Pam & Tommy : critique qui veut tout voir sur Disney+

LA BELLE ET LA BÊTE

Les bruits du pistolet à clous de Rand Gauthier (Seth Rogen) en train d'assembler le repaire de débauche imaginé par Tommy entrecoupés des cris de plaisir des jeunes mariés à l'étage au-dessus donnent le ton dès les premières minutes.

Et cette mise en scène pimpante, crue et outrancière dont Craig Gillepsie avait déjà usé dans Moi, Tonya est à l'image de la relation sulfureuse des deux stars et de l'histoire rocambolesque que la mini-série revisite : celle d'un ouvrier viré sans être payé qui décide de se venger en allant voler le coffre-fort du couple, dans lequel se trouve une cassette qui bouleversera sa vie, la leur, Internet et la pop culture tout entière.

Inspiré d'une histoire complètement dingue

Entre fiction et réalité, thriller absurde et comédie noire, Pam & Tommy revient d'abord sur le vol invraisemblable de cet acteur porno raté devenu charpentier et sur la romance intense entre Pamela Anderson (Lily James) et Tommy Lee (Sebastian Stan).

D'un côté, l'actrice et playmate canadienne devenue un sex-symbol et une star du petit écran pour son rôle dans Alerte à Malibu, et de l'autre, le batteur tumultueux du groupe Mötley Crüe, célèbre pour ses dérapages. Au premier regard, leur amour sonne comme une évidence et la mini-série prend un malin plaisir à représenter la passion qui les anime au milieu de cette atmosphère fiévreuse des années 90 recréée fidèlement.

Les quelques photos de tournage et la bande-annonce avaient déjà montré que la métamorphose de Lily James et Sebastian Stan était impressionnante de ressemblance et le résultat à l'écran est aussi génial que troublant. Loin de l'imitation désincarnée, tous les deux apportent une sensibilité à ceux qu'ils interprètent qui rend leur relation crédible et attendrissante, aussi exubérante soit-elle.

Pam & Tommy vs The World

Pendant que le couple continue de vivre un conte de fées, Rand s'associe à un vieil ami producteur de films pornos, l'oncle Miltie (Nick Offerman), pour exploiter la cassette à travers le tout nouveau World Wide Web, mais malgré l'alchimie flagrante du casting et le scénario forcément captivant, cette légèreté presque complaisante de la part de la mini-série finit par sonner creux et épuiser.

Cependant, entre deux frasques, quand la caméra se repose et que les morceaux de pop laissent place aux notes de piano pesantes de Matthew Margeson, des ruptures de ton surviennent et surprennent, comme lorsque Pam et Tommy, en pleine redescente d'alcool et d'ecstasy dans l'avion du retour, se rendent compte qu'ils se sont mariés alors qu'ils ne savent quasiment rien l'un de l'autre.

De longues soirées canapé en perspective

PIECES OF A WOMAN

Après les trois premiers épisodes réalisés par Craig Gillepsie (tous diffusés en même temps), la mise en scène est confiée à des femmes (Lake Bell, Gwyneth Horder-Payton et Hannah Fidell) et le scénario abandonne Rand et ses intrigues secondaires pour se concentrer sur les retombées médiatiques et judiciaires du scandale qui enfle. La mini-série délaisse alors ses artifices comiques et bascule vers un drame intime et poignant, qui permet enfin à ses deux personnages principaux et leurs interprètes de se distinguer, notamment Lily James.

Sois belle et ne demande pas trop de dialogues, Pamela, tu seras parfaite comme ça

Derrière la perruque blonde, le maquillage et les prothèses, l'actrice britannique est éblouissante en Pamela Anderson intelligente, vulnérable, rêveuse. Une jeune Canadienne de Ladysmith à la candeur envoutante, qui a vu son corps utilisé et transformé en un objet de désir par les hommes, puis sa vie privée être volée, vendue, exposée, partagée et commentée à travers le monde.

