Paper Girls : critique en morceaux sur Amazon

Arnold Petit | 1 août 2022 - MAJ : 01/08/2022 16:15
Arnold Petit | 1 août 2022 - MAJ : 01/08/2022 16:15

Alors que le succès de Stranger Things n'en finit plus, la plateforme Amazon Prime Video vient rouler sur ses plates-bandes avec Paper Girls, mais l'adaptation de Stephany Folsom (Toy Story 4) écrite et produite par Christopher Cantwell et Christopher C. Rogers (Halt & Catch Fire) d'après les comics de Brian K. Vaughan et Cliff Chiang est loin d'être une simple copie de la série de Netflix. Ce qui ne veut pas dire qu'elle est réussie pour autant.

KIDS ON BIKES

Paper Girls, qui a été publié entre 2015 et 2019 chez Image Comics (et édité en France chez Urban Comics), se déroule dans une petite banlieue américaine à la fin des années 80 et raconte l'histoire de quatre jeunes livreuses de journaux embarquées dans une aventure à travers le temps.

La bande dessinée de Brian K. Vaughan (Y : Le Dernier Homme, Saga) et Cliff Chiang (Human Target, Wonder Woman), avec son esthétique rétro, ses couleurs fluo, ses références à la pop culture, son imaginaire de science-fiction et ses personnages immédiatement attachants qui se déplacent à vélo, possédait ce charme propre aux productions d'Amblin de cette époque. Cette atmosphère à la fois simple, tendre et mélancolique, que Stranger Things a récupérée et ressuscitée quasiment à la même période pour devenir un incroyable phénomène.

 

Paper Girls : photoDécor spielbergien par excellence

 

Par conséquent, comme les comics dont elle est tirée, la série de Stephany Folsom, Christopher Cantwell et Christopher C. Rogers qui débarque sur Amazon Prime Video va inévitablement être associée à celle de Netflix et être perçue comme une réponse ou une imitation opportuniste, alors qu'elles sont pourtant bien différentes.

Au-delà du fait que les personnages sont des filles au lieu de garçons, Stranger Things mise sur la nostalgie, l'hommage assumé et la référence à outrance dans un divertissement aux accents horrifiques toujours plus spectaculaire, tandis que Paper Girls se sert du voyage dans le temps et des éléments fantastiques afin d'attirer le spectateur pour explorer ce qui se passe lorsque les espoirs de l'enfance et du passé se heurtent à la réalité de l'âge adulte et du présent (ou du futur, selon le point de vue).

 

Paper Girls : photoLe club des quatre

 

LE PRÉSENT N'EST PAS UN CADEAU

Au départ, Paper Girls reprend fidèlement l'intrigue des comics et montre sans perdre de temps la rencontre entre Erin (Riley Lai Nelet) Tiffany (Camryn Jones), Mac (Sofia Rosinsky) et KJ (Fina Strazza) en 1988. En une demi-heure à peine, les quatre livreuses se rassemblent pour se protéger des dangers qu'elles courent pendant leur tournée en tant que femme, et dès l'épisode d'ouverture, la bande se retrouve propulsée dans le futur, en 2019, prise dans une guerre temporelle entre deux camps : ceux qui voudraient changer le passé pour l'améliorer et ceux qui veulent que la réalité reste la même à tout prix.

Puis, au cours des huit épisodes de cette première saison, le scénario s'éloigne progressivement de son matériau d'origine et de son récit haletant de science-fiction pour se concentrer sur ses personnages et les relations entre ces quatre jeunes filles qui se croient invincibles, mais qui sont profondément vulnérables. Ainsi, derrière les gadgets temporels, les robots géants et les conflits interdimensionnels, la série renferme une histoire beaucoup plus riche et passionnante autour de l'amitié préadolescente et des questions qui entourent cet âge du changement, de la découverte et de l'incertitude.

 

Paper Girls : photo Sofia Rosinsky, Riley Lai NeletL'avenir devant ou derrière soi ?

