Indiana Jones : retour sur une légende - Première partie

Thomas Messias | 21 mai 2008
Thomas Messias | 21 mai 2008

 

18 ans après… le titre était déjà pris par Dumas, mais aurait parfaitement collé au principe de cet Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal, quatrième volet des aventures de l'archéologue le plus célèbre de la planète, et conclusion d'une épopée ayant duré près de trente ans. Conclusion ? C'est du moins ce qu'on croyait jusqu'à ce que George Lucas annonce ses peu louables intentions de consacrer de nouveaux films au personnage de Mutt Williams, fiston de Jones incarné à l'écran par Shia LaBeouf. Il n'empêche : dans le cœur des vrais fans d'Indy, Indiana Jones est et restera une tétralogie.

 

 

 

 

Indiana Jones est l'une des rares sagas à pouvoir rassembler, au moins quelques heures durant, les fans d'Andrei Tarkovski et ceux de Michael Bay (bien que l'on puisse évidemment appartenir à ces deux catégories). Une virée iconoclaste et mal élevée au cœur des endroits les plus reculés du monde. Un cours de géopolitique au schématisme assumé. Une promenade familiale à la fois confortable et chaotique. Et surtout, une déclaration d'amour au septième art qui emporte avec elle les cœurs de tous les spectateurs (vous en connaissez beaucoup, des gens qui N'AIMENT PAS Indiana Jones ? Un peu de bon sens, voyons).

 

Indy 4 débarque sous le signe du coup de vieux. Indiana est désormais un papy, et Harrison Ford est plus vieux que ne l'était Sean Connery (mémorable papa Jones) dans Indiana Jones et la dernière croisade. De même, selon son âge, le spectateur a eu le temps d'user ses fonds de culotte, de faire sa crise d'adolescence, ou de donner naissance à des marmots auxquels il a montré la trilogie (peut-être pas Indiana Jones et le temple maudit, son cœur arraché et ses crânes de singes). Jamais vraiment absent, Indy a accompagné nos vies, au rythme d'une diffusion télévisuelle par an et d'un tas de coffrets rétrospectifs (VHS, LD puis DVD). Et les moins de 77 ans se rueront sans aucun doute sur ce quatrième volet en forme de jubilé. Tout cela valait bien un bilan des trente dernières années de la vie d'Indiana Jones.

 

 

 

 

On ne reviendra pas en détail sur la naissance du personnage, relatée dans notre dossier Chronique d'un triomphe annoncé. En revanche, il y a mille et unes choses plus ou moins futiles et plus ou moins connues à raconter à propos des films, des personnages et des multiples à-côtés de ce qui est devenu une institution. Pas à pas, retour sur un mythe.

 

 

Le casting

 

Harrison Ford n'était pas le premier choix pour joue Indy. S'il constituait le premier choix de Steven Spielberg, George Lucas n'était pas de cet avis, estimant avoir fait le tour d'un acteur qu'il avait déjà fait tourner dans American Graffiti et les deux premiers Star wars (c'est-à-dire les épisodes IV et V). Sur la liste des acteurs envisagés, on trouve Peter Coyote, Tim Matheson, John Shea et… Tom Selleck. Le fameux moustachu était de loin le favori de Lucas, mais un concours de circonstances le poussa à décliner le rôle. En effet, Selleck avait tourné quelques mois plus tôt le pilote d'une série nommé Magnum, et c'est pendant le casting des Aventuriers de l'arche perdue qu'il apprit que CBS avait finalement retenu le projet et commandé une saison entière. Déjà engagé sur Magnum, il dut donc décliner une proposition pourtant alléchante. Mais l'histoire ne s'arrête pas là : une grève des acteurs empêcha la série de se tourner aux dates prévues, ce qui fait que Selleck aurait finalement été libre pour tourner sous la direction de Spielberg. Trop tard : entre temps, Lucas avait cédé et accepté d'engager un Ford alors âgé de 39 ans.

 

 

Côté seconds rôles aussi, il y eut du mouvement. Le casting pour le rôle de Marion Ravenhood (Jones-girl du premier épisode, qui effectue son grand retour dans le nouveau film) se déroula dans les cuisines de LucasFilms, les actrices auditionnées le matin étant invitées à préparer le repas pour l'ensemble des comédiennes castées. Parmi elles, Sean Young, Debra Winger et Amy Irving. Cette dernière fut le premier choix de Spielberg, mais dut finalement renoncer pour incompatibilité d'emplois du temps. Idem pour Winger. C'est alors que Spielberg eut une révélation en regardant le National Lampoon (troupe comique) à la télévision : une certaine Karen Allen s'y distinguait par son tonus et sa drôlerie. Pour l'audition, Lucas et Spielberg firent appel à Tim Matheson et John Shea (finalement pas retenus pour le rôle d'Indy). Elle fut engagée peu après.

