The Man in the High Castle Saison 4 : critique nazillarde

Déborah Lechner | 21 novembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Déborah Lechner | 21 novembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avant sa prochaine série française d'espionnage qui se déroulera durant la guerre froide, Operation Totem, Amazon Prime Video a conclu une de ses créations originales phare, The Man in the High Castle de Frank Spotnitz, avec une quatrième saison qui marquera la fin de l'uchronie où l'Axe a gagné la Seconde Guerre mondiale. 

ATTENTION : SPOILERS ! 

 

PRÉPARER LE CHAMP DE BATAILLE

Avec son concept emprunté à Philip K. Dick, ses acteurs brillants, sa photographie soignée et ses décors et costumes époustouflants, The Man in the High Castle avait plus d'un atout pour séduire le public. Mais s'il y a bien un reproche qu'on pouvait faire aux deux premières saisons de la création d'Amazon Prime Video, c'était le trop grand nombre de personnages qui évoluait à l'écran et qui plombait considérablement le rythme de la série.

Alors quand la saison 3 a décidé de faire un ménage de printemps en tuant deux de ses personnages principaux, Frank Frink (Rupert Evans) et Joe Blake (Luke Kleintank), on a logiquement pensé que le récit allait se recentrer autour de Juliana Crain (Alexa Davalos), Nobusuke Tagomi (Cary-Hiroyuki Tagawa) et John Smith (Rufus Sewell). Ce dernier, devenu Reichsmarschall, était toujours dévasté par la mort de son fils, atteint d'une maladie incurable, qui s'est sacrifié pour l'honneur du Reich. Cela laissait penser à une rédemption de la part du nazi et donc son passage du côté des forces rebelles, tout comme le ministre de l'économie, décidé à s'opposer à la guerre imminente entre les deux Empires après sa visite de notre réalité.

La science-fiction avait également repris ses droits sur le scénario au moment où les nazis ont appris l'existence du Multiverse et créé un portail permettant d'y voyager pour démarrer la conquête de ces mondes parallèles ainsi qu'au passage de Juliana dans la réalité alternative. Autant dire qu'avec ce bon coup de pied dans la fourmilière, la saison 4 avait véritablement des allures de conclusion épique sur fond de guerre interdimensionnelle.

 

photo, Alexa DavalosJuliana Crain (Alexa Davalos), un des personnages principaux de la série 

 

MOBILISER LES RÉSERVISTES

Mais dès les premières minutes, le premier épisode de la saison 4 nous prend à contre-pied en assassinant Tagomi, un des piliers du récit, ce qui donne à l'inspecteur de la Kenpeitai Takeshi Kido (Joel de la Fuente) une autre enquête à résoudre. Cette mort soudaine laissait clairement entendre qu'il fallait passer la seconde pour tout boucler à temps, mais au final ces disparitions n'allègent en rien le récit puisqu'ils sont aussitôt remplacés par d'autres protagonistes dénichés par-ci par-là pour les besoins de l'histoire.

Après un énième membre de la résistance, Wyatt Price (Jason O'Mara), c'est carrément un nouveau mouvement anti-fasciste suspecté du meurtre du ministre japonnais qui est introduit, les Rebelles noirs communistes et ses leaders, Bell Mallory (Frances Turner) et son mari Elijah (Clé Bennett). Sans oublier le Capitaine Ijima (Rich Ting), le véritable responsable de la fusillade, le Général nazi Whitcroft (Eric Lange) ou encore Toru Kido (Sen Mitsuji), le fils toxicomane de l'inspecteur qui fricote avec les Yakuzas. 

Ces protagonistes jusqu'ici inconnus au bataillon ont une nouvelle fois alourdi le récit en nous éloignant de ce qui nous intéresse vraiment, le portail du Multiverse et le plan de conquête des nazis. Les intrigues politiques comme les rebelles qui combattent les occupants japonais pour réclamer un territoire autonome ou J. Edgar Hoover (William Forsythe) qui dirige l'équivalent nazi du F.B.I. et cherche à faire tomber John Smith, sont vraiment sympas, mais on nous avait vendu de la science-fiction dans la saison 3. 

