Star Wars : L'Ascension de Skywalker - y a-t-il quelque chose à sauver dans cette cata ?

La Rédaction | 30 mai 2022 - MAJ : 23/08/2023 10:25
La Rédaction | 30 mai 2022 - MAJ : 23/08/2023 10:25

Star Wars : L'Ascension de Skywalker est ce soir à 21h15 sur TMC.

Star Wars : L'Ascension de Skywalker est-il totalement nul et raté ? On revient en détail sur les raisons d'aimer, et surtout être déçu.

La trilogie Star Wars de Disney aura fait couler beaucoup, beaucoup d'encre. Entre Le Réveil de la Force qui a été perçu comme un remake à peine caché, Les Derniers Jedi qui a mis le feu aux fans, et L'Ascension de Skywalker qui a été accueilli comme la chute d'une vaste blague, la galaxie a tremblé sous l'égide Mickey.

Alors que tout le monde devrait s'écharper pendant encore des décennies sur le pire de cette trilogie chaotique, retour sur l'épisode IX, Star Wars : L'Ascension de Skywalker : le meilleur, le pire et le moyen du blockbuster réalisé par J.J. Abrams.

 

 

 

Le meilleur de Star Wars 9

 

C'eST BEAU

Les films de J.J. Abrams ont souvent divisé les spectateurs, mais s’il y a bien quelque chose qu’on ne peut pas enlever au réalisateur, c’est bien son investissement total dans la narration, le soin maniaque avec lequel il s’immerge dans les univers qu’il aborde. Pour contenter des fans plus que sceptiques, le réalisateur a tout donné.

L’attention qu’il apporte aux détails de toutes les séquences est assez impressionnant, et d’autant plus réjouissant que rares sont les blockbusters actuels à se donner autant de mal pour incarner un univers.

 

Star Wars : L'Ascension de Skywalker : photo, Daisy RidleyBlu-rey

 

Il y parvient notamment grâce à son collaborateur de longue date, le très bon chef opérateur Daniel Mindel. Ce dernier retrouve une patine qui évoque les grandes heures du 35mm, nous replonge dans ses teintes chaudes, ses carnations si marquées, et dévoile une palette chromatique affolante. La finesse de l’image, notamment lors de ses scènes les plus sombres (l’introduction par exemple), est vraiment saisissante. Chaque décor recèle son lot de détails, le bestiaire est varié, les textures envahissent chaque photogramme jusqu’à le saturer. L’univers de Star Wars s’anime et prend vie, alors que les effets spéciaux ne sont quasiment jamais pris en défaut.

J.J. Abrams, s’il se montre déficient sitôt que l’action s’emballe, ne se laisse pas abattre lors des multiples dialogues ou scènes d’exposition. Multipliant les angles de vue, variant son découpage, il fait preuve d’une créativité folle pour électriser son récit et soutenir son rythme dément. L'Ascension de Skywalker est souvent très beau. Beau, et organique, comme lors du duel dans les ruines de L’étoile de la Mort, où le son des vagues, la force des embruns, occupent autant la caméra que le formidable décor.

 

photo, Adam DriverC'est beau, mais ça pique

 

QUELQUES SCÈNES MARQUANTES...

Rien que les premières minutes du film imposent une ambiance et une direction artistique saisissantes. Quand Kylo Ren extermine ses adversaires, puis arrive sur Exegol dans un temple sombre frappé par des éclairs, le film est magnifique, et vend du rêve pour la suite. La photo de Daniel Mindel (collaborateur de J.J. Abrams sur Le Réveil de la Force et Star Trek) est belle, soigne les clairs-obscurs, et repose sur une jolie palette de couleurs. Et ce, sans courir après les extrêmes saturés et tape-à-l'oeil, sans craindre le noir et le gris.

De Mission : Impossible 3 à Super 8, J.J. Abrams a démontré son savoir-faire, et sa maîtrise des techniques et outils du cinéma hollywoodien. Hier présenté comme un petit génie, aujourd'hui considéré par certains comme une facette du diable mainstream, il se situe plutôt entre les deux, et le rappelle avec ce Star Wars. Rien que la grande scène tant teasée, où Rey et Kylo Ren s'affrontent sur une épave au milieu d'un océan déchaîné, l'illustre : le choix d'un tel cadre confère à ce duel des dimensions homériques, et l'absence de grande musique dramatique montre un désir de ne pas faire dans la facilité attendue.

