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Test Black Myth Wukong : la petite déception derrière les grandes qualités du jeu chinois

Par Léo Martin
7 septembre 2024

Après avoir exploré à nouveau les terres d’Elden Ring dans son merveilleux DLC, seul Black Myth : Wukong semblait avoir le potentiel de combler le vide laissé par l’épopée de From Software. Le jeu chinois se présentait en effet comme une expérience d’action exigeante, au cœur d’un monde superbe inspiré de la mythologie chinoise. Sur le papier, tous les ingrédients étaient réunis pour un titre marquant, à la hauteur de nos espérances. Cependant, malgré une expérience globale réussie, Wukong nous laisse un goût amer, entre sincère admiration… et déception.

Test Black Myth Wukong : une petite déception (malgré de nombreuses qualités)

Black Myth : Wukong est déjà l’un des plus gros succès de cette année jeu 2024. Et s’il mérite sans doute son triomphe, on a toutefois, de notre côté, quelques réserves.

Voyage vers la Chine

L’atout majeur de Wukong réside indéniablement dans son sujet, qui est la mythologie chinoise. Et avant d’aborder d’autres détails ou de commencer à pinailler, il semble important de le souligner : le monde imaginé et mis en scène par le studio Game Science est d’une grande beauté. D’un point de vue des graphismes, il n’est pas à la hauteur d’un Stellar Blade ou d’Alan Wake 2, mais il reste tout de même impressionnant.

Et c’est bien suffisant pour insuffler une vie nouvelle à la légende de La Pérégrination vers l’Ouest, auquel le jeu rend un très émouvant hommage. Car, pour rappel, c’est bien un roman du XVIe siècle (narrant les aventures du singe divin Sun Wukong) qui est modernisé ici. Et on est très loin d’un relooking informel et opportuniste qui tenterait de s’adresser à un public jeune en oubliant toute la magie de son récit d’origine. À la poésie du texte, Game Science n’a voulu qu’ajouter une vision plus contemporaine du grandiose.

La mythologie et le gigantisme : une histoire d’amour qui ne doit jamais cesser

L’adaptation du mythe est donc un pari remporté. Dès la séquence d’introduction, mettant en scène l’impertinent Sun Wukong face à des dieux en colère et titanesques, le jeu impressionne. Ce départ sur les chapeaux de roue a d’ailleurs été largement commenté sur les réseaux sociaux, et de façon très positive, tant tout y est parfaitement exécuté. Le gameplay semble nerveux et grisant. La réalisation paraît débordante de bonnes idées. Et l’ambiance est saisissante.

Par la suite, ces premières impressions ne faiblissent pas. L’univers de Wukong est plaisant à parcourir du début jusqu’à sa fin, en grande partie de par son esthétisme. C’est notamment avec l’aide des boss et divers personnages du jeu que celui-ci inspire le dépaysement, grâce à des designs très singuliers, voire exotiques. Le voyage est ainsi ponctué de rencontres marquantes qui construisent une atmosphère atypique : celle d’un mythe perdu. Et la mise en scène de toutes ces rencontres (que ce soit par les combats ou les cinématiques) est aussi très efficace.

Sans lui, on aurait pas su où donner de la tête

UN FINAL DANTESQUE

L’on peut dire également beaucoup de bien de l’écriture de Wukong. À la manière des œuvres de From Software, le jeu préfère une narration subtile et évasive (mais pas aussi cryptique qu’un Elden Ring) à un scénario trop explicite et verbeux. C’est une bonne chose. La tragédie ou le mystère qu’entourent certains personnages n’en sont que plus percutants ; que ce soit l’étrangeté d’un musicien à la tête tranchée, le destin de sœurs-araignées captives ou même la terrible histoire d’un bovin piégé aux enfers.

Et dans sa galerie de portraits curieux et grotesques, Wukong est d’ailleurs très généreux. Des séquences animées viennent également entrecouper la narration pour recontextualiser le passé de certains personnages (elles sont jolies, mais peut-être un peu dispensables, pour le coup).

Enfin, l’épique et le grandiose sont aussi souvent au rendez-vous. À ce sujet, impossible de ne pas citer le final du jeu, dantesque visuellement (mais un brin gâché par certains éléments qu’on va aborder plus tard), et qui rappelle presque certaines séquences du récent Final Fantasy XVI. La réalisation du jeu est clairement un atout de taille et si Wukong restera gravé dans nos mémoires, c’est surtout grâce à elle.

Certaines séquences du dernier quart du jeu sont aussi touchantes que poétiques

GOD OF WAR + SEKIRO = WUKONG ?

