Edgar Wright & Simon Pegg (Shaun of the dead)

Stéphane Argentin | 24 juillet 2005
Stéphane Argentin | 24 juillet 2005

À peine était-il sorti en Grande-Bretagne au printemps 2004 que Shaun of the dead était déjà élevé au panthéon du culte de l'horreur. Depuis, le film parcourt le monde et fait l'unanimité. À l'origine de cette comédie – romantique – zombie à l'humour très british, deux hommes, Edgar Wright (scénariste – réalisateur) et Simon Pegg (scénariste – acteur) qui se sont connus sur les bancs de la télévision. À l'occasion de la sortie de Shaun of the dead en France, tous deux étaient présents à Paris pour évoquer, entre autres choses, leur première rencontre, leurs projets d'avenir (en commun bien évidemment) mais aussi et surtout, le cinéma en général, d'horreur et britannique en particulier. Rencontre avec deux amis de longue date qui ne manquent pas d'humour.

Commençons par le début : comment vous êtes vous rencontrés ? Sur un coup de foudre ?
(Rires collectifs)

Simon Pegg (s'adressant à Edgar) : C'est vrai que j'ai immédiatement été attiré par toi.

Edgar Wright : Nous nous sommes connus par l'intermédiaire d'amis communs au sein du circuit des shows comiques.

Simon Pegg : La première fois que j'ai rencontré Edgar, il m'avait vu dans l'une des séries télévisées qui évoque l'ouest de l'Angleterre dont nous sommes originaires. J'aime à penser qu'il est venu vers moi en tant que fan, l'un de mes tous premiers d'ailleurs (rires).

C'était à quelle époque ?
En duo : 1996.

  

Comment vous est venue l'idée de Shaun of the dead ?
SM : Lorsque nous avons commencé à travailler sur notre série Spaced, nous nous sommes très vite rendus compte de nos goûts communs en matière de films de genre et d'horreur. Nous avons d'ailleurs fait cette petite séquence dans la série où mon personnage joue à Resident evil pendant si longtemps qu'il finit par se croire véritablement à l'intérieur du jeu en train de se battre contre les zombies. Aussitôt, ça nous a rappelé à tous les deux à quel point nous adorions ce genre de films et tout particulièrement ceux de George Romero. C'est de là que nous ait venu l'idée de faire un film de zombies mais avec notre propre style, c'est-à-dire la comédie romantique, qui est l'un des genres que l'on retrouve le plus souvent en Angleterre.

C'est d'ailleurs très surprenant de voir Shaun of the dead débuter dans ce registre avant de basculer complètement dans le film de zombies. Y a-t-il des influences derrière ces différentes approches ?
EW : Je pense à plusieurs films d'Hitchcock et notamment aux Oiseaux qui commence dans un tout autre registre que celui dans lequel il bascule ensuite. Dans La nuit des morts-vivants, il s'écoule un peu de temps avant que Barbara et son frère ne se fassent attaquer pour la première fois. Avec Shaun of the dead, nous voulions d'abord que le public apprenne à connaître les personnages avant de basculer pour de bon dans l'horreur, un peu comme Gremlins où vous avez d'abord une longue phase d'exposition de la ville et de ses habitants. La plupart des longs-métrages ne fonctionne pas ainsi et a tendance à s'ouvrir dès le début dans un climat de semi panique.


Pourquoi avoir situé l'action de Shaun of the dead dans la banlieue de Londres ?
EW : Tout d'abord parce que nous y habitons et ensuite parce que ce n'est pas le Londres que vous avez l'habitude de voir à l'écran. Nous voulions montrer la classe moyenne, entre les deux extrêmes que sont les quartiers malfamés des films de Guy Ritchie et les quartiers chics et ultra connus de long-métrages tels que Love actually. Mike Leigh est l'un des rares réalisateurs à s'intéresser lui aussi à ces quartiers là.

SM : Si Shaun of the dead devait être tourné à Paris, vous ne montreriez pas les coins touristiques tel que la Tour Eiffel ou bien l'Arc de Triomphe car les gens ne vivent pas là. À Londres, huit millions de personnes habitent dans le type de banlieue où se déroule l'action de Shaun of the dead.

Est-ce justement pour montrer ce type de quartier qu'au moment précis où le film bascule dans l'horreur, vous avez ce long plan séquence de deux minutes où le personnage de Shaun sort de chez lui, se rend au magasin puis rentre à nouveau chez lui ?
EW : La raison première de cette séquence est effectivement de situer l'action géographiquement, la seconde étant de montrer en temps réel que le quotidien routinier de Shaun vient de basculer. C'était la toute première séquence que nous avons tournée.

