El Camino : critique qui a sa dose

Simon Riaux | 11 octobre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 11 octobre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Breaking Bad fut un phénomène de société, suivi avec brio par Better Call Saul. De cet univers, qui paraît sans limite, son créateur Vince Gilligan propose une nouvelle extension : El Camino, ou la conclusion aux mésaventures de la grande victime expiatoire de la folie de Walter White. Mais n'est-il pas trop tard pour nous proposer ce petit trip nostalgique ?

ENVIE DE RIEN, PAS BESOIN DE TOI

Si Netflix a pris tout le monde de court en officialisant, quelques semaines avant sa mise en ligne, l’existence d’un long-métrage poursuivant l’épopée Breaking Bad, c’est bien parce que personne ne s’attendait à retrouver Jesse Pinkman. On avait laissé le malheureux laborantin, brisé physiquement et moralement, sauvé de justesse par Walter White, entamant une fuite désespérée vers des lendemains qui déchantent.

Rien n’imposait de revenir vers ce personnage qui paraissait à bien des égards arrivé au bout de son chemin (de croix). C’est pourtant ce qu’a choisi de faire Vince Gilligan, offrant au public une sorte de bonbon doux-amer, focalisé sur notre anti-héros cabossé. Mais, comme le spectateur, le showrunner et metteur en scène sait bien que c’en est déjà fini de Jesse. Il n’y a tellement plus rien à raconter à son sujet, que pour faire émerger des enjeux, le scénario choisit de relire et réinterpréter des évènements passés.

 

photoNouveau look pour une nouvelle vie

 

On le verra, Vince Gilligan est désormais un dialoguiste et un architecte si accompli qu’il se sort de cette randonnée périlleuse avec les honneurs. Mais il n’empêche, le sentiment de pesanteur et d’artificialité prédomine pendant la première partie du film.

À force d’allers-retours temporels, d’archéologie thématique, El Camino finit par surligner combien le projet, uniquement conçu pour organiser une fête de la saucisse nostalgique aux fans, demeure dispensable, ne parvenant jamais tout à fait à nous convaincre que nous avions l'impérieux besoin de poser les yeux sur lui.

 

BECAUSE OF METH

Mais l’auteur-réalisateur est désormais suffisamment aguerri pour dépasser ce péché originel et transfigurer les limites de l’exercice. Son film se veut à la fois un western urbain et une étude de caractère. Pourquoi Jesse, éternelle victime est-il si tragiquement incapable de se révolter, de prendre en main son destin ?

Voilà l’interrogation qui hante le personnage et structure les à-coups de sa mémoire. L’occasion pour Gilligan de prouver qu’il est capable de dépeindre les ressorts psychologiques de ses protagonistes en une poignée de répliques, et avec un sens du tranchant admirable.

 

photo Charles Baker

 

Mais, pour épurés et évocateurs qu’ils soient, ce ne sont pas tant les échanges entre personnages qui retiennent l’attention. Qu’il choisisse des metteurs en scène ou passe lui-même derrière la caméra, il a toujours apporté un grand soin au découpage et à son sens. Un art ici poussé dans ses retranchements, alors que la caméra transforme la moindre confrontation, le plus humble des décors, en arènes dramaturgiques. L’image se joue des lignes de fuites, la scénographie fait feu des plus petits éléments du champ de ruine existentiel qu’est la vie de Jesse Pinkman.

Patiemment, à force de métaphores discrètes dans lesquelles infusent simultanément le goût du cinéaste pour l’hyper-réalisme et un sens de l’absurde terriblement amer, se tisse, sous nos yeux, une ultime vengeance symbolique. Foulé aux pieds par le reste du monde, méprisé jusqu’à disparaître, Jesse doit s’arracher à sa condition de victime pour renaître. Une quête qui prend progressivement la forme d’une confrontation inévitable, sous perfusion de Sergio Leone, permettant au réalisateur d’user de l’univers de Breaking Bad comme un coffre à jouets cinématographique.

 

photoGrosse ambiance

 

Derrière sa façade naturaliste, son amour pour un monde palpable, fait de textures, de carnations et d'accessoires palpables, le réalisateur déploie un art de la pure mise en scène qui impressionne régulièrement. Un plan fixe fera naître un suspense rythmiquement imparable, quand une confrontation armée se jouera à la pointe d'un dialogue, avant qu'un duel n'emporte tout sur son passage.

