Death Stranding Director's Cut : les 5 nouveautés qui prouvent que c'est un beau ratage

JL Techer | 15 avril 2022 - MAJ : 15/04/2022 12:17
JL Techer | 15 avril 2022 - MAJ : 15/04/2022 12:17

Peu de titres auront autant divisé le public et la critique que Death Stranding. Créé par un Hideo Kojima (Metal Gear) libéré des chaines de Konami, le jeu sorti en 2019 a été le fruit de la libération des fantasmes et des travers de l'auteur. Entre poncifs cinématographiques lourdingues, proposition de jeu radicale, casting de luxe et éloge de la solitude, le titre revient sur PC dans une version appelée Death Stranding Director's Cut. Mais les ajouts de cette version servent-ils à quelque chose ? 

pourquoi un director's cut ?

Deux ans après la livraison (ha ha) de Death Stranding sur PS4 et PC, et quelques mois après l'upgrade intitulé Director's Cut pour PS5, voilà Sam Porter qui revient sur PC, dans Death Stranding Director's Cut (DSDC). Une itération destinée à asseoir la politique de Sony : porter ses titres phares sur PC, afin d'être techniquement au top (une splendide 4k/60 fps de tous les instants sur les machines les plus solides), et en ajoutant des nouveautés destinées à rendre l'expérience toujours plus plaisante et "fun". Et c'est là que la bât blesse.

Comment et pourquoi vouloir injecter du "fun" dans un titre qui se veut hors normes, et radical dans sa proposition de simulation de livreur Fed Ex dans un futur post-apocalyptique, bâti sur une mélancolie poétique doucereuse ? Outre le fait que Hideo Kojima lui-même a ouvertement rejeté l'appelation "Director's Cut", qu'il trouvait inappropriée, les nouvelles features de ce DSDC, sous le prétexte de venir toucher un nouveau public, viennent dénaturer le propos du jeu.

Partons donc pour un tour d'horizon des 5 nouveautés de DSDC qui pervertissent Death Stranding

Retrouvez notre test de Death Stranding ici.

 

 

1. Finies les galères à pied

Hymne à la galère, à la solitude et à l'errance, Death Stranding prenait un malin plaisir à pousser Sam Porter (et par analogie, le joueur) dans ses retranchements, en matière de patience et d'abnégation. Le coeur du gameplay consiste à livrer des colis d'un point A à un point B, en franchissant des obstacles naturels, de la rivière aux falaises abruptes. Bien plus terrifiants que n'importe quel ennemi humain armé, les paysages y sont fascinants de désolation, montrant une nature parfois corrompue, parfois tentant de retrouver ses droits.

Gérer le rangement et l'empilement de ses paquets tient de la gageure, et il faut impérativement avancer avec prudence pour ne pas perdre sa cargaison. Du jamais vu dans le paysage vidéoludique. Mais ça, c'était avant. Parmi les ajouts majeurs du Director's Cut, la catapulte à colis, le buddy bot et le jet-pack viennent complètement annihiler le concept même du porteur solitaire face aux éléments.

 

Death Stranding Director's Cut : photoSam Porter : profession homme-cannon

 

La catapulte peut trouver une application plutôt amusante, bien que sans réel intérêt, en projetant à des centaines de mètres un obus contenant des colis à livrer. Mais les buddy bot et au jet pack viennent totalement nuire à l'expérience de jeu.

Le robot buddy bot, lointain écho du D-walker de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, permet ni plus ni moins de transporter une quantité astronomique de paquets, et ce sans jamais être arrêté par l'environnement. Comble du comble : il peut même servir de robot de transport pour le héros, offrant alors l'équivalent d'un voyage rapide automatique.

Quant au jet-pack, il abolit tout risque de chute mortelle, et autorise des bonds dans le vide en toute sécurité, en mode James Bond dans Opération Tonnerre. Une aberration incompréhensible dans le concept du jeu. 

Death Stranding se trouve alors débarrassé de la substantifique moelle de son gameplay : les livraisons se transforment en promenades de santé. Le titre met le public dans une situation de parfaite passivité, à l'exact opposé de ce qu'il est censé offrir au niveau de l'implication du joueur. Ne reste plus qu'à poser la manette et à contempler le paysage.

 

Death Stranding Director's Cut : photo"D'ici je vois ma maison"

 

2. Fast and furious 

Dans une société qui a survécu de peu à un cataclysme l'ayant précipité au bord de l'extinction, et où matériaux de construction et nourriture viennent à manquer, quelle peut bien être la priorité des autorités et des survivants ? Dilapider ses ultimes ressources pour construire une piste de course bien sûr ! 