Bref, l’immersion est réussie. Bravo Game Science. Mais maintenant qu’on a dit ça… il vient le temps d’être un peu plus amer. Car s’il aurait été criminel de ne pas reconnaître les grandes qualités de Wukong, il n’en reste pas moins que notre expérience globale du jeu n’a guère été parfaite. Et on a bien des regrets après cette aventure. Le premier d’entre eux étant l’absence de prises de risque majeur du studio dans son game design.

Wukong s’inspire largement de titres comme God of War et Sekiro (de très nobles modèles) et pioche beaucoup de bonnes idées chez eux, mais sans vraiment réussir à se forger son identité propre dans ses mécaniques de jeu. Malgré un univers original, Game Science ne parvient pas à innover dans un level design ou dans un gameplay unique. La structure du jeu manque clairement de génie, puisqu’il consiste en un boss rush de marathonien certes efficace, mais très simpliste. Aucune phase du jeu n’est surprenante (hormis certaines à la toute fin) et l’enchaînement des combats et de l’exploration forme une boucle de jeu fade, qui ressemble à de trop nombreux autres blockbusters.

« C’est bien ici qu’on parle de l’histoire du féminisme pendant le Covid-19 ? »

Seum Wukong

Le jeu est donc malheureusement assez redondant et repose sur une progression linéaire vue et revue (à chaque chapitre un biome différent, avec des zones semi-fermées qu’il faut explorer avant chaque boss). Mais à la limite… pourquoi pas. Pour un premier jeu console c’est compréhensible, et d’autres très bons titres récents (du genre Stellar Blade) avaient un peu le même défaut, et ce n’était pas si grave.

Mais à ce game design très léger viennent s’ajouter quelques problèmes majeurs qui rendent l’expérience globale franchement frustrante. Et ils concernent l’action du jeu. C’est-à-dire un aspect central de Wukong.

Pourtant, sur le papier, le gameplay est généreux et ambitieux. Le joueur dispose d’une panoplie de pouvoirs qui rendent les premières heures de jeu vraiment excitantes. Contrôler notre héros est un plaisir, ses animations sont fluides et la polyvalence du personnage vend du rêve. Mais on sera malgré tout vite refroidi, une fois les boss les plus ardus rencontrés. En effet, le gameplay de Wukong se révèle vite assez bâtard et ne convient pas à la courbe de difficulté du jeu.

Ce boss est incroyablement facile à battre, tandis que d’autres vont représenter des défis insensés

LA DIFFICULTÉ DE WUKONG

Game Science a l’air de s’être un peu perdu entre ses multiples références, et ils n’arrivent pas à trouver un juste milieu entre ce gameplay exigeant et précis (à la Sekiro) et cette mise en scène de l’action bourrine et nerveuse (à la God of War). Et c’est, entre autres, ce qui explique cette sensation de jeu hybride à la courbe de difficulté aléatoire. On alterne entre des moments où l’on est beaucoup trop fort pour le jeu et d’autres où on a l’impression d’être insignifiant. Ce qui est assez pénible à la longue.

On se retrouve ainsi à pulvériser à la chaîne des péons dans la cambrousse en balançant tous les feux de l’enfer sur leur tête. Et soudain, un boss plus remonté que la moyenne débarque et on arrive dans un tout autre jeu. On se souvient avec peine d’à quel point le combat contre le tigre de l’avant-garde au chapitre 2 était une purge sans nom (et il n’aura pas été le dernier) tant le gameplay ultra bourrin propre à notre singe ne servait presque à rien contre un ennemi aussi mobile et endurant que lui.

Ouais on t’a pas oublié toi…

Un singe en enfer

Et là c’est sans parler des derniers combats, qui sont tous interminables et atteignent des summums de difficulté pour finalement ne pas apporter grand-chose à l’expérience concrète du joueur. Évidemment, aucun boss n’est invincible et Wukong est suffisamment bien fait pour qu’on puisse toujours trouver un moyen d’arriver au bout, surtout quand on est assez patient (les jeux From Software nous ont formés à ça).

Mais cette difficulté, une fois passée, n’est que trop rarement gratifiante. Plutôt que d’enfin trouver la bonne clé pour ouvrir la porte qui nous barre la route… on a juste l’impression d’avoir forcé celle-ci à coup d’épaule. On se sent épuisé et on ne veut plus y penser.

C’est pas au vieux singe qu’on apprend la patience

En termes de défi, on n’est donc pas du tout au niveau de Stellar Blade ou d’Elden Ring. Et à tout ça, il faut en plus ajouter un vrai souci de feedback (la sensation de ressentir les coups dans un jeu), beaucoup trop faible. Le bâton de notre singe, malgré sa puissance présumée, donne en effet l’impression de frapper avec un coton-tige la plupart du temps.

