Un Doigt dans le Culte : Cannibal ! The musical, le délire gore des créateurs de South Park

Christophe Foltzer | 19 mars 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 19 mars 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avec Un Doigt dans le Culte, la rédaction profite de son temps libre, de son salaire mirobolant et de sa mégalomanie galopante pour partager avec vous des œuvres importantes, cultes, adorées, en dehors de toute actualité. Films, séries, livres, bandes-dessinées, sculptures en crottes de nez, tout va y passer. Profitant de la sortie de Grave dans nos salles, il était plus que temps que l'on se penche sur l'exceptionnel Cannibal ! The Musical.

Et Cannibal ! The Musical, cela fait quand même des années qu'on veut vous en parler sans jamais trouver le bon moment pour le faire. Alors maintenant qu'on en a l'occasion, on ne va pas se gêner. Et on préfère vous prévenir tout de suite, les images qui parcourent cet article ne sont pas d'une grande qualité. Tout simplement parce que le film est très ancien, qu'il est sorti uniquement en DVD chez nous (épuisé depuis) et que les différents masters proposés ne sont pas au top. Ceci étant dit, préparez-vous à embarquer pour une épopée Shpadoinkle !

 

Affiche

 

I THINK IT'S A SPHADOINKLE DAY !

Sorti aux Etats-Unis en 1993, Cannibal ! The Musical est le premier film de Trey Parker et Matt Stone, les créateurs de la série South Park et en comporte déjà bien des éléments. Un goût prononcé pour l'humour trash, les numéros musicaux efficaces et entrainants, les situations absurdes et la critique virulente des conventions sociales américaines jugées ici comme hypocrites. Le film s'inspire, tout comme l'excellent Vorace, d'une histoire bien réelle et tragique : l'affaire Alfred Packer. 

Packer, dont son prénom est parfois orthographié Alferd, suite, si l'on en croit la légende, à un tatouage que l'homme se serait fait faire et qui aurait contenu cette petite erreur, est en effet le premier américain à avoir été condamné pour acte de cannibalisme sur le territoire Yankee suite à l'échec d'une expédition en 1873 dans les montagnes rocheuses du Colodaro où, accompagné de 4 hommes, Packer s'est fait piéger par un hiver particulièrement rude. Affamé, Packer aurait ainsi dévoré ses compagnons de route avant de se faire arrêter, puis de s'évader pour se faire prendre à nouveau et condamné à mort, avant que sa peine ne soit commué en 40 années de prison. Une affaire extrêmement sensible à l'époque et restée célèbre aujourd'hui parce que personne n'a réussi à déterminer si oui ou non l'accusé avait bel et bien tué ses compagnons pour survivre où s'il avait consommé leur cadavre suite à une mort naturelle. La petite ironie étant qu'une fois en prison, Packer serait devenu végétarien mais en 2017, le doute sur sa culpabilité subsiste toujours.

 

Photo Cannibal the Musical

 

TROMA

Qui d'autre pouvait, au début des années 90, financer un tel projet que la société Troma, fondée par les deux tarés que sont Lloyd Kaufman et Michael Herz ? Tandis que Trey Parker et Matt Stone ne sont encore personne et qu'ils n'ont réalisé que deux courts-métrages, le duo Troma les prend sous son aile en leur permettant de participer à certaines de leurs productions avant de leur confier les rênes de leur premier long-métrage, d'abord intitulé Alferd Packer : The Musical. Sous l'impulsion de Kaufman, Parker acceptera de changer le titre en Cannibal ! The Musical puisqu'hormis les habitants du Colorado, personne ne savait qui était Packer.  

