Critique : Un si doux visage

Laurent Pécha | 25 avril 2007
Laurent Pécha | 25 avril 2007

 

« Mettre en scène, c’est savoir raconter une histoire ». Sa citation, Otto Preminger l’applique à la lettre dans Un si doux visage. Quintessence du film noir, cette œuvre, véritable modèle de narration, est pourtant moins connue que Laura, film auquel on se réfère immédiatement quand on évoque le nom du réalisateur. Un constat bien injuste tant la plupart des obsessions de son metteur en scène se retrouvent rassemblées dans cet Angel Face (le terme d’ange personnifiant à merveille le visage de Jean Simmons).

À commencer par l’omniprésence de la femme fatale. Elle symbolise ici le deus ex machina : toute évolution des personnages se doit de passer par elle. C’est ainsi vrai pour Franck, véritable suiveur, qui ne semble jamais vraiment dupe des manipulations que lui fait subir Diane mais qui  ne fait strictement rien pour l’en empêcher. La démarche nonchalante et le jeu désabusé de Mitchum fait d’ailleurs merveille. Les autres protagonistes sont dans le même état d’esprit. Le père dont Diane est éperdument amoureuse (on nage en plein complexe d’œdipe que le réalisateur s’amuse souvent à accentuer) n’arrive plus à écrire et ne fait rien pour se remettre sur la bonne voie. La belle mère n’a aucune réelle ambition si ce n’est d’assister à ses tournois quotidiens de bridge. La petite amie de Franck passe son temps entre l'envie de le larguer car il n’arrive pas à s’engager ou l'envie de s’amouracher d’un de ses collègues de travail. Tous font donc du surplace et c’est Diane qui va faire avancer les choses de la manière la plus terrible qui soit. C’est elle et uniquement elle qui a les clés de leur destin.

Preminger, totalement fasciné par ce type de femme, sait les filmer sous leur plus beau jour. À l’instar de Gene Tierney dans Laura, Jean Simmons n’a jamais été aussi belle et désirable. Et l’on comprend aisément que Mitchum se laisse entraîner dans cette spirale fatale. Car, c’est aussi ça la force du film de Preminger : jamais le dénouement de l’histoire ne surprend. Tout est mis en place/scène pour que l’on ressente l’inexorable descente aux enfers.

D’une œuvre de commande, Otto Preminger a tiré un formidable film noir, véritable métaphore des plus anciennes tragédies grecques. Quant au spectaculaire final, il n’a pas fini de nous hanter.

 

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