 

Erin, Mac, KJ et Tiffany brillent chacune de cette étincelle transgressive propre à la jeunesse, cet enthousiasme naïf qui laisse croire qu'il n'y a pas de limites, que tout est possible. Cependant, quand elles voient ce qu'elles sont devenues ou ce que sont devenues leurs familles, l'innocence laisse généralement place à la surprise, la douleur ou la désillusion. C'est aussi là que la série touche et bouleverse : en incitant aussi celui ou celle qui la regarde à se souvenir de ses rêves d'enfance et de ce qu'il/elle en a fait pour dresser son propre bilan introspectif.

Avec autant de justesse que de sensibilité, Paper Girls offre alors une autre vision du passage à l'âge adulte, teinté d'un sentiment doux-amer, et interroge les notions de libre arbitre et de destin tout en utilisant les paradoxes temporels et les décalages entre les années 80 et notre époque pour aborder des sujets comme le féminisme, le racisme, la sororité, l'amour, l'homosexualité ou la nostalgie de cette période fantasmée.

 

Paper Girls : photo, Ali Wong, Riley Lai NeletErin et Erin

 

Alors que les adolescentes se retrouvent confrontées à des événements qui les dépassent et font face à des vérités qu'elles ne sont pas forcément prêtes à accepter, l'émotion de la série réside d'abord dans ces liens affectifs et ces connexions temporels qui se dessinent et s'entremêlent délicatement, par petites touches. Une tendresse qui porte la série, malgré son rythme bancal, et qui se traduit par des scènes intimistes, drôles ou touchantes, que ce soit pendant la lecture collective d'une notice de tampons, une conversation à double sens sur les films de Stanley Kubrick ou un simple plan fixe pendant une balade à moto.

Évidemment, ce petit groupe captivant ne serait rien sans Riley Lai Nelet, Fina Strazza, Camryn Jones et Sofia Rosinsky ou leurs incarnations du futur, Ali Wong pour Erin et Sekai Abenì pour Tiffany. Certaines tombent parfois dans le surjeu lors de quelques scènes, mais les jeunes actrices font toutes preuve d'un talent déconcertant, alors que la plupart font leurs débuts à l'écran ou se retrouvent pour la première fois en tête d'affiche.

Et outre la ressemblance impressionnante entre les comédiennes et leurs pendants de papier ou les mimiques que peuvent partager les adolescentes avec leurs versions adultes, l'union de toutes ces femmes à travers le temps contre des antagonistes appelés la Prieure (Adina Porter) et Grand-Père (Jason Mantzoukas) confère à la série une puissance émotionnelle et symbolique encore plus forte

 

Paper Girls : photo Fina Strazza, Sofia Rosinsky, Camryn JonesFenêtre sur coeur

 

DÉJÀ VU

Malheureusement, dès que le récit des comics reprend ses droits et que la série abandonne son drame adolescent pour retourner à la science-fiction pure et dure, l'émotion cède la place à l'ennui. Les explications sont bâclées ou incompréhensibles, le scénario se rallonge avec des sous-intrigues laborieuses ou des personnages quelconques (ce qui explique que la durée des épisodes oscille entre 38 et 56 minutes) et, faute de budget, le résultat s'apparente à un mauvais téléfilm ou une série B.

La plupart du temps, la réalisation est plutôt soignée et se cantonne à des scènes d'intérieur pour jouer l'économie autant que faire se peut, en comptant sur la merveilleuse partition électronique de Bobby Krlic (Midsommar) pour renforcer l'atmosphère paisible ou anxiogène avec des sonorités empruntées à Trent Reznor et Atticus Ross (avec qui il a justement collaboré sur Hacker et Triple 9) .

 

Paper Girls : photo Sofia Rosinsky, Riley Lai Nelet, Camryn JonesAllée sombre numéro 64

 

En revanche, à partir du moment où elle essaie de donner vie aux cases de Cliff Chiang, de filmer des scènes d'action ou de générer du suspense, Paper Girls manque cruellement de moyens et représente une triste déception pour n'importe qui. Le spectateur curieux tombé dessus par hasard, le fan de Stranger Things, et encore plus pour celui ou celle qui a lu les comics et qui sait ce que l'adaptation aurait pu donner si Amazon lui avait accordé un peu plus de budget (en piochant dans Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir ou l'insipide The Terminal List, au hasard).

