22 Miles : critique carnage

Geoffrey Crété | 17 août 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 17 août 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Quatrième pour le réalisateur Peter Berg et Mark Wahlberg. Après Du sang et des larmesDeepwater et Traque à Boston, le duo se reforme pour 22 Miles. Catapulté en Indonésie avec son équipe d'agents warrior de la CIA, l'acteur de Transformers a pour mission d'exfiltrer un homme et survivre à quelques dizaines de kilomètres en milieu hostile. Une formule très simple, pour un film nerveux et musclé, avec aussi Lauren CohanRonda RouseyJohn Malkovich et Iko Uwais.

SÉCURITÉ TRÈS RAPPROCHÉE

Sur le papier, 22 Miles ressemble un peu beaucoup à Sécurité rapprochée avec Denzel Washington et Ryan Reynolds, ou S.W.A.T. unité d'élite avec Colin Farrell et Samuel L. Jackson. Une équipe de choc, un colis à amener à destination, un chemin semé d'embûches : la recette est aussi simple que les douilles sont nombreuses dans cette traversée cauchemardesque d'une métropole indonésienne, où le danger, la folie et la violence guettent à chaque carrefour.

Leader d'un groupe d'agents de la CIA utilisés pour des opérations extrêmes, le James Silva incarné par Mark Wahlberg est un môme surdoué devenu machine de guerre susceptible d'exploser, la faute à une agitation et une nervosité extrêmes. Une sorte de Rambo croisé avec Carrie Mathison de Homeland en somme, dont la présence à ce poste annonce la couleur du film. Entouré d'une équipe de choc, avec notamment Ronda Rousey et Lauren Cohan de The Walking Dead, il doit extrader un policier local qui détient de précieuses informations, et qui est donc pourchassé par des hordes de fous furieux. Que ce flic soit interprété par Iko Uwais, le héros de The Raid et The Raid 2 : Berandal, annonce la couleur. Et elle sera rouge sang-bleu hématome. 

 

photo, Mark WahlbergMark Wahlberg, œil sérieux avec un flingue - édition 65 

 

LE CONVOI DE LA PEUR

22 Miles rappelle d'emblée ce que Traque à Boston a récemment brillamment illustré : Peter Berg est un talentueux metteur en scène de la brutalité et de la tension. L'intro du film, qui symbolise l'Amérique violente d'aujourd'hui, des deux côtés de la ligne, est un excellent morceau de suspense, surprise et action. Le réalisateur de Hancock et Le Royaume démarre in media res, sans aucune fioriture ni générique, plongeant le spectateur dans une crise qui a commencé depuis bien longtemps, à l'ombre des jolis peupliers qui veillent sur les lotissements pas si calmes de l'oncle Sam.

Ces moments d'action explosifs sont les meilleurs de 22 Miles. Quand la bande est lancée dans la fuite infernale à travers une ville qui se transforme en chaque carrefour en zone de guerre, Peter Berg impose son style. La caméra s'emballe pour capter la fureur des mouvements, le découpage épouse la rapidité des pas, et la fumée des explosions et des douilles enveloppe le tout dans une atmosphère quasi cauchemardesque.

 

photo, Ronda RouseyRonda Rousey n'est pas là pour rigoler

 

Berg est moins précis dès lors qu'il filme les combats d'Iko Uwais, comme s'il se heurtait au mur d'un autre cinéma, plus physique, et une autre violence, plus intime. Là, le montage joue contre les chorégraphies pourtant excellentes. Le réalisateur est plus à l'aise avec les mitraillettes qu'avec les poings, et le tempo de l'acteur de The Raid est trop rapide et extrême pour sa mise en scène.

Ce n'est pas très grave : partout ailleurs, le film marque des points, et offre même des accès de violence inattendus. Et parce qu'il ne ménage pas ses personnages, hormis cet étrange héros désaxé, 22 Miles donne réellement l'impression de suivre un chaos insurmontable.

 

photo, Iko UwaisLa bête Iko Uwais

 

I'M AFRAID OF AMERICANS

Mais se dessine surtout un portrait de l'Amérique et du monde d'aujourd'hui, qui trace une ligne claire dans la filmographie de Peter Berg. Lancé après Very Bad Things et Friday Night Lights, il avait touché au sujet dans Le Royaume il y a dix ans, avant de plonger dans le film popcorn hollywoodien (BattleshipHancock). Depuis qu'il a trouvé en Mark Wahlberg l'acteur bankable qui lui sert de rempart pour avancer, il cartographie l'Amérique et ses failles. Du plus lointain (l'Afghanistan de Du sang et des larmes) au plus proche (Traque à Boston), de la politique étrangère à la gestion plus locale (Deepwater), le cinéaste scrute les démons de son pays.