C’est lié au fait que les ennemis sont trop rarement interrompus ou affectés par nos coups et qu’aucun effet visuel ne permet d’apprécier l’efficacité de nos attaques ou d’en saisir la force. Ce défaut nuit autant à la mise en scène de l’action (qui est très bonne en dehors de ça) qu’à la satisfaction que l’on devrait ressentir en éliminant un ennemi coriace. Sans compter qu’on ne perçoit pas non plus les coups des boss en retour, ce qui n’est pas pratique pour éviter de mourir.

Malgré tout, Wukong restera un des jeux les plus marquants pour 2024

SE PRENDRE UN MUR

Enfin, dernier point noir à relever dans Black Myth : Wukong : l’exploration. Elle n’est pas totalement ratée, mais on sent que Game Science voulait faire bien plus, et n’a pas réussi son coup (pour des raisons liées à la production, sans doute). Le jeu encourage sans cesse à parcourir ses zones fermées avant d’en trouver les secrets, ses boss optionnels, ses équipements rares, etc. Une bonne idée en soit, mais qui ici est court-circuitée par un level design contre-intuitif et trop limité.

wukong
Les coffres au trésor sont toujours remplis des mêmes babioles…

Il n’est tout simplement pas acceptable, en 2024, d’avoir un jeu qui incite à l’exploration, mais qui jalonne sa progression de murs invisibles et d’obstacles de 50 cm de haut impossible à surmonter. C’est d’autant plus frustrant qu’ici, on incarne littéralement un singe ! Un être à la dextérité légendaire, capable de prouesses acrobatiques exceptionnelles. Et dans le jeu, il n’a même pas la possibilité d’escalader des parois ou de sortir des sentiers battus.

Ce n’est évidemment pas un drame. Mais c’est encore une petite déception qui s’ajoute à d’autres. Et au final, on est surtout déçu de ne pas avoir réussi à apprécier Wukong autant qu’on l’aurait voulu – ou qu’il l’aurait mérité ?

Test réalisé sur PS5. Black Myth : Wukong est disponible sur PS5 depuis le 19 août.

Rédacteurs :
Résumé

Black Myth : Wukong est enchanteur par moment, mais très frustrant à la longue. De nombreuses limites rendent la progression de son univers pénible, tandis que le studio Game Science ne semble pas avoir trouvé une formule idéale pour en faire une expérience parfaite. Wukong n’en reste pas moins un vibrant hommage à la mythologie orientale et un bel aperçu de ce que nous réserve le futur de l’industrie du jeu chinois (qui n’en est à qu’à son échauffement). 

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Roue-liane

Enfin un peu d’objectivité, ça fait du bien de lire ce genre de test. J’en suis au dernier niveau et il n’y aura pas de new game + pour ma part. Malgré toutes ses qualités (notamment techniques) ce jeu est extrêmement pénible. La difficulté est très mal dosée. J’ai passé plus de 3 heures sur le fameux tigre du 2eme niveau et j’ai éclaboussé quasiment tous les boss du 5eme niveau en 3 essais maximum. Il faut esquiver bêtement les enchaînements des boss sans avoir la possibilité de les briser et de contre-attaquer la plupart du temps. On est spectateur plus qu’autre chose. Je n’ai pris quasiment aucun plaisir avec ce jeu. Bref, je pense que la plupart des gens seront déçus et je ne le recommande pas pour les casual mais uniquement pour les hardcore gamer qui eux prendront leur pied par contre.

leduk

Ça donne pas envie. De toutes façons je fuis les souls like et nai jamais réussi a accrocher les gods of wars, donc…

cedric2

Je suis en accord total avec l’aspect level design, vraiment à la ramasse. Au début je trouvai exagéré de se plaindre des « murs invisible » mais plus j’avance dans le jeu et plus je trouve que le level design n’a aucun sens.

Parfois t’es dans une zone, y’a clairement un endroit ou tu te dis ah c’est par là, et en fait c’est juste mal foutu car impossible d’y aller.

A par ça le jeu est fun, clairement pas le jeu de l’année mais un bon premier jeu pour un studio.