Combien de prises avez-vous effectué en tout ?
EW : Treize je crois. Ce qui est finalement assez peu compte tenu de la difficulté.

SM : Il y a une autre séquence dans le même genre qui nous a demandé quatorze prises, celle où je me bats contre les zombies à coup de batte en ressortant de l'appartement de Liz.


Qui a eut l'idée de placer la dernière partie du film dans un pub ?
SM : Le pub est l'icône culturelle britannique par excellence, le lieu où tout le monde se retrouve les vendredi et samedi soir. Au cour d'une conversation dans l'un des pubs que nous fréquentons régulièrement Edgar, Nick (Frost, le partenaire à l'écran de Simon, NDR) et moi, nous nous sommes posés la question suivante : « Que se passerait-il si nous étions piégés dans un endroit comme celui-ci encerclé par des zombies ?».

EW : C'est également le lieu dans lequel Shaun se rend tous les soirs pour oublier les tracas de sa journée. C'est un refuge pour lui en quelque sorte. Et c'est donc là qu'il retourne lorsque les zombies font leur apparition.

SM : Il ne fait pas preuve d'une grande imagination en fait (rires).


Lorsque les deux héros jettent des 33 tours aux zombies, pourquoi avoir décidé de balancer la bande originale de Batman ?
EW : Je précise qu'il s'agit de la BO de Prince dans le premier Batman, celui réalisé par Tim Burton en 1989, pas celle de Danny Elfman.

SM : Prince a fait des tas d'excellents albums que vous voudriez conserver, mais certainement pas celui de Batman.

Vous avez vu le nouveau Batman ?
En duo : Oui.

Qu'en avez-vous pensé ?
En duo : Excellent.

EW : Christopher Nolan a fait un travail formidable. À mes yeux, Batman begins est l'une des adaptations de comics les plus réussies.

La plupart des films de zombies et notamment ceux de George Romero ont toujours été une projection sociale de l'époque dans laquelle ils s'inscrivaient. Y a-t-il une telle projection dans Shaun of the dead ? Et si oui, laquelle ?
EW : L'idée est que nos zombies représentent l'apathie et l'égoïsme de notre société actuelle où chacun cherche en définitive à se hisser au dessus de la masse.

SM : Il faut cette invasion de zombies pour que Shaun se rende compte qu'il était lui-même un zombie de son propre quotidien, qu'il était consumé par son travail. C'est uniquement lorsque les zombies font leur apparition que Shaun redevient humain.


Le film n'est donc pas une projection de la crainte des anglais de se retrouver happés au sein de l'Europe, surtout avec les rapports houleux qu'ont toujours entretenus la France et l'Angleterre et qui sont à nouveau d'actualité entre Tony Blair et Jacques Chirac ?
En duo : Pas du tout.

EW : Je suis très fier de l'Europe. Je m'en tape de la Livre Sterling. Je préférerais que l'Angleterre fasse partie de la Communauté Européenne, ça faciliterait grandement les échanges.

SM : Le fait que les anglais habitent sur une île et qu'ils souhaitent conserver cet forme d'isolement vis-à-vis du reste du continent est une idéologie qui a la vie dure mais qui n'est plus partagée comme avant, surtout depuis qu'il y a l'eurotunnel qui relie Paris à Londres en deux heures. Je suis très content que ce rapprochement ait lieu. Quant aux rapports franco-anglais, non les zombies ne représentent absolument pas les français (rires collectifs).

Vous étiez-vous fixé des limites à ne pas dépasser en matière de gore ?
EW : Notre seul souci était de ne pas rendre le film trop « cartoonesque » car des films tels que Evil dead 2, Braindead ou encore Une nuit en enfer s'étaient déjà orientés sur cette voie avec brio. En dépit du contexte comique de Shaun of the dead, nous avons toujours cherché à faire dans le gore réaliste.

SM : Nous avions d'autres scènes gore dans le scénario que nous n'avons pas pu tourner en raison d'une météo printanière très changeante et d'un budget de quatre millions de Livre Sterling qui ne nous permettait pas d'attendre des accalmies. L'autre idée était que nous voulions effrayer les spectateurs progressivement jusqu'à l'éviscération finale car nous avions bien conscience du fait que le public qui irait voir Shaun of the dead n'était pas nécessairement familier avec le genre, notamment avec les films de Romero qui sont beaucoup plus violents en matière de gore.


Vous faites d'ailleurs une apparition dans le nouveau film de George Romero, Land of the dead. Comment est-ce arrivé ?
EW : Lorsque Shaun of the dead a été terminé, nous avons envoyé une copie à George Romero qui n'était pas vraiment très content de L'armée des morts, le remake de Zombie. Et peu avant la sortie de Shaun of the dead en Angleterre, George nous a fait savoir qu'il l'avait beaucoup aimé. À partir de ce moment là, on se fichait éperdument que notre film obtienne ou non de bonnes critiques, notre plus belle récompense était que George Romero l'ait apprécié.

