Bioshock : pourquoi le nouveau jeu de son créateur n'a toujours pas donné de nouvelles ?

Antoine Desrues | 4 janvier 2022
Antoine Desrues | 4 janvier 2022

Ken Levine, le créateur de Bioshock, planche toujours sur son nouveau jeu, perdu dans les limbes du development hell. Explications.

Alors que le jeu vidéo est de plus en plus considéré comme un art, le médium a su faire émerger à sa manière une politique des auteurs. Quand bien même un jeu, y compris indépendant, demande souvent le travail de multiples personnes, certains réalisateurs comme Hideo Kojima (Metal Gear), Neil Druckmann (The Last of Us) ou plus récemment Josef Fares (It Takes Two) ont su se démarquer en tant que grands manitous de projets adulés.

Parmi ces artistes, on retrouve également Ken Levine, l'auteur de la saga Bioshock, dont la gestion du level-design et de ses récits à twists a bouleversé à tout jamais l'industrie du jeu vidéo. Avant cela, le bonhomme avait déjà révélé son talent sur System Shock 2, l'une des suites les plus remarquables de l'histoire des FPS.

 

Bioshock Infinite : PhotoBioshock et ses suites : des pavés dans la mare

 

Pourtant, depuis la sortie en 2013 de Bioshock Infinite, Levine est passé sous les radars. Un fait étonnant lorsqu'on sait que le réalisateur s'est lancé dans un nouveau projet depuis 2014, sous la bannière d'un nouveau studio : Ghost Story Games. L'éditeur Take-Two a ainsi fermé Irrational Games (la structure derrière Bioshock) pour permettre à Levine de refaçonner une équipe plus réduite, quitte à laisser des gens sur le carreau.

Mais alors, qu'en est-il de ce jeu mystérieux, dont on ne connaît toujours pas le titre ? Comme à son habitude, c'est Bloomberg qui a offert des réponses à ce sujet, grâce à un article passionnant par le toujours très renseigné Jason Schreier. En bref, là où Levine a rêvé de retourner à une certaine veine indé, ses ambitions l'ont vite rattrapé. Si son titre demeure nébuleux, on sait qu'il doit s'agir d'un shooter de science-fiction, au cœur d'une station spatiale où le joueur doit gérer les relations de trois factions distinctes.

 

Bioshock 2 : PhotoAmong Us ?

 

Selon l'article de Bloomberg, Levine a pitché dès 2014 l'envie de faire un "Lego narratif", une expérience où les actions du joueur amèneraient les blocs du récit à prendre une direction unique. Le problème, c'est qu'en plus d'être connu pour être un réalisateur au caractère difficile, Levine est un perfectionniste, capable de rayer des pans entiers de gameplay pour tout reprendre. L'artiste l'affirmait déjà à l'époque de Bioshock Infinite, qui avait connu de nombreux retours en arrière, au point où l'auteur a laissé dans les cartons le potentiel de plusieurs autres jeux.

Mais ces tables rases n'expliquent pas tout. En effet, Bloomberg est allé interviewer plusieurs développeurs du titre, qui ont évoqué les problèmes de gestion de Ghost Story Games. Levine peinerait à exprimer sa vision auprès de ses équipes, et se montrerait peu enclin à accepter les critiques ou les retours de ses collègues pour faire avancer le jeu.

 

Bioshock : PhotoLa frustration des équipes de Ghost Story Games : illustration

 

Face à cette stagnation et à la pression de ce patron démiurgique, plus de la moitié de l'équipe originelle de Ghost Story Games a démissionné, ou a souffert de burnout. Néanmoins, il semblerait que le développement soit désormais sur la bonne voie, certains évoquant même une sortie potentielle du jeu en 2024.

Pour autant, il est intéressant d'analyser le paradoxe de cette situation. D'un côté, il est plaisant de voir un éditeur faire complètement confiance à un auteur qui a su marquer l'industrie par son inventivité. De l'autre, cette liberté artistique semble avoir un prix, celui d'un chaos logistique et humain. Ken Levine n'est visiblement pas un manager dans l'âme, et les pleins pouvoirs accordés par Take-Two au créateur de Bioshock pourraient avoir leur lot d'incidences.

Mais l'exigence du réalisateur n'est-elle pas revigorante, surtout à l'heure où les blockbusters vidéoludiques enquillent les poncifs narratifs et de gameplay les plus éculés ? Après tout, le tâtonnement a souvent permis à de grands jeux d'émerger, même s'il est clair que cela ne doit pas se faire au prix de la santé mentale des développeurs. Reste maintenant à espérer que la relation entre Levine et Take-Two ne se termine pas dans le sang et les larmes, comme lorsque Konami a divorcé d'Hideo Kojima.

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commentaires
Hunter Arrow
05/01/2022 à 00:54

Ouais assez peu d'accord avec le dernier paragraphe. À un moment la question que je me pose avec Ken Levine : ne serions nous pas face à l'illustration d'un syndrome de Peters. C'est à dire un gars qui a monté les échelons au point d'occuper un poste vis à vis duquel il est totalement incompétent.

Parce que là on parle de génie... sauf que ses 3 derniers jeux sont des bordels sans noms en terme de développement et j'ai l'impression que ce qui a vraiment fait leurs réussites vient davantage des talents autours. Je me suis refais le 1er Bioshock dernièrement. Ou est ce que ce jeu défonce ? Dans la direction artistique. Ok, sauf que Levine touche pas à ça. Il approuve juste les idées. Le level design ? Pareil. Le gameplay ? Ah non là c'est la faiblesse du titre. L'histoire ? Autant les thématiques sont intéressantes autant on sent que ça part en vrille en terme de narration et de finalité. D'ailleurs Bioshock premier du noms aussi avait un dernier quart franchement peu inspiré.

Puis Bioshock Infinite. Pareil, le jeu est un gros bordel complètement rushé sur la fin.

On ne cesse de parler de Hideo Kojima et ses caprices de diva... sauf que le gars a des années de JV derrière lui avec des projets relativement bien cadrés. Ca a commencé à partir en vrille avec MGS4 et Phantom Pain. Mais regardez Death Stranding. Que l'on aime ou pas, ca reste un jeu fini dans les temps (et vraiment fini) avec une vraie cohérence dans les directions et le game design. Bref, Kojima il arrive à boucler des projets lui...

Mais Levine ? À chaque fois il rend des projets à moitié fini et la moitié des équipes se barrent parce que le mec est un nul en communication. Super les artistes, mais à un moment, un jeu c'est pas une peinture que tu fais tout seul dans ton coin. C'est un projet collectif qui va prendre des années de vie à toi et ton équipe. Et tu dois être en mesure de trancher les justes décisions et les communiquer... accepter les suggestions des autres aussi (je repense à Kojima qui invitait ses équipes à partager leurs idées à chaque développement d'un MGS).

Bref, pour moi Levine appartient davantage au club des dév megalo et bras cassés qui comprends McNamara (Getaway, LA noire), Peter Molyneux (Fables) qui ont réussi en écrasant les autres et en s'appropriant leurs idées.

Kouak
04/01/2022 à 21:55

Yoh !
Un des rares jeux a me mettre les poils...
Ambiance écrasante, personnages impressionnants...
Un des 1er à proposer une fin différente selon vos décisions...Mais j'ai jamais testé...
Une adaptation était prévue il me semble...
Projet avorté...
Dommage car "Fortiche productions" (Arcane) aurait pû s'y atteler... D'ailleurs on retrouve un peu de Bioshock dans la série...
;-)