L'indéfendable : Phénomènes avec Mark Wahlberg ou le pire film de Shyamalan ?

Geoffrey Crété | 25 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 25 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Parce que le bon sens a ses limites, certains films restent difficiles voire impossibles à défendre. Ecran Large leur consacre donc une rubrique spéciale : les indéfendables. L'occasion de revenir sur des ratages plus ou moins célèbres et controversés, salués par la presse, le public ou les deux.

    

Affiche

"Au secours !" (Figaroscope)

"On est dans un film de genre raté" (Le JDD)

"Ça promet beaucoup pendant une demi-heure et n'offre au final que du vent" (Télérama)

"Des protagonistes improbables, balancés là dans le seul but de dynamiser un scénario vide et creux" (Mad Movies)

 

  

 

LE RESUME EXPRESS

Le monde de Shyamalan est incroyable : Mark Wahlberg enseigne les sciences, et des gens se suicident massivement sans raison apparente.

Marky Mark a peur et décide de quitter Philadelphie avec sa copine, alors que le chaos se répand dans les villes, avec la peur d'une attaque terroriste. Un ami à eux (qui mourra) décide de retourner chercher sa femme et leur laisse sa fille (qui survivra).

Ils retrouvent d'autres survivants plus ou moins bizarres. Alors que le vent des enfers se lève sur un champ, Marky Mark comprend (grâce à la science) que les plantes relâchent des substances chimiques qui poussent les gens à se tuer, et qu'elles s'attaquent aux groupes. Ils se séparent donc et croisent une plante en plastique, une tondeuse sortie de Sinister, un vieux monsieur pas content qui tue deux ados un peu agaçants avec un fusil à pompe, puis une vieille dame très bizarre.

Mais la toxine finit par arriver : la folle devient encore plus folle, et Marky Mark est séparée des filles. Mais l'amour est plus fort que l'horreur, et ils décident de sortir de leurs cachettes... pour constater que le vent est redevenu du vent.

Plus tard, Marky apprend qu'il va être papa, il est heureux. A la TV, les scientifiques s'interrogent sur le vent meurtrier. A Paris, un Français s'exclame "Mon Dieu !", alors que le vent se lève derrière lui.

FIN

  

photo, John Leguizamo

 

LES COULISSES

En 2007, Sixième sens est loin. Au fil des films, M. Night Shyamalan a perdu son aura de nouveau Steven Spielberg pour être boudé par la critique et le public. La Jeune Fille de l'eau, où il case un odieux personnage de critique qui sera sauvagement tué, l'achève : cette fable est un échec spectaculaire.

Lorsqu'il présente son nouveau scénario alors intitulé The Green Effect à plusieurs studios, il essuie les refus. Il encaisse, prend note et réécrit le film pour la Fox, qui l'incite à repousser les limites de son histoire - une manière polie de lui demander de se renouveler, peut-être. Le producteur Barry Mendel expliquait à l'époque : "L'idée motrice de ce film a été de pousser plus loin ce que nous appelons "le genre Shyamalan". La Fox nous a dit qu'on devait retrousser nos manches et y aller à fond !".

Shyamalan est ravi, et le confirme avec toute l'humilité qui le caractérise : "Si on avait fait L'Exorciste en visant une interdiction aux moins de 13 ans non accompagnés, cela n'aurait jamais donné le film culte que l'on connaît..." Phénomènes sera ainsi son premier film R-Rated (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés).

Le cinéaste a écrit le premier rôle en pensant à Mark Wahlberg, qui accepte. Il courtise Amy Adams pour le rôle féminin, mais elle refuse et Zooey Deschanel est castée.

La promo se construit sans surprise sur la réputation de Shyamalan avec une phrase sous forme de gros clin d'oeil : "We've sensed it. We've seen the signs. Now...it's happening". Références aux titres originaux de Sixième sens, Signes et Phénomènes.

 

Photo Zooey Deschanel

 

LE BOX-OFFICE

Phénomènes a coûté 48 millions de dollars et en a rapporté plus de 163, dont 64 aux Etats-Unis. Mieux que La Jeune Fille de l'eau (72 millions au box-office pour un budget de 70), mais loin du Village (256 pour un budget de 60), Signes (408 pour un budget de 72), Incassable (248 pour un budget de 75) et bien sûr Sixième sens (672 pour un budget de 40). 

A noter un clin d'oeil prémonitoire sur la filmo de Shyamalan puisque la petite fille porte à la fin un sac à d'os Le Dernier Maître de l'air.

Interrogé à la sortie de Fighter sur sa rencontre avec Amy Adams, Mark Wahlberg a méchamment attaqué Phénomènes en pleine conférence de presse : "On s'était rencontrés avant pour parler d'un autre film et c'est un mauvais film que j'ai fait. Elle l'a évité. Je ne veux pas vous dire lequel... Ok c'est Phénomènes. Merde, c'est comme ça. Des putains d'arbres et de plantes. Merde. Vous pouvez pas m'en vouloir d'avoir eu envie de jouer un prof de sciences. Au moins j'étais pas un flic ou un gangster cette fois".

