Hanna : c'est la meilleure BO du monde (parce que The Chemical Brothers)

Geoffrey Crété | 12 juin 2022 - MAJ : 12/06/2022 19:55
Geoffrey Crété | 12 juin 2022 - MAJ : 12/06/2022 19:55

La BO du super film Hanna, composée par The Chemical Brothers, est un petit bijou.

Tout le monde ou presque a oublié ce film d'action réalisé par Joe Wright (Orgueil et préjugés, Les Heures sombres, Pan), où Saoirse Ronan est une enfant prodige de la castagne, éduquée par Eric Bana, et qui affronte Cate Blanchett en grand méchant loup de la CIA.

Sorti en 2011, Hanna a pourtant rencontré un modeste succès (budget d'environ 30 millions, et 65 millions au box-office), et même donné lieu à une série sur Amazon Prime.

Parmi les nombreuses raisons de revoir et toujours plus aimer Hanna : la musique, composée par The Chemical Brothers.

 

Hanna : photo, Saoirse RonanQuand quelqu'un te dit qu'il ne connaît pas Hanna

 

chemical bromance

Pour tous les gens ayant un minimum de bon goût, The Chemical Brothers rime avec The Dust Brothers (leur premier nom), et surtout avec des musiques comme Life is Sweet, Setting Sun, Block Rockin' Beats, Galaxy Bounce, Star Guitar, Galvanize, Hey Boy Hey Girl, Believe, Go ou encore Wide Open. Né à la fin des années 80, le duo électro formé par Tom Rowlands et Ed Simons est devenu incontournable dans les années 90.

Avant même de squatter les BO de nombreux films et séries (Lara Croft : Tomb Raider, Heroes, Skins, xXx, Vanilla Sky...)., les Chemical Brothers entretenaient un lien évident avec le cinéma, dès leurs clips. Spike Jonze a réalisé celui d'Elektrobank en 1997 (avec Sofia Coppola dans le rôle de la gymnaste), juste avant d'exploser au cinéma avec son premier film, Dans la peau de John Malkovich. En 1999, Michel Gondry transforme leurs titres Let Forever Be et Star Guitar en gigantesques trips, qui annoncent ses longs-métrages à venir. Ils se retrouveront des années après, pour les clips de Go et Got To Keep On en 2015.

Et même sans parler de noms du cinéma, leurs clips, notamment ceux réalisés par leurs fidèles Dom & Nic, débordent d'inventivité, d'idées et d'images mémorables - au hasard, le pauvre homme poursuivi par un robot géant dans Believe.

 

Michel Gondry : photoLa Science des futurs rêves

 

Comment The Chemical Brothers sont-ils arrivés sur la BO d'un film d'action du réalisateur d'Orgueil et préjugés ? Joe Wright racontait à Birthmoviesdeath en 2011 : "Je les connais depuis 1992. J'ai été à une soirée au-dessus d'un magasin de chaussures à Londres et c'était la première fois pour eux à Londres. Je suis pote avec eux depuis 19 ou 20 ans maintenant, ce qui est terrifiant, donc on se connaît bien".

La musique s'est construite en même temps que le film, du début à la fin : "Avant le tournage, je leur ai demandé de composer quelques morceaux. L'un d'eux était ce thème de Blanche-Neige en version un peu striptease, pour le club. Je leur ai dit que je voulais un thème de conte de fées tordu, qui pourrait être sifflé par les méchants pendant le film plus tard. Je leur ai donné quelques éléments et idées. Une fois qu'on avait ces morceaux, on les passait pendant qu'on tournait, sur un gros système de son, et je passais leurs albums pour donner un rythme. (...) Pendant la post-production, je leur envoyais le premier montage d'une scène, ils m'envoyaient un morceau, je recoupais le morceau, je leur renvoyais, donc il y avait toujours un dialogue entre nous".

 

Cate Blanchett : HannaLe grand méchant loup du film

 

En somme : tout a été très simple, et tout est simplement parfait puisque la musique et le film n'ont fait qu'un.

C'est d'autant plus beau que cette méthode reste extraordinaire. La norme à Hollywood est de travailler avec une musique temporaire (souvent des morceaux de BO très connues et aimées), plaquée pendant le montage pour aider à le peaufiner. Ce n'est que dans un deuxième temps que la vraie BO est travaillée et utilisée... pour parfois souffrir précisément de la BO temporaire, à laquelle le réalisateur a pu s'attacher.

 

Hanna : Photo Saoirse RonanLe vrai prédateur du film

 

hanna-bim

Hanna est par conséquent un merveilleux exemple de synergie parfaite (et parfaitement cool) entre cinéma et musique, image et son, mise en scène et composition. Le film prend des airs d'immense chorégraphie et petit opéra de la castagne, qui alterne entre les basses typiques des Chemical Brothers et le thème digne d'un conte de fées tordu.

Un exemple de total plaisir : la scène d'interrogatoire qui vire au massacre. Tout le monde sait que ça va mal se terminer, et tout est une question de crescendo. Hanna est en place, l'équipe arrive pour la neutraliser, les agents s'excitent peu à peu, la tension monte, et donc, la musique arrive. Le coup d'envoi est donné par l'ouverture du sas, avec cette poignée qui tourne et tourne comme un vinyl... avant de s'arrêter, et lancer la piste suivante - celle du massacre.

