Le Consultant : critique qui va devoir consulter sur Amazon

Lino Cassinat | 1 mars 2023
Lino Cassinat | 1 mars 2023

Il y avait longtemps que l'on n’avait pas vu un peu de comédie noire à l'Américaine, et Le Consultant, scénarisé par Tony Basgallop et adapté d'un roman de l'écrivain d'horreur Bentley Little, avait tout pour remplir cette case quelque peu vacante. Mais malgré tout le talent de Christoph Waltz et l'implication des jeunes Nat Wolff et Brittany O'Grady, Le Consultant se montre bien trop timorée et passe à la fois à côté de son sujet et de son genre.

LE REQUIN DANS LE PANIER DE CRABES

On partait pourtant sur le bon pied avec un premier épisode tour à tour drôle, inquiétant, grinçant, et surtout très imprévisible. Pendant une demi-heure, on est prêt à croire que Le Consultant a de quoi accomplir de grandes choses. Soit, faire exploser le vernis pop et coloré de la start-up nation tendance Silicon Valley pour en exposer à la fois la vacuité, mais aussi les bonnes vieilles mécaniques prédatrices de son management prétendument modernisé. Ou peut-être, pourquoi pas, simplement nous proposer une balade dérangée dans un conte d'horreur absurde divertissant par sa radicalité.

 

Le Consultant : photo, Christoph WaltzJe suis d'ailleurs

 

C'est qu'on démarre sec avec un enfant tueur à la gâchette facile, puis une pétrifiante scène de viol de gorge à s'en décrocher la mâchoire (on ira en enfer pour ce jeu de mots). Malheureusement, si Le Consultant n'est pas avare en scènes tremplins comme ces deux-ci, la série se refuse obstinément à prendre son envol, multiplie les pas de côtés pour privilégier un mystère à la fois peu passionnant et mal raconté. Si les facéties du personnage titre piquent l’attention, l'enquête menée par les deux protagonistes incarnés par Nat Wolff et Brittany O'Grady patine pendant les huit épisodes qui composent cette saison. Et la série de patiner de même.

Qui est Regus Patoff, ce consultant méphistophélique qui semble venu d'ailleurs ? Est-il juste très bizarre et extrêmement intelligent, ou est-ce un être surnaturel ? Est-il le diable en personne, ou juste un capitaliste en costard extraordinairement pervers ? Aucun début de réponse probant ne sera apporté pendant quatre longues heures d'intrigues, de manipulations et de retournements, qui ne conduisent à rien, mais s'acharnent à creuser ce sillon fantastique (au sens littéraire du terme) en vain.

 

Le Consultant : photo, Christoph Waltz, Nat WolffLa sage, le doigt, tout ça, tout ça

 

LES GRIMACES DU VIEUX SINGE

Car pendant que Le Consultant court après des chimères et agite des questions qui gagnent de toute façon à rester sans réponse dans une histoire comme celle-ci, elle néglige la sève même de sa propre narration. Plutôt que de trancher définitivement entre une satire mordante du capitalisme et un conte cruel pour adulte, la série noie le poisson, flotte dans une espèce d'entre-deux mou qui n'accomplit pleinement ni l'un ni l'autre et ne produit pas grand-chose.

Victime principale : le rythme, qui mélange contretemps et contre temps. D'un côté, on est régulièrement surpris, et de l'autre, on n'avance pas. Le pire, c'est que quelque part, on se fiche pas mal du mystère que Le Consultant nous tend sous le nez. Par nature, les genres de l'absurde et/ou du fantastique se passent d'explications rationnelles. Ce qui compte, ce sont les phénomènes en eux-mêmes, les bugs dans la matrice ; ce qui compte, c'est ce que fait Regus Patoff, pas ce qu'il est ni ce qu'il veut.

 

Le Consultant : photo, Christoph WaltzVénère Herzog va vous déguster avec du Chianti

 

Nécessairement, dès que Regus Patoff disparaît de l'écran, ou que l'on s'embarque dans une aventure dans laquelle il n'est pas au minimum indirectement impliqué, l'intérêt pour Le Consultant plonge drastiquement. Et malgré les bonnes prestations de Nat Wolff et Brittany O'Grady, leurs personnages ne sortent jamais de leur statut de prétextes pour l'intrigue et de faire-valoir pour Christoph Waltz.

Ce dernier s'avère d'ailleurs un brin décevant, et ne trouve rien de mieux à extraire de son talent qu'une redite à peine décalée de son petit numéro de méchant raffiné et méticuleux avec accent germanique.

 

Le Consultant : photo, Brittany O'Grady, Nat WolffLe bug dans la matrice

 

L'éléphant dans la pièce

Pourtant, dès que son personnage apparaît à l'écran, l'aimant à emmerdes improbables s'active et le récit se réveille. L'épisode 3 est à ce titre une illustration parfaite du potentiel de Le Consultant, avec son afterwork du vendredi et sa virée en boîte de nuit qui tourne au cauchemar éveillé, son kidnapping de mannequin amputée. On passe dans un autre monde, mais lequel ? Celui des ultra-riches ? Une dimension parallèle infernale ? Sans doute un peu des deux, et là encore la réponse rationnelle, la recherche de cohérence importe peu : seul le vertige compte.