Quelle excellente idée que d'offrir du divertissement au peu de survivants encore en état de s'accrocher à la vie. Voilà donc Death Stranding Director's Cut agrémenté d'une piste de courses sur laquelle il faudra tenter de battre les scores établis par ses petits camarades en ligne. Plusieurs catégories d'engins sont disponibles : motos, roadsters ou camions pour différents modes de jeux (du contre-la-montre, de la course courte ou longue), sur le circuit dans son sens original ou en mode miroir. 

 

Death Stranding Director's Cut : photoEt sinon on parle de Forza et Gran Turismo ? 

 

Là où un Yakuza : like a Dragon amenait un clone de Mario Kart parfaitement débile (et donc radicalement indispensable) qui se fond dans le lore parodique du jeu, DSDC se plante royalement. Ce jeu de course semble avoir été rentré au forceps, par la petite porte et sans lubrifiant. Les véhicules sont mous et lents, l'impression de vitesse est inexistante... Mais le pire reste le fait qu'à aucun moment, son existence dans le lore ne se justifie de près ou de loin. 

Impossible de ne pas évoquer l'autre ajout ridicule concernant les tonnerres mécaniques : l'inclusion de rampes de saut pour la moto de Sam Porter. Si sur le papier elles peuvent permettre d'affronter des gouffres autrement infranchissables, elles sont surtout mises en avant car autorisant le héros à faire des figures à la Trials Fusion sur son engin. A croire qu'il a besoin de ça pour se remontrer le moral entre deux livraisons de cadavres. 

 

Death Stranding Director's Cut : photo6,9 pour la technique, 1,2 pour la crédibilité

 

 

3. Born to kill 

Visiblement, l'aspect contemplatif et proto-pacifiste de Death Stranding n'a pas forcément plu en haut lieu. Tout ça manquait de fusillades et d'occasions de faire chauffer les flingues. Décision a donc été prise d'ajouter un tout nouvel engin de mort au jeu : le Maser Gun, sorte de Taser amélioré, d'une redoutable efficacité contre les MULEs et les engins motorisés - mais inutiles contre les ombres. 

Afin d'accroitre son skill sur le champ de bataille, il fallait bien l'inclusion d'un camp d'entrainement. Un lieu où au cours de différentes simulations d'affrontements, Sam aura l'occasion de tester l'efficacité de son arsenal, et de concourir contre des adversaires en ligne afin d'obtenir les meilleurs temps de résolution des situations de combat. Si ce type de feature a tout à fait sa place dans un TPS AAA, son inclusion dans DSDC laisse dubitatif à plusieurs titres. 

 

Death Stranding Director's Cut : photoLe Maser Gun, bientôt dans tous les commissariats

 

Par nature et dans son message, Death Stranding questionne l'usage des armes et pousse à éviter les affrontements (sauf lors des passages obligés contre les boss). Or, mettre à disposition une arme aux résultats quasi radicaux, et pousser à la performance dans un exercice de TPS bête et méchant, vient court-circuiter voire contredire le propos. De pacifiste à membre de la NRA, il n'y a qu'un pas. 

Ajoutons à cela que Death Stranding s'était distingué par un système de collaboration en ligne unique en son genre, poussant les joueurs à une entraide et à une philosophie d'encouragements mutuels, loin de tout cynisme compétitif ou des mesquineries pululant sur les réseaux sociaux. Le but n'était plus d'être opposés les uns aux autres, mais de créer du lien au sein d'une communauté solidaire et soudée. Le fait de proposer une compétition pour savoir qui aura rempli ses missions plus vite que les autres est à l'antithèse de cet esprit. 

 

Death Stranding Director's Cut : photoQuand Death Stranding se prend pour The Division

 

4. Le boss rush

Que serait un TPS AAA générique sans son traditionnel mode Boss Rush ? Dans le jeu original, il était possible de refaire les chapitres des Cauchemars de Guerre de Cliff. Maintenant, il est possible de ré-affronter les monstres déjà vaincus dans l'histoire principale. Une fois encore, à l'instar des pistes de courses et du camp d'entrainement, le but sera d'établir le meilleur temps possible et de le confronter à ceux de ses petits camarades livreurs en ligne. 

Mais qui avait réellement envie de ça ? Que ce soit la baleine géante ou l'étrange géant d'Higgs et Amelle dans la ville en ruines, avec ses méduses flottantes, les affrontements étaient plus beaux à voir que satisfaisants à remporter. Impossible dès lors de comprendre l'intérêt d'un mode boss rush, dont la seule récompense est de rassembler des petites figurines à l'effigie des boss vaincus, que l'on peut collectionner pour ajouter une touche de déco post-moderne à sa chambrée. 

 

Death Stranding Director's Cut : photoPour ceux qui n'en avaient pas eu assez

 

Le mode de jeu intéressera sans nul doute les complétionnistes acharnés et les speedrunners, mais rien de plus. Une fois encore, ce n'est jamais cohérent dans l'univers, ce qui sorti complètement de l'expérience de jeu. De même, cette notion de course au score ou au meilleur temps est tellement en décalage avec le concept même de Death Stranding, et à son éloge de la lenteur, que l'existence d'un mode boss rush scoré est presque absurde. 