La suite est un jeu de contrastes : entre la musique et les silences, entre la violence froide de l'héroïne et les basses des Chemical Brothers. Le rythme devient celui de Hanna, parfaitement détendue et à l'aise dans cette petite guerre, et qui n'a besoin que de quelques bouffées d'air pour exécuter ses ennemis. C'est un pur shot de plaisir des sens, à la frontière entre le clip et le cinéma, et qui annonce la couleur.

 

 

Bana-baffles

Autre scène, autre affaire, avec Eric Bana qui distribue les baffes cette fois. Le mentor de l'héroïne marche sur un autre tempo, et la musique va lui coller aux basques et aux poings.

La scène se déroule en trois temps, et mise en scène et musique s'accordent parfaitement. D'abord, le personnage d'Erik, sur ses gardes, repère les sbires tout en feintant de marcher tranquillement ; et la musique se construit discrètement, comme sa stratégie. Ensuite, il descend dans l'arène et déboutonne sa veste pour se préparer ; le rythme s'emballe, la machine démarre sérieusement. Enfin, quand il commence à les attaquer, la musique décolle, quasiment en harmonie avec ses coups. Une fois le dernier assaillant éliminé, tout s'arrête. L'affaire est pliée. Le rythme cardiaque du personnage s'est emballé, l'adrénaline est montée, et c'est fini.

Dans Hanna, les personnages sont chefs d'orchestre des bastons et scènes d'action. Et avec Erik, la mélodie est plus brute et sèche, et c'est un habile mélange entre la musique et les bruitages (ce skate).

 

 

l'exception qui confirme la règle

Hanna reste à ce jour la seule BO de film des Brothers.  En 2011, Tom Rowlands, une moitié du duo, revenait sur cette expérience unique, chez MTV News :

"On nous a beaucoup proposé de faire des BO de films. Notre musique a été utilisée dans plein de films, mais on n'a jamais rien composé spécialement pour ça. On se disait toujours que ce serait amusant d'essayer un jour, mais qu'il faudrait que ce soit le bon projet. (...) Il fallait que ce soit le bon réalisateur, quelqu'un qui voulait une BO différente pour son film. C'était Joe. Dès qu'on s'est assis pour parler avec lui, et qu'il nous a décrit ce qu'il voulait, on a senti que c'était le bon moment."

Dès le départ, le réalisateur annonce qu'il ne veut pas de musique typique de film d'action : "Il nous a dit, 'Je ne veux pas entendre des sons de cordes tremblantes dès qu'il y a un moment de tension'. Il voulait plutôt des synthés dans le fond. C'était très libérateur de faire partie de quelque chose de plus grand. D'habitude, dans le studio, c'est toujours nous. On écrit, on produit, on interprète la musique. C'était assez agréable de faire partie d'une machine plus grande, autour de la vision de quelqu'un d'autre. On a nos idées, mais au final, c'est son film".

 

Hanna : photoAh, Container Park...

 

Et The Chemical Brothers a de toute évidence apprécié le résultat : "Toute la musique qui est dans le film est connectée à la musique qu'on a faite avant, et ça n'est pas quelque chose de complètement étranger. On a continué à faire de la musique comme en temps normal".

En 2012, ils devaient réitérer l'expérience de la BO de film avec Insaisissables, le (mauvais) film de magiciens. Le duo s'est finalement vite retiré, officiellement pour des raisons d'agenda - mais peut-être ont-ils simplement lu le scénario.

Raison de plus pour choyer la musique de Hanna, et la considérer comme un petit miracle unique en son genre.

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commentaires
Lord Sinclair
13/06/2022 à 11:06

Non mais quel panard ce film...
Grosse claque. BO que j'écoute encore.
Saoirse Ronan plus crédible dans ses chorégraphies que n'importe quel bovin des F&F et autres pâles copies de Jason Bourne...

Sascha
12/06/2022 à 20:26

J'ai adoré ce film. Et encore plus sa BO. Effectivement, elle est un élément majeur et une part importante du film (surtout le thème de Hanna

Kyle Reese
12/06/2022 à 20:24

Je suis un gros fan des Brothers. L’un de mes groupes préféré de tous les temps. Vu leur concert à la Seine musicale juste avant l’arrivée de ce virus de m*rde. Un très grand moment. Pourtant leur BO ne m’a pas marqué du moins pendant le film qui n’est pas non plus exceptionnel mais sympa surtout le début.
Faudrait maintenant que j’écoute la BO sans le film pour voir.

L'indien Zarbi.
12/06/2022 à 19:20

Un de mes groupes préféré. Qu'est ce qu'on s'eclait à l'époque. Et le film est très bon.

Midso
12/06/2022 à 19:14

Ce film est une petite pépite beaucoup trop oubliée. A la fois divertissant, avec une mise en scène particulière et comme vous le décrivez une superbe BO. Cate Blanchett en méchante ambiguë c’est la cerise sur le gâteau.

Sergio
12/06/2022 à 18:26

Très bon film ! Et la BO est clairement son point fort (avec le casting). Ah cette scène de baston avec Bana tout en plan séquence, avec les chemical en toile de fond, énorme !