MFK 2 tome 1 : Leaving D.M.C. - critique de la suite de Mutafukaz

Arnold Petit | 2 février 2022 - MAJ : 03/02/2022 00:40
Arnold Petit | 2 février 2022 - MAJ : 03/02/2022 00:40

Après avoir brillamment adapté Mutafukaz en film d'animation, enrichi son univers avec Puta Madre et Loba Loca, puis en avoir offert une relecture au Far West dans Mutafukaz 1886 pour une dernière virée chez Ankama, Run est de retour avec MFK 2. Une suite dont le premier tome disponible depuis le 26 janvier marque le début d'une nouvelle ère pour le Label 619 aux éditions Rue de Sèvres, mais aussi d'une folle épopée pour Lino et Vinz à travers les États-Unis de notre époque.

NOUVELLE JOURNÉE

Résultat d'un mélange d'influences et d'hommages allant des comics aux mangas en passant par la culture urbaine californienne, la lucha libre ou des films comme Invasion Los Angeles et Independance Day, Mutafukaz est un condensé détonnant de pop culture. Une oeuvre déjantée, foisonnante, hybride, qui a bousculé la bande dessinée française sans ménagement et fait la réputation du Label 619 et de son créateur, Guillaume Renard, plus connu sous le nom de Run.

Sept ans après la publication du dernier tome, l'auteur revient pour prolonger l'histoire d'Angelino, Vinz et Willy, les trois magnifiques losers qui s'étaient retrouvés embarqués malgré eux dans des galères de conspiration alien et de fin du monde. Et après le succès retentissant de la première série de BD, qui a déjà engendré plusieurs spin-offs et une réinvention sous la forme d'un western, proposer une suite était un risque pour Run, mais à peine quelques pages suffisent à balayer toute inquiétude et montrer qu'il a relevé le défi avec tout son talent de scénariste et de dessinateur.

 

Le trailer réalisé par Yuzu Studio sur une musique de The Toxic Avenger

 

Son trait est plus fin, plus assuré que dans les premiers volumes de Mutafukaz et profite maintenant d'une colorisation moderne et éclatante, ce qui ne fait qu'accentuer la joie des retrouvailles avec ces personnages et cet univers maintenant plus que familier au fil des cases.

La science-fiction de série B, les références cachées dans les dessins, la violence débridée ou les dialogues mordants sont toujours là et cette suite a bien conservé l'humour, l'abondance et la frénésie des débuts, mais veut aller plus loin désormais. Le monde a significativement évolué depuis la première aventure de Lino et Vinz, tout comme les attentes du public et les ambitions de Run, et ce premier tome l'illustre parfaitement.

 

MFK 2 : photoRetour à Dark Meat City

 

Comme le suggère le titre, MFK 2 n'est pas qu'une suite de Mutafukaz, mais bien une oeuvre nouvelle. Le scénario prend d'ailleurs un ton plus réfléchi, plus mature que la première bande dessinée, aussi bien dans le traitement des personnages que dans les thématiques abordées.

Même si elle a conservé la chaleur et les couleurs de la banlieue de Los Angeles, Dark Meat City n'est plus le coupe-gorge poisseux qu'elle était. La gentrification californienne s'est installée, la criminalité a baissé, des cafés branchés sont apparus là où se trouvaient des façades défrichées et les sans-abris ont laissé place à des jeunes et des retraités pour des loyers de plus en plus chers.

Lino et Vinz ont cessé de se comporter comme de grands adolescents et aspirent tous les deux à mener une vie tranquille, normale, avec un petit boulot, un appartement presque pas bordélique et pourquoi pas une copine, sauf que tout va malencontreusement déraper pour les deux héros, encore une fois.

 

MFK 2 : photoLino a peut-être des cheveux, mais ne sait toujours pas draguer

 

METAFUKAZ

À la suite d'une fusillade semblable au Pizzagate dans le restaurant de sushi où il travaille, qui offre une scène d'action brutale et ingénieuse, Lino est contraint de fuir Dark Meat City. Il part avec Vinz à la recherche de Willy en sillonnant les routes de l'Ouest américain à bord d'un camping-car miteux.

Ce road trip palpitant est l'occasion pour Run d'emmener ses personnages à travers différents paysages qu'il a lui-même parcourus lors de ses voyages aux États-Unis et de continuer de parler de cette Amérique qui le passionne en faisant une peinture satirique de la société contemporaine, ses maux et ses déviances.

 

MFK 2 : photoPar contre, il se débrouille un peu mieux avec les flingues maintenant

 

Entre parodies de Donald Trump, de QAnon et d'Oprah Winfrey, théories conspirationnistes, réseaux sociaux, expériences scientifiques, désinformation et guerre silencieuse entre grandes nations, le scénariste continue d'arranger et d'étoffer son univers en l'imprégnant des codes et des pensées du complotisme moderne, de Twitter, d'Internet et de notre époque en général. Des thèmes et des intrigues qu'il s'amuse à traiter dans des pages entières de vidéos YouTube, de commentaires d'internautes et de conférences de presses interposées.

 

MFK 2 : photoVérités alternatives

 

Des hautes sphères de Washington D.C. jusqu'à un trou paumé du désert du Nevada où vit une communauté de sectaires nudistes survivalistes complètement cinglés, la représentation de ce monde qui s'enfonce dans la bêtise, la paranoïa et la folie complotiste est aussi drôle qu'inquiétante.

Et même si elle est parfois tristement réaliste ou volontairement absurde, cette suite de Mutafukaz frappe fort, là où ça fait mal, mais sans jamais tomber dans l'excès, la moralisation ou le militantisme, toujours avec justesse et bienveillance. Que ce soit dans les échanges entre Lino et Vinz autour de questions existentielles sur l'univers ou en laissant un platiste défoncé au crack débiter ses arguments fumeux, l'écriture des personnages reste portée par une touchante humanité.

 

MFK 2 : photoUn peu plus près des étoiles

 

Run élabore un récit dense, résolument politique et prend le temps de bien faire, sans oublier pour autant de faire évoluer l'amitié entre Lino et Vinz ou leur histoire, passée ou présente, avec des passages simples, émouvants, authentiques. Ce premier des trois tomes se conclut sur l'arrivée du duo dans une version fictive d'une autre ville marquante des États-Unis.

Un terrain de jeu démesuré que Run va prendre un malin plaisir à exploiter dans ses planches, mais qui va surtout lui permettre d'explorer encore un peu plus les vices de l'Amérique moderne à travers une aventure qui s'annonce riche et intense.

Leaving D.M.C., le premier tome de MFK 2 est disponible depuis le 26 janvier chez le Label 619 aux éditions Rue de Sèvres

 

MFK 2 : photo

Résumé

Ce premier tome de MFK 2 a gardé le meilleur de Mutafukaz et s'en sert pour aller encore plus loin en termes de réflexion et de narration. Avec son expérience et un trait affiné, Run continue d'apporter de la profondeur et de la substance à son univers avec la même générosité et pose les bases d'un récit contemporain qui promet de belles et grandes choses pour Lino, Vinz et Willy.

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