Echo : critique d'un dialogue de sourds avec Marvel sur Disney+

Sourd comme un pot-pourri

Qu’est-ce que la vieillesse ? Peut-être le moment où les objets culturels de notre jeunesse ne parviennent plus à nous exciter par une simple agitation de hochet. Si Marvel en a fait sa spécialité depuis le succès des Avengers, il ne fait aucun doute que la méthode a commencé à atteindre ses limites, et joue un rôle dans la lassitude du public.

Dans notre cas, Echo n’a pas réussi à nous duper bien longtemps malgré le tour de force de son premier épisode : un plan-séquence au cœur d’une scène d’action brutale, dans laquelle débarque gaiement ce cher Daredevil. Certes, la prouesse est à saluer, d’autant que pour une fois, la volonté d'impressionner s’accompagne d’un renouvellement ludique des enjeux de la scène.

Évidemment, la mini-série du MCU exploite le filon comme une note d’intention excitante, histoire de cacher l’ennui abyssal que nous réserve la suite de ces cinq épisodes neurasthéniques. De toute façon, on nous a déjà agité ce hochet à l’époque du Daredevil de Netflix, qui avait fait de ses plans-séquences un motif jouissif de son identité, cohérent avec son personnage et la perception d’une violence super-héroïque exténuante.

Dès lors, la vieillesse, c’est peut-être aussi le moment où l’on détecte la démarche malhonnête planquée derrière la nostalgie et le clin d’œil. Echo n’a qu’une seule fonction : ramener dans le canon du MCU les personnages des séries Netflix jusque-là délaissés, à commencer par ce cher Matt Murdock (avant sa propre série, Daredevil : Born Again) et le Caïd de Vincent D'Onofrio.

Force est de constater que l’acteur reste l’une des meilleures décisions de casting de l’histoire de Marvel, et que sa peinture du grand méchant romantique et colérique inquiète toujours autant (il suffit de le voir ramasser innocemment un couteau pour s’en convaincre). Mieux encore, son écriture s’inscrit joliment dans la continuité des séries d’antan, faisant de Wilson Fisk ce parrain faussement bienveillant, dont le pouvoir dépend avant tout de son emprise terrifiante sur les gens qu’il aime (ou prétend aimer).

Heureusement qu'il est là

Caïdoscope

Là réside d’ailleurs toute l’ironie d’Echo. Alors que Maya Lopez (Alaqua Cox, très investie) cherche à s’émanciper de son “oncle” toxique lui promettant monts et merveilles, la série joue la même partition que son antagoniste, et ne semble justifier son existence qu’au travers des ratés récents de Disney+. Un peu à la manière d’un.e ex qui vous jure d’avoir changé, Marvel passe ici son temps à vouloir redorer son image, ne serait-ce qu’au travers du label qu’introduit Echo : Marvel Spotlight. Le but ? Raconter des histoires plus resserrées, moins massives en termes d’échelle, et surtout moins cadenassées par la continuité de la saga.

Le spectateur dans son canapé

Pas de bol, puisque le premier épisode galère à connecter la jeunesse de Maya avec les événements d’Hawkeye et le présent, de sorte à rendre l’ensemble peu palpitant sans le bagage émotionnel des précédentes productions. Pareil pour ce qui est du ton plus terre-à-terre, marketé au travers d’une certaine violence graphique (si tant est qu’une gerbe de sang sur un costard blanc et deux balles dans le dos puissent être qualifiées de la sorte).

Au final, Echo suit le programme habituel du MCU sur petit écran, avec les mêmes problèmes structurels que ses petits camarades (rien ne se passe pendant trois épisodes). La différence, c’est que le paquet cadeau espère nous tromper sur la marchandise, sans doute pour ne pas montrer l’état de panique de Marvel Studios. Après avoir parié trop vite sur la captivité de ses fans et sur la valeur de spin-offs en pagaille sur Disney+, la firme essaie de retomber sur ses pieds.

Une série faite par-dessus la jambe

Est-ce que tu m'entends Echo ?

C’est d’autant plus navrant que pour une fois, il n’y avait pas besoin de forcer ce renouvellement. En s’accrochant à un personnage éloigné des super-héros classiques, la série intriguait par sa faculté à ramener le MCU dans une dimension plus concrète et tangible. Et puis, ce n’est pas comme si son héroïne n’était pas une jeune Amérindienne sourde et amputée.

Dans les rares moments où le récit s’accroche à la condition et aux origines de Maya, Echo trouve enfin un peu de personnalité. Au-delà du traitement très naturel de la langue des signes dans les scènes de dialogues, la mise en scène réfléchit aux moments charnières qui doivent embrasser la subjectivité du personnage, et donc le silence de son quotidien.

Au royaume de Marvel, les borgnes sont rois

Tout cela reste cependant bien maigre, à l’instar de ce décor de l’Oklahoma qui encapsule la narration. La caméra a beau s’attarder en quelques plans sur une Americana en toc, elle n’évoque que trop peu l’histoire des Amérindiens réécrite par les Occidentaux, et le besoin pour cette communauté de se réapproprier son passé et son héritage. Malgré une poignée d'apartés surprenants sur le plan stylistique, Echo passe à côté de son sujet, et bazarde avec l’aide de super-pouvoirs la question de l’identité de son héroïne, pourtant au cœur des codes galvanisants des comics.

De quoi conduire les derniers épisodes sur un triste pilotage automatique, avant l’un des climax les plus foireux et fainéants d’une série Marvel (et c’est dire, quand on a vu Secret Invasion...). Dommage, au vu de la prise de risques relative que représentait l’adaptation d’un personnage aussi unique. Mais à force de faire passer son recyclage pour du renouvellement, Marvel ne cesse de lasser. À moins que ce ne soit ça, la vieillesse.

Tous les épisodes d'Echo sont disponibles sur Disney+ depuis le 10 janvier 2024.