Le mal-aimé : Atomik Circus, OVNI déjanté avec des aliens, Benoît Poelvoorde et Vanessa Paradis

Geoffrey Crété | 10 décembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 10 décembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Parce que le cinéma est un univers à géométrie variable, soumis aux modes et à la mauvaise foi, Ecran Large, pourfendeur de l'injustice, se pose en sauveur de la cinéphilie avec la rubrique des mal-aimés. Le but : sauver des abîmes un film oublié, mésestimé, amoché par la critique, le public, ou les deux à sa sortie. 

 

Affiche

     

"Une oeuvre essentielle" (Positif)

"Un film contenant tous les ingrédients d'un film culte, mais raté" (Télérama)  

"Un exploit industriel sans idéologie sinon celle d'une franche déconn" (Les Inrocks)

"Un délire filmé avec de grands moyens par le duo le plus inventif depuis Caro et Jeunet" (Première)

"Ce pourrait être un bon film US des années 50, mais ce n'est ni bon ni vieux, même pas US seulement français et nul" (L'Ecran fantastique)

  

  

LE RESUME EXPRESS

Lors de la traditionnelle fête de la tarte à la vache, Skolett City a vécu un drame : engagé par Bosco, patron du Sam Paradiso bar, le cascadeur James Bataille a créé une catastrophe et fini en prison, non sans être tombé follement amoureux de Concia, fille du boss. Des années plus tard, il s'échappe pour la retrouver.

C'est à nouveau la fête de la tarte à la vache, et Concia la chanteuse prépare un numéro. De passage dans la région, Allan Chiasse, un impresario odieux, tombe sous le charme de la musicienne, et décide de la séduire. Sauf que des aliens atterrissent dans la petite ville, et commencent à attaquer les habitants et provoquer le chaos.

James Bataille finit par retrouver Concia, attaquée par un Allan Chiasse devenu un monstre. Elle est aspirée par un vortex dans le ciel et James décide de la suivre. Il se retrouve sur une planète étrangère, où il retrouve Concia... mais également quelques dizaines de ses clones.

FIN

 

Photo Vanessa Paradis

 

LES COULISSES

Atomik Circus, le retour de James Bataille est un film de Didier et Thierry Poiraud, petits génies de la publicité repérés grâce aux spots pour Reebok avec Marie-José Perec qui court sous une colonne de béton qui s'effrondre, Orangina avec sa bouteille serial killer ("Pourquoi est-il aussi méchant ?"), ou encore celle des chewing-gums Hollywood où la Statut de la liberté se déshabille pour aller nager après avoir jeté sa culotte massive dans les rues de New York. Leur publicité pour BNP, où des aliens arrivent pour remplacer les vaches dans un décor désertique de station-service, ressemble d'ailleurs à une répétition de leur premier film. Leur court-métrage Aliens with 2000 Assholes, également.

Avant ce film, il y avait le projet d'une bande-dessinée inachevée de Didier Poiraud. Son frère raconte : « Pour adapter cette BD au cinéma, on s'est d'abord penchés sur le personnage de James Bataille. On a imaginé un personnage à mi-chemin entre Joe Dalton et David Vincent de la série Les Envahisseurs. On avait aussi évoqué Nicolas Cage dans Arizona Junior. (...) On a créé un univers rock'n'roll et chaotique dans lequel on puisse s'exprimer artistiquement, plastiquement. A aucun moment on a bridé notre imaginaire, bien au contraire. »

Les frères Poiraud réussissent à convaincre Vanessa Paradis de les rejoindre dans l'aventure, et d'assurer le rôle de chanteuse également à l'écran avec les Little Rabbits, un groupe nantais proche du duo. Elle n'avait alors pas tourné au cinéma depuis La Fille sur le pont de Patrice Leconte, en 1999. « J'aime partir sur des aventures qui me passionnent, qui me brûlent de joie, de bonheur. C'est la rencontre avec les réalisateurs qui m'a donné envie de m'engager sur cette aventure. Je me suis beaucoup amusée, d'abord à faire ce film, mais aussi quand je l'ai découvert terminé. Ce film, j'en suis fière. » 

 

Photo Vanessa Paradis

 

Les réalisateurs déclaraient à l'époque : « Il nous fallait une vraie star. Pour nous il n'en existait pas cinquante, il y avait Vanessa Paradis. Alors on lui a demandé de jouer dans notre film et elle a accepté. Quand on l'a su on était comme des fous! Benoît Poelvoorde on le connaissait, on avait vraiment envie de travailler avec lui, et imaginer Vanessa face à Benoît, c'était déjà bien délirant. Pour Jean-Pierre Marielle, c'est arrivé plus tard, car on avait prévu de travailler avec Jean Yanne, initialement. »

Jean-Pierre Marielle a accepté le rôle : « Quand on me l'a proposé, il s'agissait de remplacer un ami, Jean Yanne , qui venait de mourir. J'étais triste d'avoir perdu un ami mais en fait j'ai été heureux d'enfiler son costume. » Stuart Townsend, lui, devait à l'origine interpréter le héros.

