemps, pas assez modeste pour rester dans l'échelle de son budget, le film semble jouer sur plusieurs tableaux en même temps sans jamais utiliser les bons jetons. Très dommage.

 

Ninokuni

Résumé

Ultra classique dans son histoire et inégal dans son exécution, Ninokuni part pourtant d'une très belle intention et propose des personnages attachants et intéressants. Un beau rendez-vous manqué.

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commentaires
Hasgarn
23/01/2020 à 18:28

Sans le twist de fin, ce serait tout juste médiocre et vain.

Dredd*
23/01/2020 à 15:06

J'ai l'impression que 90% de l'actualité cinéma /série sont aujourd'hui occupés par Netflix et Marvel. C'est incroyable le nombre d'articles sur un de ces deux qui sortent par jour.
N. B. : Je ne critique pas le site, je fais juste un constat général de l'état du 7e art aujourd'hui.

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