Fidèle à lui-même, Trey Parker occupe différents postes, entouré de ses amis : scénariste, réalisateur, acteur, producteur, compositeur, il montre déjà une tendance à vouloir contrôler tous les aspects de ses productions pour être sûr qu'au final elles lui ressemblent. Et tant mieux, puisque c'est ainsi que, dès son premier film, il impose son style. Chez lui, Alfred Packer n'est plus un dangereux cannibale (bien qu'il soit montré ainsi dans le prologue) mais un abruti de première, innocent et naïf, victime des circonstances, qui partage un rapport privilégié avec son cheval et se retrouve guide d'une expédition de cinq pionniers prêts à affronter malgré les avertissements d'un indien qui lui conseille d'attendre le printemps. Benêt et le coeur sur la main, Packer ne sait pas dire et s'engage vers son funeste destin.

Tout le film est construit en flashbacks, sur le mode de Citizen Kane. Nous assistons ainsi au procès du suspect qui raconte à une journaliste ce qui s'est passé par le biais de flashbacks agrémentés de différents numéros musicaux. Car, Cannibal ! The Musical est avant tout une vraie comédie musicale qui répond à tous les codes du genre : la chanson où le héros fait part au public de ses rêves, limité par sa condition, la chanson d'amour (avec son cheval donc), le supportive cast qui entonne un chant bien viril. Nous sommes à Broadway. Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard puisque des années après sa sortie, le film a effectivement été adapté sur les planches, avec succès bien entendu.

 

Photo Cannibal the Musical

 

Mais Cannibal ! The Musical est drôle, très drôle et très méchant. C'est avant tout l'occasion pour Trey Parker et Matt Stone de proposer un véritable brulôt libertaire et subversif dissimulé sous des douces mélodies, parcouru de fulgurances gores, pour renvoyer à la face de l'establishment son hypocrisie et sa bienpensance. Chez eux, Packer est l'idiot utile, le bouc-émissaire sur lequel on va se défouler pour se débarrasser de notre mauvaise conscience, l'être étrange qui ne respecte pas le contrat social et qui, s'il restait en liberté, mettrait en péril la société abrutissante et conditionnée. Sous ses atours de délire gore, musical et stupide, Cannibal ! The Musical est une véritable attaque en règle des institutions, méchante et violente, dynamitant toutes les leçons que nous avons sagement appris sans jamais les remettre en question et nous invite, l'air de rien, à essayer de regarder au-delà des apparences. Ainsi, dès le départ, les créateurs de South Park nous indiquent que ce monde n'est pas pour les sales gosses et qui même si l'on se fait avoir au bout du compte, ce n'est pas une raison pour transformer ce que l'on est. Nous avons le droit d'êtres cons, rêveurs ou fleur bleue, en dépit des autres qui ne l'acceptent pas et la véritable humanité se trouverait peut-être dans cette richesse originale hors norme qui ne pourrait que s'écraser contre le cadre rigide d'une société trop formatée et repliée sur elle-même.

 

 

LA MELODIE DU BONHEUR

On le voit, South Park ne vient donc pas de nulle part, Trey Parker et Matt Stone y sont venus naturellement et on les en remercie. On les aime d'autant plus qu'ils nous ont offert avec Cannibal ! The Musical un moment de folie pure, diablement rigolo, loin d'être parfait certes et qui connait quand même quelques grosses baisses de rythme mais tellement sincère et honnête qu'il remporte l'adhésion. Inconnu du grand public, Cannibal ! The Musical est l'exemple-même du film culte que seule une poignée "d'élus" connaissait et aimait jusqu'à présent. 

Et vous voulez savoir la bonne nouvelle dans tout ça ? Troma a mis en ligne une partie de son catalogue en accès libre sur Youtube il y a quelques années et Cannibal ! The Musical en faisait évidemment partie. Donc vous pouvez voir le film, dans une qualité moyenne et sans sous-titres certes, mais comme l'édition DVD française est épuisée depuis fort longtemps et qu'elle ne semble pas devoir connaitre de nouveau pressage, c'est le seul moyen de voir le film aujourd'hui.

Et comme on ne pouvait pas faire autrement, vous le trouverez dans son intégralité juste à la fin de ce paragraphe.

 

 

RETROUVEZ TOUS LES DOIGTS DANS LE CULTE PAR ICI

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.