Il aurait été beaucoup plus intéressant d'inclure un mode New Game Plus à Death Stranding Director's Cut, qui aurait permis de reparcourir le monde à sa guise, en complétant les missions avec l'équipement acquis précédemment, ou avec un niveau de difficulté extrême, pour relever le challenge. Ou pourquoi pas un mode "simulation" poussant le réalisme plus loin, quitte à devoir gérer la fatigue, le besoin de sommeil, la faim et la soif du héros. 

 

Death Stranding Director's Cut : photoC'est beau (mais c'est chiant)

 

5. La nostalgie Metal gear

Le nom d'Hideo Kojima restera à tout jamais lié à la licence Metal Gear, qu'il le veuille ou non. Malgré le départ avec pertes et fracas du créateur de Snake hors des murs de Konami, et son désir de se libérer de cette saga, il semble condamné à y retourner. Et si Death Stranding parait être à des années-lumière d'un MGS, il était à prévoir que les obsessions de Kojima pour Snake reviendraient tôt ou tard. 

Il aura donc fallu attendre ce Director's Cut  pour que Kojima Productions cède à l'appel de MGS, et que l'ombre de Snake s'étende sur l'aventure de Sam Porter. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les références et clins d'oeil ne sont pas subtils. La mission de l'usine, dans laquelle sont entreposés des cadavres (une très mauvaise idée dans le lore de Death Stranding), est plus qu'un hommage : elle flirte avec l'auto-parodie

 

Death Stranding Director's Cut : photoClin d'oeil subtil (c'est faux)

 

De la musique qui sonne comme un thème de Harry Gregson-Williams tout droit sorti de Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty, au design des soldats, en passant par l'obligatoire blague avec le carton de camouflage de Snake, tout ça va beaucoup trop loin. La frontière entre fan-service souriant et face-palm est allègrement franchie.

C"est presque un aveu d'impuissance, ou de résignation. Comme si Death Stranding avait besoin de ce passage auto-référencé pour justifier son existence comme nouvel enfant de Kojima. N'en résultent que tristesse et nostalgie douloureuse. 

 

Death Stranding Director's Cut : photoTron : Léthargie

 

Le bilan est donc triste. À aucun moment Death Stranding Director's Cut ne justifie son existence par les pseudos ajouts qu'il propose. Les nouvelles features inclus dans DSDC ne font que lisser le propos de cette oeuvre originale et à part, pour tenter de la transmuter en un AAA générique au possible. Les curieux préféreront se frotter à la version d'origine sur PS4 ou PC, qui semble bien plus respectueuse de la vision originelle de Kojima pour son oeuvre.

 

Death Stranding Director's Cut est disponible sur PC depuis le 30 mars 2022.

 

Death Stranding Director's Cut : photo

 

Résumé

Death Stranding Director's Cut est une énigme. Tiraillé entre une volonté de rendre le jeu plus accessible et la nécessité de préserver un soft radical dans son concept et son univers, DSDC échoue sur les deux plans. Les ajouts dispensables de cette "nouvelle" version semblent vouloir  aseptiser un titre unique en son genre, quitte à le transformer en AAA lissé. Une déception. 

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.8)

Votre note ?

commentaires
humpf
15/04/2022 à 22:28

Pb de lien les gars. Je clique sur "KGF : chapter 2" et je tombe sur cet article.

Geoffrey Crété - Rédaction
15/04/2022 à 18:29

@Solan

Le jeu de base est noté : on a fait un test à la sortie, et le lien est au début de l'article.

Solan
15/04/2022 à 18:20

Chouette article. J'ai véritablement adoré la version originale, et les ajouts que vous citez me semblent complètement absurdes. Les tyroliennes arrivent comme une récompense dans le dernier tiers du jeu originel, si le jetpack est disponible bien vite... Cela aurait tendance à rompre beaucoup des sensations uniques procurées par Death Stranding.
Il est peut-être regrettable de noter la version Director's Cut, par rapport à ce qu'elle apporte, et pas le jeu de base également (qui dispose du meilleur système de randonnée jamais vu dans un jeu vidéo).

Simon Riaux
15/04/2022 à 17:11

@Pierre39

Et l'article ne dit rien de tel.
On évoque en quoi, Death Stranding étant édité par Sony, le jeu s'inscrit dans sa politique éditoriale.

Un peu comme quand on cause cinéma, on dit en quoi un film acquis par A24 s'inscrit dans sa politique éditoriale. A24 n'est le plus souvent "que" distributeur, l'entreprise n'en a pas moins une politique et une stratégie sur "son" catalogue.

Pierre39
15/04/2022 à 17:08

L'article commence très mal, c'est pas un jeux Sony...

votre commentaire