Il y a donc des moments destinés à être marquants dans cet Épisode IX. Sauf que...

 

photo, Adam Driver, Daisy RidleyUne très belle scène... qui ne mène pas à grand-chose

 

Ce qui est moyen dans Star Wars 9

 

... MAIS MAL EXPLOITÉES

Sauf que ces scènes sont rarement à la hauteur en termes d'enjeux, rythme et impact. Le duel sur l'épave frappée par les vagues est aussi beau que décevant, et n'est clairement pas le grand combat de sabre laser attendu. C'est le parfait exemple des limites de L'Ascension de Skywalker, qui ne parvient à peu près jamais à emballer des moments mythiques, marquants, susceptibles de rejoindre les scènes cultes de la saga.

J.J. Abrams a le budget, les compétences, les acteurs et les talents autour de lui, mais tout semble constamment freiné, empêché par un scénario faible, et une vision absolument pas claire et forte de cette conclusion. Le réalisateur peut arranger et penser la mise en scène autant qu'il veut, il est incapable d'en tirer grand-chose. Jusqu'au grand final, étonnamment facile, calme, où le feu d'artifice final est un pétard mouillé.

Et ce ne sont pas les quelques scènes d'action à droite à gauche (comme la poursuite des Stormtroopers en mode Mad Max : Fury Road avec le désert, les véhicules, les voltiges et même une explosion de couleur) amusantes, mais insignifiantes, qui vont arranger tout ça.

 

photoMad Wars : Fury Stormtrooper

 

le problème LEIA

Si la question de la préparation et improvisation de cette trilogie ne pourra être évitée, il est nécessaire de se souvenir que la mort de Carrie Fisher à la fin du tournage des Derniers Jedi a eu un impact sur cette conclusion. L'équipe a déclaré que Leia devait être centrale dans l'Épisode IX, et c'est logique : Han était le coeur du Réveil de la Force et Luke, des Derniers Jedi. En accord avec la famille (notamment Billie Lourd, sa fille, qui a un petit rôle dans cette trilogie), l'équipe a ainsi rafistolé des scènes coupées de l'Épisode VII, et bricolé autour pour que Leia soit présente et importante dans l'intrigue.

Mais difficile de ne pas être gêné par le résultat. La rigidité de ces scènes est évidente, ce qui réduit les dialogues à quelques échanges vagues et surtout des silences censés être lourds de sens. Le trouble vient du rôle mineur qu'occupe concrètement Carrie Fisher (elle n'a que quelques scènes anodines, et très tôt dans le film), et de l'accent mis sur Leia dans l'intrigue (elle se sacrifie pour sauver Rey, et donc Kylo Ren). J.J. Abrams a utilisé pas mal d'artifices pour assembler tout ça (changer les arrière-plans, vieillir un peu son allure), notamment en tournant la mort du personnage dans l'obscurité, pour que la silhouette seulement se dessine.

Et si le désir de rendre justice au personnage au lieu de par exemple la laisser disparue dans une ellipse, est louable, le film a bien du mal à s'en sortir. Qu'un flashback explique qu'elle a été formée par Luke pour être une Jedi, et ainsi entraîner Rey, rend tout ça encore plus frustrant et triste.

 

photo, Carrie FisherAdieu, éternelle princesse

 

UN PREMIER-DERNIER ORDRE TOUJOURS FADE

Le Premier Ordre n’a jamais réussi à exister. Assimilé visuellement à l’Empire dès Le Réveil de la Force, il n’en est qu’un écho, qui manque de caractère, de sens, ou d’un projet propre. Et si le Général Hux est un rôle secondaire comique assez efficacement écrit, ses élans de ridicule interdisent de prendre ses troupes au sérieux. Et ce n’est pas le destin expéditif du Capitaine Phasma dans les deux épisodes précédents qui aura fait penser le contraire ni celui du Suprême Balourd Snoke.

Par conséquent, avec ses airs de reboot non-assumé, L'Ascension de Skywalker achève de flinguer le Premier Ordre, d’abord noyé dans les troupes de l’Empereur, puis assimilé au Dernier Ordre. Ce dernier n’étant qu’un recyclage massif de vieux Destroyers spatiaux, on aura bien du mal à lui trouver quoi que ce soit de spécial. Les forces du côté obscur souffrent donc bien de la confusion et des ténèbres où le scénario les jette, empêchant de distinguer leurs objectifs ou leurs contours.