Dans cette scène où culmine toute la tension accumulée au cours des deux heures qui précèdent, le métrage joue une partition délicieuse et trop rare, celle du morceau de bravoure directement issu du western, à la narration sèche, ramenée à l'os, dont la puissance d'arrêt ravage le spectateur. Et c’est là que se trouve le grand plaisir d’El Camino, celui d’assister à nouveau à la montée en puissance d’un auteur capable d’explorer avec une énergie contagieuse les grandes formes du cinéma américain.

 

affiche France

Résumé

Si El Camino est finalement un ajout dispensable à la mythologie Breaking Bad, à la longueur un peu exagérée, son créateur Vince Gilligan s'y impose une nouvelle fois comme un metteur en scène formidable dès lors qu'il est question de jouer avec nos nerfs et de convoquer ses glorieux aînés.

Autre avis Lino Cassinat
Du style et de l’efficacité, Vince Gilligan en a à revendre, mais avoir une belle carrosserie ne sert à rien si le moteur narratif n’a plus d’essence, et ce El Camino est sur la réserve. Heureusement, il y a assez de substance pour faire surgir quelques émotions poignantes, mais le tout a le ventre mou. La der des ders, on l'espère.
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commentaires
Jeff
01/02/2020 à 22:59

J'ai perdu 2h20. Aucun sens ni interêt. Film desservant l'acteur.

Ratatak
19/10/2019 à 00:22

Bon par contre on est d'accord qu'il y a un crâne Henry "Justice League" Cavill lors du passage "Spoiler" ???

Cat44
13/10/2019 à 18:56

J'ai replongé direct dans ce film car Breaking bad a agit sur moi comme une drogue dure (normal!), retrouver Jesse pour voir s'il va s'en sortir, j'ai kiffé! peut-être un peu lent par moment mais rappelez-vous que les épisodes de Breaking bad n'étaient pas tous dans l'action et je les appréciais tout autant. Tout ce que j'espère c'est une suite car les 2 h ont passé très vite pour moi, j'attendais, haletante, l'épisode suivant me croyant encore dans la série.... Je suis en manque........................ L'alaska pourrait réserver de belles surprises et rebondissements, j'en rêve!

Akitrash
13/10/2019 à 16:05

Un film scénaristiquement creux, et qui aurait pu ne durer qu'une poignée de minutes...
Reste la mise en scène sublime de Vince Gillian qui nous scotch littéralement, et quelques scènes magistrales comme celle du désert ou le mythique duel!
Dommage que le final soit un peu trop convenu, le film n'apporte rien de neuf à la mythologie Breaking Bad...

Arnaud (le vrai)
13/10/2019 à 09:53

Film dispensable et avec quelques longueurs, mais petit plaisir coupable de revoir tous ces personnages (avec un Todd qui a clairement abusé des tacos ...)

Aaron Paul est toujours aussi dingue, pour moi ce mec n’a pas eu la carrière qu’il aurait mérité ...

Bref un film a voir pour les fans de Breaking Bad (ça m’a même donné envie de revoir la série), mais un peu trop lent quand même ...

Loule
13/10/2019 à 08:18

Film sans intérêt, trop long et sans fin. On aurait dû s'en tenir a la fin de breaking bad et laisser notre imaginaire faire le reste, ce film n'apporte rien de plus sauf une lenteur qui n'y était pas dans la série.
J'ai été très déçu.

Justevu
12/10/2019 à 20:39

Je viens de le voire.. Je dirais comme déjà dis.. A voir comme un long épisode.. Mais sans Walter White.. Ils aurait pu le faire en 1 épisode.. Le film est lent.. J'ai regardé mais mon esprit à décrocher après un petit moment.. Ne le regarder pas en vue de se faire une soirée film ou quoi.. Juste par curiosité.. Vous saurez moins déçu ????


12/10/2019 à 18:06

Je suis mitigé, je n'ai pas trouvé grande utilité à ce film, malgré qu'il soit bien foutu dans sa forme.
si un avis en vidéo vous intéresse, je peux vous recommander ceci:
https://youtu.be/s10GrePph3w

Morphasy
12/10/2019 à 16:57

Moi ce que j ai vu c est un film trop lent,pour un épisode ça passerait,j ai vu aussi une façon détournée de s interesser au personnage de todd (qui mange un peu trop ????),assez énigmatique,tout nous pousse à croire qu il est manipulé et bon en soi...bref je reste un peu sur ma faim même si revoir heisenberg dans son rôle l a fait beaucoup de bien ????

Roukesh
12/10/2019 à 13:07

@M1pats tu es vraiment idiot à ce point? Ton avis ne vaut pas mieux que celui des autres. Tu as aimé eux non, ça s'arrête la si tu ne veux pas débattre et argumenter. Sur ce, film sympa, j'ai pris plaisir à le voir, mais effectivement dispensable.

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