 

photo, Frances Turner, Clé BennettFrances Turner et Clé Bennett  dans The Man in the High Castle

 

Et passé le milieu de cette dernière saison, on comprend vite que la SF est définitivement retournée au placard alors que tout le matériel était là. L'arrivée du Dr Mengele (Hans Tester) nous a appris l'étendue du Multiverse, mais la série préfère se focaliser sur un seul de ces mondes : le nôtre. La conquête nazie elle-même se passe en dehors des radars. On sait que des agents sont envoyés dans plusieurs réalités pour saboter et voler la technologie des États-Unis, mais on n'y assiste jamais, ce qui rend cet enjeu finalement insipide alors qu'on pensait qu'il serait au coeur de cette dernière saison. 

Même si la série s'appuie sur des éléments comme le train propulsé par canon ou des avions sortis d'AvatarThe Man in the High Castle a sacrifié la science-fiction au profit de ce qu'elle fait de mieux : le développement de ses personnages. 

 

Photo Brennan BrownBrennan Brown

 

ACHEVER LES VÉTÉRANS 

Cette dernière saison a été l'occasion de donner une véritable fin aux personnages que l'on suivait depuis la première saison. Tous, à l'exception de Juliana Crain qui s'est pleinement révélée dans la saison 3, mais s'est noyée au milieu des autres protagonistes dans la saison 4 (même si ce n'est pas trop dérangeant, dans le sens où on n'attendait plus grand-chose de son personnage). À l'inverse, les autres ont reçu un traitement étonnant et une conclusion qu'on n'avait pas forcément vue venir, pour notre plus grand plaisir. 

C'est le cas d'Helen, la femme de John interprétée avec talent par Chelah Horsdal, qui était un personnage plus que secondaire au début de la série, mais qui a pris énormément d'importance au fil des épisodes. L'ancienne épouse archétypale du Reich est la seule du côté nazi qui parvient à réaliser la gravité des crimes auxquels elle a indirectement participé.

Cette prise de conscience se fait à travers la perte de son fils, mort pour l'idéologie radicale du régime fasciste, mais aussi ses deux filles, longtemps passées devant la caméra sans que le récit s'intéresse à elles. Dans la saison 4, l'attention a été portée sur le cri de détresse de l'aînée, dégoutée par les valeurs du Reich et les crimes de ses parents et à l'inverse l'endoctrinement de sa cadette, prête à dénoncer sa famille sur ordre des jeunesses hitlériennes. 

 

photo, Chelah Horsdal, Rufus SewellChelah Horsdal et Rufus Sewell

 

Si au départ ses enfants étaient la seule raison pour laquelle Helen remettait le régime fasciste en question, en apprenant les nouveaux plans génocidaires du Reich et donc de son mari, elle décide de le trahir en le livrant à la résistance, y laissant aussi sa vie, sans pour autant que la série cherche à tout prix à pardonner ou justifier son allégeance à Hitler. Cette forme de rédemption d'Helen, c'est celle que n'a pas eue son mari, John Smith dont l'interprétation de Rufus Sewell atteint son apogée dans cette dernière saison.

En allant dans la réalité alternative où les Alliés ont gagné la guerre, il retrouve Thomas (Quinn Lord) dans une scène prévisible, mais très poignante, ainsi que son frère d'armes juif que Smith a laissé se faire déporter dans son univers. On s'attendait alors à ce que comme sa femme, il rejette le nazisme, voire le combatte, pour protéger cette dimension. Parce qu'on voulait croire qu'au fond John est un bon gars, un Américain qui n'a pas eu d'autre choix que se mettre à genoux devant Hitler, mais c'était peut-être trop simple de penser que seul l'uniforme a fait l'homme qu'il est devenu.