Dans ce contexte on attendait beaucoup des Chevaliers de Ren. Ils ont le mérite de permettre à Kylo d’utiliser la Force de manière rigolote, de varier son style de combat et de nous donner la seule scène de baston valable de ce chapitre. Mais pour le reste, il s’agit d’une troupe scénaristiquement inutile (ils pourraient être remplacés par des troopers classiques sans que cela change quoi que ce soit), au look de groupe de métal finnois, aux styles outrés, jamais justifiés par aucun élément mythologique, qui fait d'eux l'équivalent spatial des survivants de la mouvance émo.

 

photoLes Chevaliers de Rien

 

la fin de FINN

Dire qu'il était le premier visage dévoilé dans le premier teaser du retour de Star Wars, avec Le Réveil de la Force. Trois films après, le personnage de John Boyega est sans nul doute le plus faible du trio. Alors que Rey l'héroïne est évidemment restée au premier plan, et que Poe a gagné une dimension moins niaise avec son côté tête brûlée confronté à son orgueil et son destin de leader dans cette conclusion, Finn, lui, tourne en rond.

Son passé de Stormtrooper en faisait pourtant un personnage unique au premier abord, et la haine de Captain Phasma à son égard promettait une revanche du passé, et un arc qui allait le ramener à ses origines et sa rébellion. Sauf que Les Derniers Jedi a évacué tout ça très vite, sans aucune satisfaction, tout en offrant à Finn une romance bien niaise avec Rose. Dans L'Ascension, Rose est dégagée et Finn rencontre Jannah, pour vivre une version alternative de sa petite aventure solo sentimentale. La preuve flagrante du manque de vision sur ce personnage.

Et ce n'est pas en lui offrant un ultime moment de bravoure, une pseudo complicité avec l'héroïne (mais que voulait-il dire à Rey bon sang ?), deux répliques sur un "feeling" lié à la Force, et une place de co-leader avec Poe, qu'il a pu gagné une quelconque dimension. Finn pourrait quasiment être retiré de cet Épisode IX sans que ça ne change grand-chose, à l'image de sa tentative de venir en aide à Rey sur Endor... avant qu'elle ne le jette et continue sa vie.

 

photo, John BoyegaQuelqu'un a pensé à l'abandonner dans le désert sinon ?

 

le (mauvais) (inutile) HUX

L’Ascension de Skywalker restera comme la véritable Marvelisation de Disney. Alors que les deux précédentes trilogies, et même Les Derniers Jedi, ne redoutaient pas une vraie ambition tragique, et savaient que pour donner de l’impact à un récit ambitieux, il fallait lui permettre de mettre ses personnages en danger, la conclusion a pris une position contraire. Alors que le script nous vend les morts de Chewie et celle d’une amie de longue date de Poe, introduite dans l’Eisode 9. Mais ces deux éléments se révéleront de stupides hameçons émotionnels, quand ils auraient permis de donner du sens et du poids aux actes des héros.

Hux est pour ainsi dire le seul membre de l’aventure à connaître un destin funeste. Veule traître à l’Empire, il se fait bien sûr griller et exécuter sur-le-champ, par le dévot général Pryde. La scène, à la fois comique et assez surprenante, offre à un personnage imparfait, parfois peu crédible, un des rares destins surprenants et surtout à la hauteur des enjeux, où chacun joue pour assurer sa survie.

Il doit énormément à son interprète, qui transcende souvent une partition assez médiocre. Domhnall Gleeson distille dans son jeu un mélange de veulerie, de bassesse et de détestation de lui-même qui en fait un adversaire paradoxal, et étonnamment touchant, malgré l'écriture volontiers caricaturale de sa personnalité.

 

Photo Domhnall GleesonLe général Starsky et Hux

 

DE NOUVEAUX PERSONNAGES INUTILES

Keri Russell est une excellente actrice, et Zorii Bliss a un certain style, tendance Mandalorien. Naomi Ackie est inconnue, mais se défend bien pour exister dans le blockbuster, et Jannah a elle aussi fière allure sur sa monture alien. Mais Star Wars avait-il besoin de créer de nouveaux personnages, dans un dernier mouvement censé conclure, rendre justice et rassembler ?