Le tournage a lieu dans un petit village du Portugal pendant neuf semaines. Les réalisateurs décident de commencer par filmer la fin, chaotique et sanglante, pour donner le ton. Benoît Poelvoorde gardait un souvenir joyeux de l'expérience (chose non négligeable vu qu'il n'hésite pas à parfois dire le contraire) : « Les Poiraud sont entourés de leurs amis qui forment une vraie famille autour d'eux. On était hors du monde. Imaginez une famille hors du monde. Alors quand je revois ce film, c'est un peu comme un film de vacances. Je reconnais la cabane où je somnolais entre les prises...Et puis il y avait la mer...La mer apaise la nature des gens. On se sentait tous vraiment heureux. » 

A noter que Vincent Belorgey apparaît dans le film : il est plus connu sous le nom de Kavinsky, DJ notamment célébré pour la musique de Drive.

 

Photo Benoît Poelvoorde, Jean-Pierre Marielle

 

LE BOX-OFFICE

Echec. Atomik Circus a officiellement coûté dans les 16 millions d'euros, et 11 selon le réalisateur Thierry Poiraud, comme il l'affirmait dans une interview avec nous. Il a attiré moins de 240 000 spectateurs à sa sortie, en juillet 2004. Le cinéaste n'était pourtant pas plus affecté que ça : « Ils rêvent tous de faire un film générationnel et cinq millions d'entrées. Tous mes films de référence, ça n'a jamais fait beaucoup d'entrées…. The Big Lebowski par exemple, qui est un chef d'œuvre que je pourrais regarder mille fois, n'a pourtant pas fait plus d'entrées que cela. Cela n'intéresse pas vraiment le grand public. Les gens se disent, "c'est un film con, il n'y a pas de scénario". Soit, mais moi c'est ça que je veux faire. Pour notre film, je considère que le chiffre des entrées est bon, c'est une réussite normale. Ils ont trop mis d'argent, c'est un peu trop survendu, bref le film n'est pas rentré dans les bonnes cases. »

Que le chose ait plus été vendue comme une comédie, en gommant l'aspect science-fiction, n'a certainement pas aidé, pas plus que la sortie au coeur de l'été (21 juillet 2004, juste avant I, RobotLe Roi Arthur ou encore Hellboy). TF1, co-producteur pour d'obscures raisons vu la nature du film, n'a sans doute pas redoublé d'efforts pour assurer la promotion, Atomik Circus, le retour de James Bataille est donc passé inaperçu.

Pour Thierry Poiraud, la présence de Vanessa Paradis et Benoît Poelvoorde, couplée avec leur CV publicitaire, a suffit aux producteurs, qui n'ont donc même pas eu conscience d'avoir entre les mains un projet pas ordinaire : « Le problème c'est que dans le système de production actuel, les gens veulent aller très vite. En fait, ils se battent tous pour avoir un nouveau Brice de Nice, un nouveau truc, un nouveau bidule qui fera bingo au box office. Là, ils se sont dit : « bon, des mecs qui font de la publicité, donc l'image va être à peu près chouette, ils ont réussi à avoir un ou deux acteurs connus comme Poelvoorde et Paradis, hop on prend le film ». Le scénario tu leur expliques mais il leur faut juste deux mots, ils ne veulent pas le lire. »

A l'époque, les frères ont beaucoup d'envies. Notamment en ce qui concerne la fin, plus longue que la version vue en salles : « Vanessa arrive, elle lui parle et il y a toutes les autres Vanessa qui arrivent. Du coup il est sûr que c'est la mauvaise qu'il a en face de lui. Il lui donne un grand coup de poing, elle tombe dans les pommes, il y a toutes les autres qui se transforment en gros monstres et lui se retrouve avec sa copine qui commence à l'engueuler. Il la prend alors dans ses bras et il se fait pourchasser par toutes les autres Vanessa et ça finit en haut d'un rocher où il se bat contre des monstres à poil orange et il y a un cut au noir où s'inscrit un « suite au prochain épisode ». Et dans la suite, Vanessa se fait enlever par les autres monstres et James Bataille se retrouve contraint d'errer dans ce nouveau monde à sa recherche et il lui arrive plein d'emmerdes. » Ils travaillent même sur un film d'aventure à la King Kong.

Depuis, les frères Poiraud ont été plus discrets. Thierry Poiraud a néanmoins continué dans le film de genre : après avoir réalisé un documentaire sur la tournée de Vanessa Paradis, il a continué en solo avec une partie de Goal of the DeadAlone et co-réalisé la série Zone Blanche

 

Photo Jean-Pierre Marielle

 

LE MEILLEUR

Comment ne pas saluer un pari aussi absurde, risqué et improbable, qui relève presque de l'accident dans le paysage francophone ? Avec son ambiance de série B américaine, sa petite ville au nom grotesque, ses personnages décalés, ses dialogues fleuris et ses percées gore et musicales, Atomik Circus, le retour de James Bataille est un petit miracle. Imparfait certes, mais miraculeux.

