La mort d'Indiana Jones : le (mauvais) film abandonné qu'on ne verra jamais

Après Les Aventuriers de l'arche perdue et Indiana Jones et le Temple maudit et à la place d'Indiana Jones et la dernière croisade, Indiana Jones aurait pu vivre une aventure étonnante en Afrique... où il mourait.

Indiana Jones 5 alias Indiana Jones et le Cadran de la Destinée est la fin de la saga pour le héros incarné par Harrison Ford, qui a déjà bien tiré sur la corde. Indiana Jones était dès le départ conçu comme une trilogie, et Indiana Jones 4 et Indiana Jones 5 sont donc des bonus, preuves de la popularité folle de la saga. 

Et sur la route du succès, plusieurs idées ont été abandonnées. Indiana Jones dans une vallée perdue avec des dinosaures, Indiana Jones contre des fantômes dans un manoir hanté... et Indiana Jones en Afrique, contre le Monkey King. Retour sur cette suite où il devait mourir (sauf que...), et qui a vraiment failli être Indiana Jones 3 à la place de La Dernière Croisade.

INDIANA JONES sous inspiration chinoise

Tout le monde le sait : Spielberg n'aime pas Indiana Jones et le Temple maudit, qu'il trouve beaucoup trop sombre et noir (il a le droit d'avoir tort oui). Le réalisateur était donc particulièrement investi dans le développement d'Indiana Jones 3, pour rectifier le tir.

L'idée d'une maison hantée avait été évoquée pour le deuxième film, et Spielberg l'avait refusée. Il voulait éviter toute comparaison avec Poltergeist qu'il venait de produire, co-écrire, voire réaliser avec/à la place de Tobe Hooper. Lucas l'a ressortie pour le troisième film, cette fois en scène d'intro.

George Lucas avait surtout une autre idée en tête, déjà évoquée pour le deuxième film : Indiana Jones en Afrique, sur la piste d'une sorte de fontaine de Jouvence. Elle a été remise sur la table dès la sortie d'Indiana Jones et le temple maudit en 1984, et le père de Star Wars avait déjà un titre : Indiana Jones and the Monkey King, inspiré par le roman de Wu Cheng-en.

Après avoir écrit un traitement d'une dizaine de pages, il a engagé Chris Columbus (scénariste de Gremlins et Les Goonies, donc déjà dans la bande de Spielberg) pour écrire le scénario. Et si cette histoire a finalement été abandonnée, elle était suffisamment avancée pour que tout le monde y croie.

Indiana en Inde

AFRICAN KING

Indiana Jones and the Monkey King commençait en 1937 (un an après le premier film et deux ans après Le Temple maudit donc), avec Indiana Jones qui affronte le "fantôme" d'un baron écossais, afin de résoudre une série de meurtres atroces dans un petit village. Le tout dans une ambiance horrifique gothique, avec un château rempli de pièges et autres rencontres inattendues.

Suite à cette intro à la Scooby-Doo, il retrouve son cher Marcus Brody, qui veut lui annoncer une nouvelle de la plus haute importance. Il lui reparle d'une de ses vieilles obsessions : Sun Wu Kung alias Monkey King, un mythique être mi-homme mi-singe. Le héros ne veut plus en entendre parler après avoir passé deux années à courir après ce rêve en Chine puis en Inde, frôlant la mort et provoquant celles de plusieurs compagnons de route. Il a fait une croix dessus.

Indy et son fidèle Marcus

Mais Marcus lui montre une vidéo filmée en Afrique, et qui change tout : on y voit la célèbre zoologiste Clare Clarke qui communique avec Tyki, un pygmée de 1m20. La scientifique vient de découvrir Tyki, qui semble sortir de nulle part... et elle pense qu'il vient de la civilisation perdue de Wu Kung. Pourquoi ? Parce qu'il parle une langue inconnue, porte un collier avec une pêche comme celle du mythique Jardin des Pêches Immortelles... et parce qu'il est âgé de 200 ans.

Indiana Jones a de sérieux doutes, mais finit par se laisser tenter. D'autant que Clare Clarke veut se lancer dans une expédition pour retrouver la cité perdue, et fait appel au célèbre archéologue pour l'aider. Le voilà donc parti au Mozambique, où il retrouve son vieil ami Scraggy Bear pour partir dans la quête des pêches magiques.

Quand on dit pygmée, on pense Beetlejuice désolé

le retour des nazis

Autre personnage présent dans l'aventure : l'étudiante-assistante d'Indiana Jones, Betsy, follement amoureuse de son professeur (qui a tout de même couché avec elle, ce qui n'a pas dû aider). Désespérée quand il annonce son voyage en Afrique, au point de parler de suicide, elle se cache pour le suivre. Sur place, il y a des étincelles entre Clare Clarke et la jeune femme, convaincue d'être la petite amie d'Indy. Il y avait aussi un chimpanzé nommé Bonzo, appartenant à Clare.

Bien sûr, les nazis étaient de retour. Et il y avait un Allemand pas comme les autres, le bras droit du chef Mephisto : Gutterbuhg, doté d'un bras mécanique qui se transforme en arme pour électrocuter ses ennemis (Spielberg avait déjà l'idée d'un bras métallique pour Toht dans Les Aventuriers de l'arche perdue).

À la poursuite de Tyki capturé par les nazis, Indiana Jones faisait également alliance avec des pirates, menés par Kezure. Toute l'aventure se déroulait en Afrique, notamment autour d'un fleuve, le Zambèze.