Malgré tous les doutes, remords et regrets qui rongent le personnage, il continue de gagner des galons jusqu'à devenir le nouveau führer qui, acculé, se tire une balle dans la tête après sa défaite contre les Rebelles. Une conclusion presque aussi inattendue que celle de Takeshi Kido, dont l'acteur Joel de la Fuente mérite également quelques compliments pour sa performance.

 

photo, Joel de la Fuente, The Man in the High Castle, Sen MitsujiSen Mitsuji et Joel de la Fuente

 

L'inspecteur de la Kenpeitai a été introduit comme un personnage froid et impitoyable dès le début de la série. Les trois premières saisons ne se sont pas attardées sur sa vie privée, mais plutôt sur la menace qu'il représentait pour la résistance. Son personnage tournait parfois en rond, passant d'une enquête à une autre pour les besoins de l'intrigue. Si on l'imaginait tué par représailles (ce qui a failli arriver pas mal de fois) ou arrêté par les nazis, on lui imaginait difficilement un arc narratif plus intimiste.

C'est pourtant le cas avec l'introduction de Toru (Sen Mitsuji), pour qui il renie ses valeurs et son pays en rejoignant les yakuzas afin de régler les dettes de son fils. Il ne se repentira évidemment pas de ses actes inhumains, qu'il justifie volontiers par devoir, mais reconnaît avoir été un mauvais père. Autant dire, la dernière chose qu'on lui reproche, mais qui nous force à le considérer un peu plus humainement, et après la mort de la soeur de Frank et ses enfants, ce n'était pas gagné d'avance. 

 

Photo Chelah HorsdalChelah Horsdal

 

Au final, cette volonté d'introduire autant de personnages aussi bien pour accélérer les événements que pour creuser la psychologie de certains autres a desservi l'attente principale autour de la série : le Multiverse. Pour autant, le travail sur les protagonistes apporte une réelle qualité d'écriture à l'ensemble qui mérite d'être salué. 

La saison 4 de The Man in the High Castle est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 15 novembre 2019. Les saisons 1 à 3 sont aussi disponibles sur la plateforme. 

 

affiche

Résumé

La conclusion de The Man in the High Castle reste énigmatique tant elle était prometteuse. La série a clairement manqué de temps pour conclure les nombreux arcs narratifs des différents personnages tout en dénouant l'intrigue principale, c'est-à-dire l'invasion du Multiverse par les nazis. Seul le traitement des personnages est abouti et satisfaisant, même si certains, introduits trop tardivement, auraient pu être sacrifiés pour redonner sa place à la science-fiction.

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Lecteurs

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commentaires
Rhalain
17/08/2021 à 16:03

Contrairement à tous je pense que la série est réussie dans son ensemble. Il ne faut pas oublier que le livre de K Dick dont je suis fan, n'offre aucune réponse non plus à vos questions; car la série creuse beaucoup plus loin dans la question quantique. A savoir aussi que dans l'ouvrage il s'agit d'un livre et non de films.
Je recommande cette série, et le fait d'ouvrir le champs des possibles en fin de saison est une façon de remettre dans les mains de K Dick les réponses auxquelles il n'a pas forcement voulu répondre.

Coco 67
24/05/2020 à 22:55

J'ai adoré cette série dommage qu'il n'y ait pas de saison 5. J'ai regretté que john et helen smith meurent à la fin . Il y a tellement de possibilités pour une suite.
Snif!!

Explication sur la dernière scène
02/02/2020 à 12:24

Certaines explications sur l'histoire et la fin :

- Qu'arrive t'il à Ed ? (source twitter)
Il repart dans la zone neutre avec son mec, la pose du drapeau n'aura donc aucune incidence pour la saison 4, ni pour robert l'antiquaire.

