Je ne suis pas un homme facile : critique dure
Quand Netflix, pourtant désireux de vitaliser son catalogue d’acquisitions, pré-achats et productions, met si peu en avant une production du calibre de Je ne suis pas un homme facile, on est rapidement tenté de redouter une catastrophe. Mais si le premier long-métrage d’Éléonore Pourriat n’est pas sans défauts, il demeure une proposition singulière au sein de la comédie française.
MACHO MANNE
Adaptation au format long d’un court-métrage devenu viral, Je ne suis pas un homme facile suit les pérégrinations de Damien (Vincent Elbaz), quarantenaire séducteur au phallus aussi frétillant qu’un squale au milieu d’un banc d’otaries enduites de sang de phoque. Mais ce pauvre Damien est brusquement précipité dans une dimension parallèle, où les rôles sont inversés et où les femmes dominent les hommes depuis toujours. Le Don Juan se transforme alors progressivement en cas social, alors qu’il s’évertue à séduire une romancière qui collectionne les aventures.
Le changement, c'est maintenant
Un point de départ plutôt original et abrasif, pour qui s’est lassé de voir la comédie hexagonale se reposer sur les inoxydables piliers que sont toujours le vaudeville du XIXe siècle, les portraits de père divorcé dépassé par leurs enfants et la pantalonnade réac. La direction choisie par Éléonore Pourriat est d’autant plus intéressante qu’elle excelle à souligner quantité de tropismes masculins oppressants et absurdes. Si le scénario ne recule jamais devant quantité de situations grotesques et absurdes, il parvient à assoir son propos avec un sens du détail souvent remarquable.
Blanche Gardin, sur le point de mettre une petite pétée à Vincent Elbaz
Son talent s’exprime avec une acidité stimulante dès lors qu’elle multiplie les brefs portraits (de vieilles belles lubriques dans un bar à strip tease, lorsqu’elle interroge la nécessaire masculinité de Dieu), et laisse à Blanche Gardin le soin de tourner en dérision la figure du goujat. Elle n’est pas la seule à briller, puisque Vincent Elbaz joue le jeu avec une euphorie évidente, décuplée par l’énergie étonnante de Marie-Sophie Ferdane, impériale et électrique.
Le plaisir avec lequel elle revêt pour les déformer les traditionnels oripeaux masculins est communicatif, tandis que les séquences où la caméra assume intelligemment de filmer "comme un homme" confèrent au film une pertinence par endroits vertigineuse.
IT’S RAINING MEN
Malheureusement, Je ne suis pas un homme facile est loin de tenir la barre tout du long. Pour quantité de bonnes idées et une interprétation solide, il faudra passer outre une mise en scène et une photographie d’une rare mollesse, qui feraient passer Paris pour un faubourg de Roubaix. Le découpage souffre lui aussi d’une anémie handicapante, qui détonne singulièrement avec le soin technique habituellement apporté par Netflix à ses productions. La direction artistique semble toujours favoriser une sorte de néant grisâtre plutôt qu'une direction franche, ce qui finit par anesthésier le spectateur tout retirant à cet univers la force de ses décalages.
Éléonore Pourriat semble également avoir eu par endroit du mal à négocier le passage au format long. Elle abandonne en partie ici la noirceur de son court-métrage originel – qui faisait tout son sel – pour s’égarer ici et là en justifications oiseuses (la puissance physique féminine, sorte d'aveu, tentant de donner chair au concept d’une domination physique féminine), qui ne fonctionnent pas à l’écran.
Ces faiblesses nuisent à l’immersion et soulignent finalement que le script échoue à jouer le rapprochement de ses protagonistes (deux dominants cherchant à s’affranchir de leurs tropismes respectifs pour trouver une modalité d’existence commune) pour rejouer une énième comédie de la fidélité et du chantage à l’exclusivité.
Lecteurs
(4.0)27/05/2019 à 23:29
Bof! mais pourquoi pas
11/05/2018 à 15:39
c'est de la daube
19/04/2018 à 14:30
film incroyable regardez le vraiment !
18/04/2018 à 14:39
@stavos
Comme dit dans la critique. Dès le début en fait.
18/04/2018 à 13:03
Long métrage adapté du court « Majorité Opprimée », également réalisé par Pourriat.
17/04/2018 à 20:18
Bon, à essayer, donc !
C vrai que sur le papier, ça rappelait l'horrible film d'Audrey Dana...
17/04/2018 à 19:54
"il faudra passer outre une mise en scène et une photographie d’une rare mollesse, qui feraient passer Paris pour un faubourg de Roubaix."
Il y a plein de gens qui habitent Roubaix, qui méritent un peu plus de respect.
17/04/2018 à 19:34
Votre remarque "qui détonne singulièrement avec le soin technique habituellement apporté par Netflix à ses productions" semble un peu hors propos, Netflix n'intervient qu'en tant qu'acheteur sur ce film. Croire que des gars depuis Los Santos vont piloter la production d'un petit film français (2 millions d'euros) non quand même pas. Bref, Netflix est juste un immense distributeur de la fiction, il n'y a pas de pate ou de style Netflix sur les contenus originaux.