À la place, Toht a eu ça

JONES ET LA Pêche géante

Après une bataille entre un tank (pour les nazis) et un rhinocéros (pour Indy, qu'il a transformé en monture), tout le monde arrivait à la cité, laquelle abrite le Jardin des Pêches Immortelles (ça sonne beaucoup mieux en anglais : Garden of Immortal Peaches).

Ils découvraient que Tyki était le prince de cette cité luxuriante, qui déborde d'or (les pavés, les murs, les escaliers, les outils), et où vivent paisiblement plein de pygmées. Le père de Tyki, le roi Bohbala, accueillait les gentils étrangers avant d'être tué par Gutterbuhg avec son bras diabolique. Et selon les règles, celui qui tue le roi devient le nouveau chef de la cité.

Indiana Jones observait ainsi une scène cauchemardesque : tous les pygmées faisaient le salut nazi, pour suivre leur nouveau leader.

La seule image qui peut aider à imaginer Gutterbuhg 

L'aventure continuait dans un immense Colisée, où Indiana Jones était jeté pour affronter des animaux sauvages, comme un gladiateur. Mais Gutterbuhg était blessé et Scraggy récupérait son bras pour reprendre le contrôle de la foule. D'un coup, les nazis redevaient les ennemis de la cité.

Le groupe était ensuite aidé par les gorilles de la cité, qui prenaient même le contrôle d'un tank pour affronter les nazis... en enfilant des costumes de nazis. Oui oui, vous avez bien lu.

Indiana Jones affrontait enfin Mephisto, le chef nazi, qui finissait bouffé par des tigres. Mais le héros était gravement blessé, et il ne survivait pas à la bataille.

Vraie fausse mort

Indy est mort, vive indy

Le groupe trouvait finalement la tombe de Sun Wu Kung au pied d'un immense pêcher. Commençait alors une scène étonnante, avec un squelette qui se relève, les gorilles qui se rassemblent et se transforment autour de la tombe, jusqu'à reformer le corps du Monkey King. Le Roi mythique apparaissait alors devant les personnages, mi-humain mi-singe. Et il parlait anglais, mais apparemment c'est logique puisque c'est un dieu, et un dieu est compris par tout le monde.

Il ressuscitait les pygmées tués par les nazis grâce à la magie des pêches, et ramenait également à la vie Indiana Jones. Le Monkey King lui expliquait qu'il l'observait depuis des années, et saluait sa bravoure. Il lui offrait aussi un bâton/branche magique, parce que pourquoi pas.

Tarzan (version nulle)

Le pirate Kezure dévorait une pêche volée dans le jardin, et mourait dans d'atroces souffrances jusqu'à être réduit à un squelette. Pourquoi ? Parce qu'il faut un cœur pur pour manger ces fruits magiques.

À la fin, Betsy décidait de rester avec Clare, qu'elle trouvait bien meilleure qu'Indy, afin de se concentrer sur sa carrière. Et quand le héros essayait finalement d'embrasser Clare, celle-ci s'écartait pour qu'il roule une pelle au chimpanzé.

Et si Clare récupérait la branche magique malencontreusement oubliée par Indy, l'objet se transformait en aigle doré pendant la nuit, et disparaissait dans le ciel.

C'est The Fountain

trop de magie

Comme toujours sur de tels films, il y a eu plusieurs versions et changements. Le personnage de Betsy a notamment été enlevé, un nouveau méchant a été ajouté (Dash, un patron de bar qui s'allie avec les nazis). Le Monkey King a été transformé en ennemi, qui forçait Indiana Jones et Dash à faire une partie d'échecs grandeur nature, avec des êtres humains désintégrés au fur et à mesure. Il y avait aussi une armée de morts-vivants.

Mais Steven Spielberg et George Lucas ont fini par tout stopper, alors même que la recherche de décors en Afrique avait commencé. Ils n'étaient pas satisfaits par le scénario, qui devenait de plus en plus fantaisiste, et ils avaient également un problème avec le potentiel raciste de cette aventure africaine. Spielberg étant fan de Tintin, possible qu'il ait eu une certaine aventure du héros de Hergé en tête.

George Lucas expliquait à The Bearded Trio en 2020 : "Essentiellement, c'était la question du surnaturel, Steven et moi on se demandait continuellement à quel point ça devait être crédible. The Monkey King a beaucoup de pouvoirs surnaturels. Finalement on a juste abandonné et recommencé. C'était vraiment un bon scénario. C'était juste un peu moins réaliste que ce à quoi on s'était habitués".

La mort de Donovan dans La Dernière croisade

Le duo est alors parti dans une autre direction, en reprenant une envie précédente de Lucas (le Graal) avec une nouvelle idée de Spielberg : le père d'Indiana Jones. Ainsi est né Indiana Jones et la dernière croisade, qui a d'ailleurs quelques ressemblances avec le Monkey King : l'obsession d'Indy pour le Monkey King, comme celle de son père pour le Graal ; l'idée de l'immortalité ; le personnage qui meurt en "consommant" de la mauvaise manière cette source de vie ; Indy qui fuit une horde d'étudiantes folles de lui, ce qui rappelle Betsy ; ou même le héros qui évite de très près la mort après un combat contre un grand méchant nazi.

Possible aussi de trouver quelques ressemblances avec Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal : les singes, l'expédition vers une cité perdue et le peuple local qui y vit, et la rencontre avec un être proche d'un dieu (puisqu'on vous dit que ce n’est pas un alien mais un "être interdimensionnel", copyright George Lucas). Chez Indiana Jones comme ailleurs, rien ne se perd, tout se recycle.