Et lorsqu'avec toute son énergie et sa rage, elle entame un combat judiciaire perdu d'avance durant lequel elle est constamment rabaissée et humiliée, jusqu'à se retrouver dos au mur, la douleur qu'elle cache derrière son sourire éclatant est aussi profonde que déchirante. La mini-série dresse alors un constat amer et toujours pertinent d'une Amérique misogyne où les femmes sont adulées pour leurs courbes et le fantasme qu'elles inspirent, mais jugées et condamnées quand elles affirment leur émancipation et leur liberté sexuelle. Sans refaire l'histoire, mais en disant la vérité telle qu'elle est.

Celle qui voulait être la prochaine Jane Fonda

À l'inverse du personnage de Lily James, qui tente de rester un modèle de sérénité et de douceur malgré ses fêlures, celui de Sebastian Stan oscille constamment entre fureur bouillonnante et charme magnétique. Au bord de la caricature, l'acteur attise une étrange sympathie, mais à mesure que l'affaire prend de l'ampleur et que son mariage se dégrade, Tommy s'efface progressivement jusqu'à devenir l'ombre de lui-même. Une rockstar frustrée et dépassée par de nouveaux groupes comme Third Eye Blind ou Nirvana et un mari incapable de comprendre ce que peut ressentir ou traverser sa femme.

Est-ce que je continue de jouer avec cette baguette ou je la jette à travers la pièce sans raison ?

BURN AFTER READING

Comme le fait remarquer une journaliste quand l'affaire éclate, l'histoire autour de la sextape de Pamela Anderson et Tommy Lee est tellement énorme et englobe tellement de thèmes qu'elle peut être traitée sous différents angles, encore plus avec le regard d'aujourd'hui. Malheureusement, entre le drame humain, les magouilles de gangster sorties d'un film des frères Coen, la guerre entre Playboy et Penthouse, les combats judiciaires ou les allers-retours entre passé et présent, Pam & Tommy se perd logiquement et manque d'équilibre ou de cohérence.

En marche vers la révolution numérique (et les emmerdes)

Tant bien que mal, le scénario essaie aussi d'étoffer l'intrigue de Rand avec une ex-petite amie en instance de divorce (Taylor Schilling) et différentes péripéties, mais Seth Rogen reste coincé dans son rôle de loser pathétique ayant perdu le contrôle de la situation.

Son personnage ne trouve jamais sa place dans le récit et ne sert finalement qu'à aborder les changements qu'a apporté Internet en termes de diffusion de contenu, en particulier pour l'industrie du porno. En revanche, la médiatisation ou l'impact que la sextape a pu avoir sur la vie privée des célébrités sont des sujets oubliés alors qu'ils sont aussi liés au fait que cette cassette soit devenue un phénomène culturel.

Une fois qu'elle a montré l'impact de l'affaire sur la vie de Pamela Anderson et l'a réhabilité comme la victime d'une société sexiste et décadente, la mini-série semble presque lassée, pressée d'en fini. Pire, elle bâcle ses derniers épisodes avec des scènes poussives et des approximations historiques en essayant d'apporter une conclusion satisfaisante, mais qui s'avère raté, voire carrément problématique.

Fuir pour être heureux

À l'approche de la fin, Pamela et Tommy perdent en vitalité, comme la réalisation, et la plupart des personnages secondaires tels que les autres membres de Mötley Crüe, les amis de Pam ou sa mère sont inexistants jusqu'au bout. Sauf Rand qui, lui, a une scène de rédemption forcée alors qu'il n'a apparemment jamais exprimé le moindre regret (y compris dans l'article de 2014 dont est tiré le scénario) et qu'un texte de fin précise qu'il continue encore de se présenter comme celui qui a volé la tristement célèbre cassette. Au final, Pam & Tommy n'est jamais meilleure que quand elle parle vraiment de Pam & Tommy.

Pam & Tommy est disponible en intégralité sur Disney+ depuis le 9 mars 2022.