 

 

 

 

D'autres acteurs un temps envisagés pour participer à l'aventure. Danny DeVito pour jouer Sallah, mais il était trop cher (pour la plus grande joie de John Rhys-Davies). Giancarlo Giannini et surtout Jacques Dutronc pour le rôle de Belloq (le Français, pas du tout anglophone et peu amène à l'idée d'apprendre une langue étrangère, refusa tout net). Quant à Sharon Stone, elle faisait partie des comédiennes envisagées pour incarner l'agaçante Willie Scott (Jones-girl du deuxième film). Mais Kate Capshaw tapa dans l'œil de Spielberg, qui finit même par l'épouser. L'amour est souvent plus fort que tous les castings. Stone crut se rattraper en interprétant la fidèle compagne d'Allan Quatermain aux côtés de Richard Chamberlain. Raté. Enfin, Klaus Kinski a révélé dans son autobiographie qu'il avait été contacté pour jouer un officier nazi. « J'aurais été ravi de tourner avec Spielberg, mais le scénario était si merdique que j'ai dû refuser ». Très classe.

 

 

 
 

 

 

 

De l'importance d'un bon MacGuffin

 

Considéré comme le roi du MacGuffin, Alfred Hitchcock en livrait cette définition dans les fameux entretiens accordés à François Truffaut : « C'est un biais, un truc, une combine. (…) Des "papiers" ou des "secrets" qui doivent être très importants pour les personnages du film mais pas pour le narrateur. » Lucas et Spielberg ont plus ou moins repris cette définition pour chacun des quatre films. On se fiche bien qu'Indiana Jones trouve la vie éternelle en buvant dans le Saint Graal. En revanche, on n'a pas spécialement envie qu'il y passe en se trompant de coupe (toute erreur étant fatale). Plus que jamais, ce n'est pas la récompense au bout du chemin qui compte, mais chaque étape et obstacle de celui-ci.

 

Tout commence avec l'Arche d'Alliance, décrite dans la Bible comme le réceptacle des tablettes des dix commandements, et donc comme la source de la présence de Dieu sur Terre. Rien que ça. Sous ses airs de grand divertissement familial, Les aventuriers de l'arche perdue dénonce l'extrémisme bêtifiant des fous de Dieu : quel objet pouvait mieux cristalliser la fascination de tous les archéologues et de tous les croyants du monde ? L'idée de l'Arche est due à Philip Kaufman (scénariste du film), dont le dentiste aimait parler de ce genre de mythe tout en maniant la fraise et la roulette. Un choix qui concorde parfaitement avec l'irruption des nazis dans cette histoire, Hitler ayant longtemps été obsédé à l'idée de dénicher ce genre d'icônes afin d'être à son tour considéré comme un dieu vivant. À l'écran, l'Arche est en tout cas le MacGuffin parfait, aussi mystérieuse que dangereuse, occupant l'esprit de tous les protagonistes sans pour autant écraser le film.

 

 

 

 

Forcément, il est difficile de faire MacGuffin plus parfait que cette fameuse Arche. Spielberg et Lucas ont donc revu leurs ambitions légèrement à la baisse, choisissant quelques pierres maléfiques pour être au centre des convoitises des personnages du Temple maudit. Cinq cailloux qui, réunis, donnent à son possesseur une puissance démultipliée et l'assurance de dominer le monde. Pas mal quand même. Rien n'y fait : les pierres de Sankara sont moins fascinantes que l'Arche d'Alliance et ne suscitent pas la même excitation. Même si l'on tremble toujours à l'idée qu'Indiana meure pour elles. Avec le recul, George Lucas lui-même juge ce choix un peu trop « ésotérique » à son goût.

 

 

 

 

Retour en force avec le Saint Graal, d'autant plus efficace qu'il est connu de tous avant même d'être évoqué dans le film. Des cours d'histoire aux Monty Python, qui n'a pas entendu parler de cette coupe sacrée est un ermite ou un inculte. En revanche, les Ecritures n'ont jamais mentionné l'immortalité comme l'un des apports du graal : ce n'est que pure invention de la part des scénaristes. D'où l'aspect un peu artificiel de la quête des Jones, qu'on ne sent que moyennement concernés par ces enjeux qui les dépassent. Stupéfiant aveu de Lucas à propos de ce choix : « Nous n'avions rien d'autre. C'était un peu faible, et c'est d'ailleurs parce que je craignais de ne pas pouvoir remplir un film entier avec le Graal que nous avons décidé de faire apparaître le père d'Indy. La relation père-fils devient alors le moteur de la quête. » Finalement, le vrai MacGuffin ici, c'est la reconnaissance paternelle après laquelle Indy court depuis son enfance. Voilà sans doute pourquoi Indiana Jones et la dernière croisade est le plus touchant des films de la saga.