 

Le Consultant : photo, Christoph WaltzChe fais fous kouper la tête, ja

 

Mais Le Consultant n'ira jamais au-delà de ce sommet qui, en soi, ne constitue qu'une introduction guillerette à un champ des possibles vaste, mais à peine exploré. On prendra comme exemple cette fois-ci une séquence d'enlèvement d'éléphant pour une campagne marketing cynique, ou plutôt l'absence de cette séquence. Elle aurait abouti sur un feu d'artifice de n'importe quoi et de noirceur dans les mains des frères Coen, ou simplement pu permettre à une série un peu plus ambitieuse de se secouer les puces pour sortir d'une réalisation laissant la part belle au casting et aux dialogues, pour ne pas dire qu'elle laisse faire tout court et s'avère désespérément plate.

Elle est ici tout bonnement renvoyée à une ellipse entre deux épisodes. Le Consultant avait mieux à faire que de creuser cette mine d'or, comme proposer un finale en queue de poisson. Un choix à l'image de tous les manquements de la série. Que reste-t-il donc à attendre de la suite ? Honnêtement pas grand-chose, si ce n'est qu'elle pousse les potards à fond et réalise son plein potentiel. Mais à moins d'une rallonge de budget conséquente et d'une révision à la hausse des exigences de la série, on n'y croit guère, et Le Consultant semble destinée à devenir un tiède contenu de plus pour alimenter la machine à algorithme.

La saison 1 de Le Consultant est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video depuis le 24 février 2023

 

Le Consultant : photo

Résumé

Malgré quelques surprises et un bon casting, Le Consultant est une comédie noire trop sage qui peine à nous tirer plus que quelques sourires. Un potentiel gâché, et donc une déception.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.4)

Votre note ?

commentaires
Carosan
21/08/2023 à 11:04

Top ! J ai adoré cette série atypique avec plusieurs niveaux de lecture .vivement la saison 2

Remak
19/03/2023 à 21:16

Des critiques s'éntendent sur la nature robotique de Regus parttof.
À mon sens sa nature, sa luxure, son or, sa démarche sont les attributs du diable. Certes made in america eponyme mais diable quand même, avec un je ne sais quoi de trés humain et de touchant. Vivement le 2 !

Derf
16/03/2023 à 20:59

Très bonne série quand on a des problème d'insomnie j'ai vu le début et me suis endormie !!!
Un très grand merci ça m'a évité les somnifères !!!!

Pike's
16/03/2023 à 09:17

Le navet, aussi en vente chez Amazon.
Mais qu'est donc est allé faire Christoph Waltz dans ce potager ?

Cea
10/03/2023 à 13:10

Bravo pour cette critique extrêmement juste que je partage en tous points ! J'ajouterai que le rythme de l'épisode final est pire que le reste, et la fin est absolument deceptive : on se dit tout au long de la série quune fulgurance des scénaristes est possible et qu'ils vont nous surprendre et nous en mettre plein les yeux, mais tout tombe à plat ! Quel dommage, car le jeu juste des acteurs nous fait tenir jusque là... Presque sûr qu'il n'y aura pas de suite, et en tous cas sûr de ne pas vouloir la regarder si c'est de la même teneur...

Regh
06/03/2023 à 23:56

Le personnage du consultant m’a fait penser au film Borgman ( https://www.ecranlarge.com/films/866213-borgman ) , il pourrait tout à fait être le même genre d’être surnaturel ou pas, agent du chaos, que celui du «  jardinier » dans le film

Tranchk
02/03/2023 à 06:51

Le seul à blâmer dans cette histoire c'est Tony Basgallop qui refait exactement le même coup qu'avec la série Apple Tv Servant (super ambiance, super réal, super acteurs mais au scénario imbuvable d'une sorte de nombrilisme attentiste frustrant)

Niveau réal et jeu d'acteur, c'est plutôt bon. Mais alors le scénario est une catastrophe. Le format est court (30min max) et pourtant il ne se passe pas grand chose et on tourne effectivement toujours autour du pot sans traiter les points les plus intéressants et importants.

C'est une succession permanente de pourquoi qui ne sont jamais résolus, même pas pour une éventuelle saison 2 parce que cette saison 1 se suffit à elle même.
Je ne suis à titre personnel pas sûr que son renouvellement soit forcément déjà acté donc c'est vraiment un comble, et un grand sentiment de gâchis scénaristique.

Je tirerais un seul point positif du travail de Tony Basgallop : comme avec The Servant, il se passe des choses à la fin de la série/saison même si ça ne semble mener à absolument rien du tout de bien plus notable que ce que l'on a pu avoir

Jay
01/03/2023 à 21:55

Je recommande cette série. Belle satyre des entreprises modernes.

vzoon
01/03/2023 à 19:42

comme quoi, les gôuts; comme les couleurs ne se discutent pas. Je l'ai trouvé au top cette première saison; l'acteur Christoph Waltz au sommet !

OMG
01/03/2023 à 17:35

Un bon navet ... Merci Amazon

Plus
votre commentaire