- Que veut dire la dernière scène ? (source américaine d'une interview d'un scénariste)
La dernière scène propose une fin ouverte, qui est destinée à laisser l'imagination du spectateur y puiser pour imaginer sa propre fin.

lolman
07/12/2019 à 17:25

@Les egocentrés mdr genre, l'article spoile le déroulé de la saison

Les egocentrés
26/11/2019 à 22:02

J'ai lu juste 2 commentaires : 2 spoils. faudra qu'on m'explique un jour si ça les fait jouir ou quoi.

joval
22/11/2019 à 21:47

J'ai eu la même perception que la critique. Il fallait les bons mots pour l'expliquer, la rendre compréhensible à tous. Comme quoi être critique c'est un métier. Le seul petit reproche que j'ai est ici "L'ancienne épouse archétypale du Reich est la seule du côté nazi qui parvient à réaliser la gravité des crimes auxquels elle a indirectement participé."

Quand John Smith explique juste avant de mourir qu'il a entrebâillé une porte et qu'il a vu toutes les personnes qu'il aurait pu être. Je pense que le mari avait lui aussi prit conscience de la gravité de ses crimes.

GOLEM
22/11/2019 à 20:32

Quel gâchis cette série avait beaucoup de potentiel mais presque rien n'a été exploitée dans la dernière saison on a le sentiment qu'il nous manque des épisodes voir des saisons.
On ne comprend pas pourquoi John Smith se suicide alors qu'il avait planifié tellement de plans
On voit des passages sur la famille de Smith inutile quand on voit comment la série se termine ...
On ne sait rien du portail qui mène vers les autres univers son origine etc...
L’afflux des personnes à la fin de l'épisode n'est pas expliqué
Le mouvement noir pourquoi pas mais très mal impliqué dans l'histoire
L'attente d'un conflit entre japon et l'Allemagne n'a pas lieu enfin de compte dommage
le fait que le Japon est la bombe nucléaire n'a pas influencé l'histoire voir totalement passé sous silence dans la dernière saison
les révoltes des peuples en Europe et ailleurs à la fin de la saison 2 n'est pas suivi on ne sait pas ce qui est arrivé ...

blame
22/11/2019 à 09:24

@RobinDesBois

exactement il était bien prévus 5 saisons c'était annoncé comme ceci en saison 2 et confirmé durant la saison 3. D'ailleurs je me demande si cela n'as pas été annulé en cours de production il arrive régulièrement qu'une série finisse ainsi (exemple swamp thing). Domage je trouve que Amazon propose des séries de qualité avec quelques prise de risque.
pourquoi ne pas avoir réalisé en 13 épisodes cette dernière saison et baisser le budget sur certain épisode.

lorsque je vois Carnival Row très beau mais scénaristiquement assez pauvre et deux acteurs principaux avec le jeu et le charisme d'une huître, j'aurais aimé plus de soutien financier sur une série comme the man high Castle qui avait le niveau de devenir une série culte.

Surtout que en dehors de Bosh et maintenant The expanse je regarde peu amazon prime. Ah si les animes jap (mais là aussi il y a critique avec leurs problèmes de diffusion une a deux semaines de retards)

RobinDesBois
21/11/2019 à 23:09

@blame

Oui je pensais exactement comme toi pour le destin de John Smith, ça aurait été parfait qu'il finisse dans le monde alternatif avec une grande part de responsabilité dans la mort de son fils alternatif.

J'ai également attendu naivement la fin du générique.

Je trouve ça décourageant de payer un abonnement et de voir qu'une série avec un tel potentiel qui disposait de deux premières saisons magnifiques soit finalement expédiée avec beaucoup mépris pour les spectateurs. Surtout qu'il me semble qu'en saison 1 et 2 il était prévu que cette série s'étende sur 5 saisons.

toth Amon
21/11/2019 à 22:28

pas compris surtout la derniere scene du dernier episode de la saison 4 y viennent d'ou tout c gens qui traverse le portail et pourquoi faire?

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