C'est à ce moment qu'il vous a demandé de prendre part à Land of the dead ?
SM : Ce qui s'est passé, c'est que nous sommes devenus très proche de Greg Nichotero (l'un des plus grands spécialistes des effets spéciaux de maquillage, qui compte à son actif des collaborations avec Wes Craven, Sam Raimi, John Carpenter, Robert Rodriguez ou encore Quentin Tarantino, NDR) qui avait déjà travaillé avec George sur Le jour des morts-vivants et qui s'occupait à nouveau des maquillages de Land of the dead. Un jour, comme ça en plaisantant, on lui a demandé si on ne pouvait pas prendre part au film. Greg a alors demandé à George qui a dit oui. Et avant même de comprendre ce qui nous arrivait, nous étions en pleine séance de maquillage sur le plateau à Toronto.

Vous êtes reconnaissables dans le film ?
SM : Pas vraiment en raison du maquillage.

EW : On peut nous voir sur l'affiche au tout premier plan. Au centre, vous avez Big Daddy, le zombie principal du film, je me trouve immédiatement à gauche tandis que Simon se trouve complètement à droite.


Vous évoquiez le remake de Zombie. Que pensez-vous de cette vague de remake de films d'horreur tels que Massacre à la tronçonneuse, Amityville… ?
SM : Ça n'a strictement aucun intérêt. C'est une pratique bassement mercantile. Ils attirent le public à l'aide de titres connus comme étant des classiques du genre mais que les gens n'ont pas nécessairement eu l'occasion de voir. C'est ce qu'ils ont fait avec L'armée des morts qui n'est pas un remake puisqu'en dehors d'une ou deux similitudes, le film n'a plus vraiment rien à voir avec celui de Romero. Il se rapprocherait plus de 28 jours plus tard avec ses zombies qui sont désormais capable de courir. Le début est d'ailleurs très réussi mais ce qui me gêne, c'est le titre. S'ils avaient eu les couilles nécessaires pour appeler le film autrement, je l'aurais sans doute apprécier davantage, comme un long-métrage à part entière, et non vendu comme le remake du classique de Romero (en anglais, les deux films portent le même titre, Dawn of the dead, NDR). Avec Shaun of the dead, nous avons repris un genre que nous avons adapté à notre sauce, la sauce anglaise (rires).

Où en est votre prochain film, Hot Fuzz ?
EW : Nous travaillons toujours sur le script depuis neuf mois maintenant, entre deux campagnes promotionnelles pour Shaun of the dead. Avec un peu de chance, le tournage devrait démarrer d'ici la fin de l'année, ou au plus tard au début de l'année prochaine. Il s'agira d'une comédie policière avec beaucoup d'action.

SM : Le principe restera le même qu'avec Shaun of the dead, à savoir reprendre un genre ultra codifié à Hollywood avec toute sa cohorte de clichés et le transférer en Angleterre.

Il faut s'attendre à quel genre de film ? Des Arme fatale, notamment les épisodes 3 et 4 qui sont beaucoup plus comiques que les deux premiers ?
EW : Nous allons effectivement reprendre tous ces films « glorieusement stupides » produits par Jerry Bruckheimer ou encore Joel Silver qui sont devenus mémorables grâce à leur débilité. Je pense notamment à un film comme Commando qui est tout aussi brillant que stupide.

SM : Vous imaginez donc ce genre de films mais transposé en Angleterre avec un flic ringard et sans flingue (rires).


Ce sera dans le genre des films de Blake Edwards comme La panthère rose ?
EW : Non, il s'agira d'un bon flic, pas d'un policier nul comme Jacques Clouseau ou Frank Drebin.

Vous vous êtes réparti les tâches de la même façon ? Vous écrivez à deux puis Edgar réalise et Simon joue ?
SM : Ou alors on pourrait inverser, tu joues et je réalise (rires).

Y aura-t-il d'autres personnes de Shaun of the dead ?
EW : Nick Frost en fera définitivement partie.

SM : Même si l'on ne veut pas donner cette impression d'une troupe indépendante à chaque nouveau film, lorsque vous trouvez des personnes avec lesquelles tout se passe bien, vous voulez continuer à travailler avec elles.

EW : Certains des réalisateurs que nous admirons tels que Quentin Tarantino ou encore les frères Coen travaillent ainsi et nous apprécions nous aussi cette approche.

Propos recueillis par Stéphane Argentin.

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