 

photo, Mark Wahlberg, Zooey Deschanel

   

LE PIRE

Shyamalan s'est défendu face aux critiques avec un argument : Phénomènes est une série B divertissante, censée être amusante et sans prétention. Mais c'est bien là le problème : ce n'est ni une série B amusante, ni un film catastrophe spectaculaire, ni un thriller inventif. C'est un peu drôle certes, mais bien souvent malgré le film lui-même.

Dès la première apparition de Mark Wahlberg dans sa salle de classe, où il déroule sans aucune subtilité tout le fond du film (la nature est mystérieuse, la nature est fragile, mais la nature peut aussi être dangereuse et dépasser l'esprit humain), il y a la certitude que quelque chose ne fonctionne pas à un niveau grave. Peut-être parce que l'acteur musclé est tout sauf convaincant en professeur de science, peut-être parce que Zooey Deschanel semble jouer dans un film encore plus mauvais, ou peut-être parce que l'idée (séduisante sur le papier) de l'apocalypse écolo ne prend pas à l'écran. 

Là réside tout le triste problème de Phénomènes : son incapacité à donner vie à ce cauchemar. Habitué à rendre tangibles et solides des univers fissurés par des éléments fantastiques, Shyamalan se heurte ici à un mur immense, qui lui vaut une place dans une discussion sur la suspension d'incrédulité.

 

Photo Mark Wahlberg, Zooey Deschanel"T'es sûr, Manoj ? C'est ça la scène ?"

  

Démuni, le cinéaste se repose sur des ficelles grotesques (le mixage pour accentuer le son du vent et les ventilateurs géants sur la pelouse) pour créer la fiction, quand il ne pille pas sa propre filmo pour raviver la flamme (la vidéo de l'homme au zoo ressemble à une parodie du JT fabuleux de Signes, et le plan qui balaye le salon de la vieille folle rappelle immanquablement la scène dans laquelle les aliens cherchent à entrer dans la maison).

Phénomènes ressemble ainsi à une vaste fumisterie, une coquille vide, et la démonstration spectaculaire des limites du cinéma de Shyamalan. Sans compter que le scénario est médiocre dans les grandes largeurs, entre des dialogues ridicules entonnés par des acteurs en roue libre (Zooey Deschanel qui avoue avoir mangé un yaourt avec un collègue) et une narration faiblarde, qui enchaîne les morceaux comme pour meubler (notamment cette longue phase chez la vieille folle interprétée par Betty Buckley, également dans Split de Shyamalan). Que raconte alors le film ? Quelle est l'histoire derrière l'intrigue ? A quoi rime cette gigantesque horreur qui vire au burlesque ? 

Le "climax" est à l'image du film. Entre le triomphe de l'Amour, qui pousserait les plantes à regagner foi en l'humanité, et la minable coïncidence qui permettrait aux héros de survivre ("Le phénomène a dû prendre fin avant que je sorte...", s'étonne le héros), le coeur balance. Mais Phénomènes reste constant dans son affreuse médiocrité.

 

photo, Mark Wahlberg, Zooey Deschanel

 

LE MOINS PIRE

Les premières minutes de Phénomènes sont excellentes. Le parc qui s'immobilise sous les yeux inquiets d'une inconnue, les gens qui tombent lourdement dans la rue, ou plus tard ces cadavres pendus au arbres dans un quartier résidentiel : l'angoisse est palpable, et Shyamalan la filme de manière brutale et glaciale. Dans ces rares instants, sa mise en scène impressionne, et le film s'aventure sur des territoires étonnament noirs. 

Le réalisateur se montre ainsi particulièrement cruel et impitoyable, comme lorsqu'il tue deux adolescents. Isolée, la scène est d'une violence certaine, et certainement inattendue au sein du film. Mais parce que Shyamalan ne maîtrise pas vraiment ces ruptures de ton, Phénomènes semble être composé de plusieurs films (entre le premier et le second degré, entre ses acteurs bloqués sur différentes fréquences). Si bien que les moments les plus extrêmes pourraient prêter à sourire.

En outre, malgré son exécution ratée, l'idée de l'apocalypse écolo reste fascinante. Certainement trop lisible pour être grandiose, mais clairement assez folle pour laisser imaginer un vrai film d'angoisse où le réalisateur de Signes et Le Village aurait pu imprimer sa force narrative et visuelle. Un rendez-vous plus que manqué donc.

 

SCENE CULTE

Une bande-annonce honnête culte pour Phénomènes, alias The Happening alias "What the fuck is happening".

 

 

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commentaires
Lt
19/08/2020 à 19:55

Je comprend pas la haine qu'il y a envers le film

Titibud
27/02/2017 à 10:40

Le plus drôle cest de voir mark Wahlberg s'excuser au près d'une plante avant de se rendre compte qu'elle est en plastique !