Ici, l'Amérique n'est pas là pour gagner, mais pour être attaquée, explosée, trompée, humiliée et ramenée à son rang de simple joueur parmi les autres. L'ennemi peut avoir un visage d'ange, quand le sacro-saint héros américain a des airs de fou à lier. A force de mensonge, subterfuges, attaques et contre-attaques, le monde n'est qu'un perpétuel champ de bataille, où le citoyen n'est plus qu'une arme en sommeil ou une victime collatérale, forcée à être témoin d'une horreur qui le dépasse.

 

photo, Lauren CohanLauren Cohan entourée de morts, encore

 

Avec Traque à Boston, il avait signé l'un de ses films les plus réussis, où la menace devenait quasi surnaturelle tant elle s'évaporait dans les airs, bouchait toutes les issues institutionnelles, et mettait les autorités et citoyens face à leurs limites. Dans 22 Miles, Peter Berg redescend d'un cran. Ce qu'il raconte est non seulement plus simple et limpide, mais c'est en plus énoncé dans une formule plus attendue et mécanique.

La narration, qui voit Mark Wahlberg raconter les événements, alourdit le récit et le montage. Et la mise en scène est globalement moins assurée et précise, comme si le réalisateur était dépassé par l'énergie de l'action, et manquait d'oxygène.

22 Miles laisse donc un arrière-goût d'inachevé, comme si tout était trop accéléré et sur des rails. Que cette fois, le discours ne prenait pas suffisamment de place, restait trop théorique. Et que Peter Berg ne parvenait pas à véritablement maîtriser cette bête qu'il a entre les mains.

 

Affiche française

Résumé

Moins solide et tétanisant que les précédentes collaborations entre Peter Berg et Mark Wahlberg, 22 Miles creuse le sillon d'une cartographie noire de l'Amérique, tout en offrant un ride brutal et cauchemardesque, embrumé dans le parfum des douilles et du sang dans ses meilleurs moments.

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Lecteurs

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commentaires
Miami81
17/11/2020 à 22:57

Quelle claque, ça faisait un moment que je n'étais pas resté scotché à mon siège ainsi. Dommage que je l'ai raté au cinéma. Il aurait mérité d'être un peu plus long et d'avoir un budget un peu plus conséquent.

Decoy
16/09/2018 à 16:39

Un film coup de poing qui ne s'embarrasse pas de réflexion profonde. Berg remue sa caméra dans tous les sens, ça pète, ça saigne, les amateurs des vieux Scwharzie seront comblés. Et une issue pas hollywoodienne pour une fois. Comme dit Wahlberg : c'est du bon boulot.

Dutch Schaefer
07/09/2018 à 18:32

Sec! Brutal! Nerveux! Rapide! Efficace! Violent! Amorale!
Fou...Furieux!
Autant vous dire, que j'ai vraiment apprécié cet exercice de style assumé de A à Z!
Décidément cette association Walhberg Berg me satisfait très bien!

Ben voyons
29/08/2018 à 20:39

Ce film fait penser a multitude de films d'action dont le western 3h10 pour Yuma
Ou l épreuve de force
Ou 16 Blocs
Ou the Safe House
Etc...
Le genre de film dont le thème a été vu et revu ...

Bond
29/08/2018 à 18:05

On a trouvé le réalisateur de Bond 25 ????

l'indien zarbi
29/08/2018 à 14:49

Je ne sais pas si vous avez pu voir le making off "Fuckin Kassovitz".
On nous sermonne de long en large que Kassovitz était bridé par les producteurs Us pour sa vision violente du roman de Dantec.
Maintenant, on a ça.

Rg
26/08/2018 à 22:33

Pas encore vu,je me tâte...

Rudy Mako
20/08/2018 à 02:38

Le couple walh/berg, c toujours musclé

Reallu
19/08/2018 à 02:55

Casting pas crédible du tout....

Chris
18/08/2018 à 13:01

ça me fait penser à 16 Blocs avec Bruce Willis.

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