 

 

 

 

Une fois encore, difficile de faire toujours mieux. Et pourquoi pas un crâne de cristal planqué au fin fond de l'Amérique Latine, un genre de relique aux pouvoirs psychiques avérés, à la façon des sept boules de cristal chères à Tintin ? Pourquoi pas, oui. Il semble en tout cas que ce MacGuffin-là soit loin d'être le plus passionnant des quatre. Lucas trouvait les pierres d'Indiana Jones et le temple maudit trop ésotériques, mais il semble pourtant avoir remis ça. Mais une fois de plus, qu'importe : l'important n'est pas tant ce crâne de cristal que la folie furieuse qu'il va susciter. Dans le film et dans les salles…

 

 

 

 

 

Naissance d'un look

 

C'est la costumière Deborah Nadoolman qui est à l'origine du look d'Indy. Reconduite par Spielberg après lui avoir donné satisfaction sur 1941, elle affirme avoir donné au personnage toute son identité visuelle, même si le réalisateur a tenu à lui montrer Le secret des incas (film de 1954 avec Charlton Heston, voir l'affiche ci-dessous) afin de lui faire comprendre ce qu'il souhaitait. Le look d'Indiana s'inspire donc en grande partie de celui du Harry Steele joué par Heston, à ceci près que Jones est plus héroïque et plus fantasque, d'où un costume un peu moins guindé. Chapeau en feutre mou (mais pas trop, pour ne pas cacher les yeux de Harrison Ford), parcimonieusement teinté avec du ketchup pour lui donner l'air usé et taché. Veste en cuir portée pendant quinze jours non stop par la costumière herself pour l'user un peu. Couleurs ternes pour coller au désir du personnage de passer inaperçu partout où il passe (souvent un peu vain).

 

 

 

 

Le fouet, le chapeau et la veste sont trois des éléments irrémédiablement liés au personnage. À tel point que Spielberg et Lucas se sont amusés à jouer de ces détails : d'abord dans la scène d'ouverture de La dernière croisade (où l'on découvre qu'un usage maladroit du fouet peut provoquer des cicatrices irréversibles), mais également tout au long des films. En effet, au gré des multiples poursuites et bagarres dans lesquelles il se trouve impliqué, Indiana parvient toujours à conserver son chapeau. Et lorsqu'il le perd (comme lors de sa chute dans le ravin dans le troisième film), celui-ci réapparaît comme par magie. Clin d'œil avéré aux héros mâles des années 40 qui ne se séparaient jamais de leur couvre-chef, même dans les situations les plus extrêmes. Mais comme il est parfois difficile de ne pas perdre son chapeau, Harrison Ford affirme qu'il se l'est « agrafé » sur le crâne pendant la scène du tank. Difficile à croire.

 

 

 

 

 

Anecdotes express

 

Dans la dernière version du scénario des Aventuriers de l'arche perdue, Indiana Jones aurait dû s'appeler Indiana Smith. Il fut rebaptisé le premier jour du tournage.

 

Les fameux crânes de signe d'Indiana Jones et le temple maudit sont en fait remplis d'un mélange de crème anglaise et de coulis de framboises.

 

 

 

 

Pendant le tournage de la scène du Zeppelin d'Indiana Jones et la dernière croisade, ni Harrison Ford ni Sean Connery ne portaient de pantalon. La faute à une température bien trop élevée. Dommage qu'il n'y ait pas de plans larges.

 

Sur Les aventuriers de l'arche perdue, pour se détendre entre deux journées de tournage, Spielberg et Melissa Mathison (scénariste, présente sur le plateau en tant que madame Ford) écrivaient tranquillement le script d'un petit film nommé E.T.

 

Sur le tournage des Aventuriers, Ford s'est froissé plusieurs côtes et déchiré les ligaments du genou. Sur Le temple maudit, il s'est sérieusement blessé au coccyx au cours du tournage d'une scène de combat contre un ours, finalement coupée au montage. Rien à signaler sur La dernière croisade.

 

(to be continued)

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