Loco_Bajo

Autant je trouve que le level design du jeu est flingué, mais alors, pour le reste, j’ai rarement été autant en désaccord avec un test :

-Wukong a bien une identité propre sur le plan purement mécanique. Il fait le choix de ne fournir au héros qu’une arme unique (a l’inverse des jeux du genre qui creusent davantage l’aspect RPG et la profusion de loot) mais en la rendant ultra-modulable. Plus modulable que dans un Sekiro par exemple, grâce à un système de postures intelligent, qui peut même donner dans certains contextes des solutions défensives (cf : posture du pilier). Un système de postures différent de celui de Nioh rien que parce qu’il concerne les attaques lourdes, avec un système graduel de concentration (aka, puissance), et non simplement les attaques légères. Et on a pas encore parlé des transformations multiples qui ont chacune un moveset différent, et qui ne me rappellent ni Sekiro, ni God of War.

-Wukong n’est pas un boss rush. Furi est un boss rush. Wukong n’en est pas un. Il a beau avoir un level design très paresseux qui oblige à faire du trial and error, il propose de l’exploration, a plus forte raison dans les chapitres 2, 3, 4, 5, et 6 (sur 6 chapitres, notez que ce n’est pas rien), avec une bonne quantité de boss ou quêtes qui peuvent être ratés ou, en tout cas, ignorés sur une run découverte.

-La progression dans WuKong serait redondante, vue et revue car « à chaque chapitre un biome différent, avec des zones semi-fermées qu’il faut explorer avant chaque boss ». Sauf que c’est objectivement la description d’un jeu qui ne serait pas un open world, et c’est un peu chiche pour en faire un défaut. D’autant que, si l’on pourrait pester contre l’absence de lien entre les différents biomes, ça permet justement que les biomes soient, entre eux, plus diversifiés (jungle, désert, monts enneigés…)

-La courbe de difficulté n’est pas aléatoire, elle suit une logique : des boss de fin de chapitre souvent corsés, des boss « jalons » qui présentent une difficulté intermédiaire (ceux qui débloquent la progression de pourcentage au sein d’un chapitre sur PS5, généralement, 33% et 66%, qui sont souvent accompagnés d’une mise en scène plus travaillée, et dont le tigre mentionné fait partie), et les autres boss qui sont très abordables. Je n’ai pas vu de moment où le jeu rompait cette logique de manière chaotique ou aléatoire.

-Le gameplay de WuKong n’est pas « ultra-bourrin ». Pour les joueurs qui apprécient observer les timings, indications visuelles et sonores des boss pour déclencher l’esquive au bon moment, le jeu va plus loin que les autres jeux du genre puisqu’il récompense les esquives parfaites avec un gain de concentration. Cette même concentration qui permet de déclencher des attaques lourdes chargées dévastatrices. Vu le rythme d’attaque et la résistance des boss les plus compliqués, c’est bien cette approche (on observe les ouvertures chez l’ennemi et on déclenche l’attaque lourde au moment opportun) qui est favorisée a terme. Pour les joueurs qui auraient du mal avec l’esquive parfaite, le jeu permet de charger sa concentration passivement, tout en courant. Si un joueur adopte un gameplay « ultra-bourrin », c’est qu’il l’a choisi.

-Le gamefeel des combats. Okay, ce point est relativement subjectif par essence mais quand même : les ennemis sont interrompus de façon assez prévisible une fois qu’ils ont finit une attaque ou série d’attaques. Bien sûr, passé ce cap, arrive un moment où la série d’attaques va arrêter de les interrompre ce qui est logique d’un point de vue combat design puisqu’à défaut, on pourrait les interrompre sans limite. Et je ne parle pas des attaques lourdes qui interrompent quasi systématiquement l’adversaire. Ni des attaques lourdes a plusieurs points de concentration qui peuvent même aller jusqu’à les faire tomber, ce qui semble assez a propos en termes d’impact.

Bref.

zarbiland

3 c’est abusé, une des moins bonnes notes sur le net….Le tigre perso je lui ai roulé dessus au 4eme combat, l suffit de prendre un peu de distance pour recharger ses sorts et éviter ses tornades et les obstacles, qui t’empechent d’atteindre des zones non jouables certes ce n’est pas réaliste, tu as la même chose sur God of War Ragnarok, ça n’a pas ému grand monde. Et c’est le cas également sur Space Marines 2 qui est une boucherie épique.
D’ailleurs j’ai lâché Black Myth au chapitre 4 pour jouer à l’early access de Space Marines 2 qui est jouissif et Astrobot qui me permet de faire redescendre la température de la plus joyeuse des manières entre 2 parties coop sur Space Marines

ungamerdesonpece

Rien que le fait de lire que Stellar blade est un bon jeu, je savais déjà d’avance sur je n’allais pas prendre cette critique au sérieuse…

dutch

Monkey buisness.