Il y a un peu de Jeunet et Caro, Peter Jackson et Sam Raimi dans cette odyssée surréaliste qui transpire la cinéphilie déviante, le goût pour le bricolage et les effets physiques. Avec Benoît Poelvoorde impayable en abruti ("Il est gentil mais c'est un gros con", "J'ai dû manger quelque chose de contraire, et ça m'a donné un horrible mal de cul"), Jean-Pierre Marielle parfait en vieux grincheux ("La place, je vais en trouver sur ta gueule moi pour t'en filer une de tarte") et Vanessa Paradis tour à tour ingénue et sensuelle (Le Petit vent du désert), Atomik Circus s'amuse avec les clichés, les ruptures de ton, les parenthèses absurdes.

En sales gosses un peu malin, un peu hystériques, un peu maladroits et un peu naïfs, les frères Poiraud orchestrent un cirque joyeux et loufoque, sous forme de gros pot-pourri. Atomik Circus témoigne d'un désir fougueux de faire du cinéma, de remâcher des références, de crier leur amour du septième art sous sa forme la moins noble selon le standards de la majorité. En résulte une grosse farce qui pourrait être parfaitement insipide et gratuite s'il n'y avait pas, en filigrane, une candeur et même une certaine poésie aussi niaise qu'attendrissante. Rien que la séduisante voix off (Il faisait chaud. c'est simple, les oeufs cuisaient dans le frigo") et la romance aussi niaise qu'expédiée entre les deus héros, en témoigne.

La photographie de Philippe Le Sourd (qui a commencé comme assitant du célèbre Darius Khondji, et donc justement travaillé sur La Cité des enfants perdus de Jeunet et Caro, avant d'être nommé aux Oscars pour The Grandmaster) est à ce titre superbe, créant une superbe ambiance avec ses nuages de poussières, ses raies de lumière et ses couleurs délavées. Le travail sur les bruitages, la musique des Little Rabbits, ou encore l'épilogue absurde sous forme de grand cliffhanger style La Planète des singes, contribuent à faire d'Atomik Circus une petite épopée pas comme les autres.

 

Photo

 

LE PIRE

Derrière l'amusement de voir un tel cirque avec un casting de premier plan et un budget de 16 millions (à titre de comparaison, Les Choristes, sorti la même année pour devenir un phénomène, en a coûté moins de 6), il y a l'évidence d'un film bancal et mal branlé. Coexistent de manière plus ou moins malheureuse différentes envies, qui composent un long-métrage à la bizzarerie peu harmonieuse. L'humour est rarement percutant, la musique moyennement emballante, et l'aspect science-fiction et gore, finalement trop timide pour être pleinement exploité. Les réalisateurs ne parviennent pas à réunir leurs idées et imaginaire au sein d'un tout cohérent, donnant alors l'impression désagréable d'une suite de vignettes où il faudra piocher quelque chose.

Atomik Circus traîne en longueur avant de lâcher l'apocalypse, s'offrant une nuée de scènes un peu molles jusqu'au climax. Il n'y a qu'un gros quart d'heure qui répond au pari d'une comédie avec des aliens à tentacules qui rêve des étoiles. Sans parler de la mise en scène des frères Poiraud : s'ils sont doués pour installer une ambiance et créer un univers cinématographique alléchant, leur caméra s'emballe dès que l'action commence. D'où des séquences d'action illisibles.

Le film attire donc la sympathie de par ses ambitions, mais difficile de réellement crier au génie face à l'écran, surtout à la deuxième vision. 

 

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Tout savoir sur Atomik Circus - Le retour de James Bataille

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commentaires
jackthenipper
11/12/2017 à 22:07

Du métal-hurlant,du vrai pas comme la série !!!

Birdy
11/12/2017 à 13:44

L'un de mes pires souvenirs de cinéphile. J'ai tenu la moitié. Dès la voix off interminable du début, tu te dis que ça va être loooooooooong... Et j'adore le Big Lebowski, mais ça fait pas de ce "truc" un chef d'oeuvre...

Euh!
10/12/2017 à 23:29

Vu à l'époque au ciné aussi!
J'avais grave kiffé tellement c'etait barré et bien foutu!
C'est vrai qu'on se demande encore comment un film comme ça a pu voir le jour ds le paysage cinématographique français.
Une vraie bouffé d'air pure!
A lalala si Zack avait eu cette liberté d'action sur sa trilogie DC. (ouais dsl d'en reparler ici mais bon c'est tellement horrible ce qu'il s'est passé sur JL)

snake88
10/12/2017 à 19:19

Une proposition de cinéma unique en France ! Je l'avais vu au ciné et je me souviens que j'avais trouvé ça complètement WTF ^^

maxleresistant
10/12/2017 à 17:06

Je l'avais vu au ciné, vraiment barré ce film.

Mention spéciale à la blague des mexicains du nord XD