Cannes 2017 : critique à chaud de Les Proies, premier gros nanar de la compétition officielle
De la tragédie banlieusarde à l'inconséquence clinquante de Bling Ring, Sofia Coppola n'en finit pas de susciter admiration et agacement. En proposant une relecture des Proies de Don Siegel, la cinéaste tenait là un projet capable de rassembler son goût pour les récits féminins intimistes, sa capacité à radiographier la langueur de ses personnages et le fétichisme plastique qui a toujours animé son cinéma. On ne s'étonnait donc pas de retrouver le film en compétition officielle à Cannes.
THE KILLING OF A SACRED FILM
Mais après le visionnage, on se demande si la raison de sa présence ne tient pas aussi à la nécessité d'accueillir sur la Croisette des réprésentants identifiés du cinéma américain, ainsi que des réalisatrices, la sur-représentation d'artistes masculins au sein de la sélection (et logiquement du Palmarès) étant une problématique régulièrement soulevée par le Festival comme ses détracteurs. En effet, Les Proies, malgré l'audace du projet et la force de son sujet, échoue à peu près dans tout ce que son auteur entreprend.
En pleine Guerre de Sécession, les dernières habitantes d'un pensionnat de jeunes filles recueillent un soldat de l'Union (le Nord). Blessé, il se retrouve à la merci de cinq femmes hésitant sur la conduite à adopter. Mais le désir va entrer en scène, et transformer l'hôpital de fortune en un champ de bataille où se jouera une guerre des sexes impitoyable. Il y avait la matière à livrer un récit suffoquant et émotionnellement intense, dans laquelle Coppola avait toute latitude pour greffer ses motifs, mais son film demeure totalement prisonnier de l'oeuvre originale. Incapable de se désolidariser du déroulé narratif du précédent film, la réalisatrice essaie bien de déplacer la focale sur les personnages féminins, mais n'opère cette bascule que pour mieux se casser les dents sur l'écriture unidimensionnelles de ses personnages.
Toutes plus monomaniaques les unes que les autres, les comédiennes (à l'exception notable de Kirsten Dunst), sont également desservies par une tonalité étrange, qui privilégie l'humour bas du front, pour ne pas dire lourdingue. Un choix fort, mais qui se retourne contre le récit en contaminant progressivement chaque séquence, ce qui a pour effet d'annuler totalement la dramaturgie du métrage, ainsi que la tension qui devrait logiquement être le moteur de ces Proies.
Colin Farrell ne parvient pas non plus à se hisser hors du bayou, paralysé par un rôle qui fait de lui une serpillère de veulerie au charisme d'ongle incarné, soit un antagoniste bien trop faible et pathétique pour jamais représenter une menace sérieuse, ou une articulation solide du récit. La mollesse de son interprétation se fait d'autant plus embarrassante et criante que l'acteur s'imposait il y a quelques heures dans The Killing of a Sacred Deer - Mise à mort du cerf sacré en français - comme un des artistes les plus accomplis du Festival.
BLING CRIME
Plus le film avance, moins on comprend ce qui intéresse ici la cinéaste. D'une pudibonderie curieuse, voire contreproductive, le film ne mise pas pour autant sur un découpage glacial ou ascétique, et paraît ne jamais vouloir épouser complètement l'intensité de ses rebondissements. Point de tension sexuelle donc, et pas non plus d'éruptions de violence physique, en dépit d'un scénario qui ménageait beaucoup de possibilité de représentation de la perversité. Les Proies s'enfonce continuellement dans un enchaînement de non-choix qui, s'ils ne rendent pas l'expérience à proprement parler désagréable, la condamne à l'anecdotique.
Délesté de son impact émotionnel, et par la même de sa potentielle dimension politique, le film tend plus vers le Ladykillers des frères Coen que vers l'étude glaçante des rapports hommes-femmes promise par son synopsis. Hélas, Coppola échoue également à s'approprier son sujet plastiquement, se contentant de plaquer ses recettes éprouvées sur la Virginie du XIXème siècle, plutôt que des hybrider à son sujet (ce qu'elle avait parfaitement réussi dans Marie-Antoinette). En résulte la désagréable impression de regarder une captation de mauvais théâtre, barbouillée de filtres Instagram qui ringardisent systématiquement toutes les tentatives formelles du métrage. Un maniérisme très superficiel donc, qui gâche jusqu'aux compositions soignées des plans d'extérieurs du film.
Le festival de Cannes n'accueillera pas cette année le retour en grâce de Sofia Coppola. Mais il vient peut-être de nous livrer le plus bel hommage possible à Patric Braoudé.
31/05/2017 à 09:23
Déjà l'affiche est un crime...
31/05/2017 à 00:47
moi j'attends de voir le film avec impatience! quant au soi-disant ratage, il a eu le prix de la mise en scène à cannes...
29/05/2017 à 11:25
Riaux a détesté, je suis donc impatient de le découvrir...
CQFD.
25/05/2017 à 21:52
On dirait un caca enrobé inondé de Chanel no 5. Merci j'en avais l'intuition, je sais maintenant que je ne vais pas voir ce truc (puis mince l'original quoi...)
24/05/2017 à 21:01
Mouais...
Gratuite la blague de Braoudé et hors propos.
Mais The beguiled, l'original..
Chef d'oeuvre de noirceur et climax qui met mal a l'aise..
Siegel/Eastwood, the best.
24/05/2017 à 18:54
ok
9 mois, c'était matable (de mémoire)
24/05/2017 à 17:57
Bah le film est un ratage total, qui ressemble plus à une comédie qui tâche qu'à un long-métrage digne de ce nom.
24/05/2017 à 17:27
la référence à Braoudé est cryptique.
merci d'expliquer.