Ainsi, l'univers foisonnant de la bande dessinée, fait de couleurs vives, de tardigrades géants, de machines temporelles organiques et de paysages d'un autre temps n'est plus représenté que par des nuages numériques, des lumières roses, des costumes ridicules et des effets spéciaux au mieux passables, au pires lamentables.

 

Paper Girls : photoLa vie en rose, très rose

 

Quelques éléments des comics apparaissent malgré tout à l'écran quand les personnages se retrouvent à l'extérieur ou dans de larges espaces, mais la mise en scène et les moyens techniques et artistiques ne sont clairement pas à la hauteur des attentes ou des ambitions de la série.

Le dernier épisode se termine peut-être avec la promesse d'une deuxième saison plus excitante, qui devrait exploiter tout le potentiel fantastique de l'oeuvre originale, mais Paper Girls doit encore consolider ses acquis et corriger de nombreux défauts de narration et d'effets visuels si elle veut éviter de souffrir de la comparaison avec Stranger Things ou de ressembler à autre chose qu'une production fauchée du genre.

Paper Girls est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video depuis le 29 juillet 2022

 

Saison 1 : Affiche officielle

Résumé

En s'éloignant des comics dont elle est inspirée, Paper Girls propose un drame introspectif touchant autour de l'adolescence et des questions que génèrent la confrontation entre les rêves d'enfance et l'âge adulte, mais ne parvient malheureusement pas à développer son récit de voyage dans le temps ou son univers de science-fiction, principalement à cause de ses limitations techniques et artistiques.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.3)

Votre note ?

commentaires
Franky6522
20/08/2022 à 20:45

Vraiment nul de A à Z.
Scénario à 2 Dinars et Fx à 3 Roubles.

Schtroumpfette
15/08/2022 à 18:44

J'ai trouvé cette série pas si mal que ça. Les problématiques des déceptions dues à la découverte d'un futur qui n'est pas à la hauteur de ce qu'on espérait sont intéressantes. Certes, les effets spéciaux ne sont peut-être pas formidables, mais tout amoureux du cinéma des années 80 s'en accommodera parfaitement (effet vintage garanti). Les rôles des filles sont très bien écrits et les jeunes actrices jouent bien. J'aimerais vraiment voir la suite.

zetagundam
01/08/2022 à 22:19

ça valait bien la peine de remplacer le livreur de journaux à vélo par un quatuor féminin.
Encore une adaptation de jeu vidéo raté








Oui je sais que cette série n'a rien à voir avec le célèbre jeu video

Prisonnier
01/08/2022 à 21:50

Encore un massacre made in Amazon sur un comics (bon mauvaise foi y en a pas beaucoup)
Je tremble pour Dream quand même sur Netflix.

Il est content GTB?

Titi
01/08/2022 à 21:32

@Prisonnier Et non c'est pas Netflix qui l'a réaliser mais Amazon prime :)

Justice Pig
01/08/2022 à 21:22

Runaways, Y : the last man, et maintenant Paper Girls... Le plus triste est de voir à quel point Brian K. Vaughan est dans l'air du temps (pour pas dire qu'il était avant-gardiste) et que toutes ses adaptations arrivent finalement trop tard, en plus d'être charcutés par des problèmes de production... N'oublions pas son chef d’œuvre "Saga" qui, si il est un jour adapté passera pour un Carnival Row SF...

Lordlorac
01/08/2022 à 20:30

Au vu de l'article, on a eu de l'ambition, mais pas les moyens et l'expérience. C'est dommage. Cela dit, je préfère ceux qui essaient que ceux qui ont les moyens mais aucune ambition (kof MCU kof). Peut être une saison 2 avec quelqu'un qui a plus d'expérience dans la direction artistique?

GTB
01/08/2022 à 16:43

@Prisonnier > Commenter c'est bien, lire (ne serait-ce que le titre) l'article c'est mieux.

Prisonnier
01/08/2022 à 14:50

Encore un massacre made in Netflix sur un comics.
Je tremble pour Dream

votre commentaire