A priori, non. Surtout vu ce que Zorii et Jannah ont à faire ici. La première est au centre d'une parenthèse dans l'intrigue, et surtout un levier pour creuser le personnage de Poe, afin de lui donner une dimension émotionnelle, un passé, bref l'illusion d'une quelconque profondeur. Qu'elle passe en quelques minutes de l'envie de lui éclater la cervelle à un sacrifice pour lui offrir son ticket de sortie si précieux, témoigne de la vitesse absurde à laquelle tout est traité ici. C'est d'autant plus flagrant que l'allure de cette Zorii a été très (trop) soignée, qu'elle a tout d'une combattante hors pair, et que ses yeux ne sont montrés qu'une fois, en faisant un personnage très intrigant.

 

Star Wars : L'Ascension de Skywalker : photo, Naomi AckieBonjour au revoir

 

Jannah, elle, se contente de suivre les héros, comme une Rose-bis collée à Finn. Là encore, elle peut être retirée du film sans aucune conséquence réelle. Sauf la petite gêne face à son échange avec Lando, qui ressemble soit à une étrange drague post-victoire, ou le lancement d'un spin-off que PERSONNE ne veut voir où le vieux emmène la jeune sur les traces de son passé.

Au-delà de ces deux personnages, le petit réparateur Babu Frik est un autre exemple de babiole numérique pas indispensable. Alors que Maz Kanata (avec Lupita Nyong'o en performance capture, ce n'est pas rien) est figurante depuis le début et n'a RIEN à faire, le film amène un autre alien, qui aura trois lignes de dialogue et une apparition dans le combat final pour soutirer un rire.

 

photo, Keri RussellLa classe ne suffit pas

 

Le pire de Star Wars 9

 

LE RAFISTOLAGE DE L'INTRIGUE

Si les vraies questions au centre de cette trilogie (les parents de Rey, la trajectoire de Kylo Ren, la valeur Skywalker du titre) sont traitées, c'est après que le film ait ouvert et refermé quantité de petites portes pour occuper l'espace. Palpatine le retour du clone-machine-machin, Exegol la planète QG des Siths, et le bidule pour trouver son emplacement sont au centre du film, et ressemblent à des jokers sortis des manches des scénaristes

Rien n'avait préparé tout ça, et le texte d'introduction se retrouve d'ailleurs à lourdement réintroduire l'Empereur, pour donner l'impression que ce n'est pas sorti de nulle part et que oui, bien sûr, tout était là depuis le début dans cette trilogie. Même Luke et Leia savaient, la preuve ils l'affirment ici.

 

Star Wars : L'Ascension de Skywalker : photo, Adam DriverLa fin qui (Pal)patine

 

Au lieu d'embrasser les enjeux déjà en place, Star Wars : l'Ascension de Skywalker préfère lancer de nouveaux axes, quitte à artificiellement remplir, ralentir, relancer et rhabiller l'univers. Quitte aussi à rétropédaler sur quelques éléments.

Snoke a beau avoir été tué, laissant place à l'affrontement entre Rey et Kylo Ren, Palpatine débarque pour reprendre le rôle de l'homme dans l'ombre, susceptible de réunir ou diviser les deux personnages.

 

Star Wars : L'Ascension de Skywalker : photo, Mark Hamill"Je t'assure, je sais où on va"

 

DÉFAIRE LES DERNIERS JEDI ?

Une grande partie des choix hasardeux ou aberrants opérés dans L'Ascension de Skywalker ne répond à aucune autre exigence qu’un cahier des charges navrant : défaire tout ce que mettait en place Les Derniers Jedi. De la romance de Finn en passant par la Force à nouveau pensée comme une lignée quasi-aristocratique, tout est passé à la moulinette pour être repensé, dénoué, oblitéré, écrasé.

Cette orientation stérile est incarnée dans une séquence pensée comme un gros bisou aux fans toxiques de la marque, et un doigt d’honneur au travail de Rian Johnson. Il s’agit bien sûr de la scène dans laquelle Luke se renie, et définit l’écriture de son personnage dans le précédent film comme « irrespectueuse ». Ce moment purement méta, pensé comme une soumission au public, plutôt qu’une proposition, est emblématique de tout ce qui se dérègle dans cette conclusion. Ou quand Hollywood confond faire et défaire.

 

 

Un film peut-il se passer de satisfaire son public ? Non, bien sûr, mais s’il veut le marquer, le surprendre il doit accepter de prendre des risques, appréhender le fait que sa réception va évoluer dans le temps (nombreux sont les spectateurs qui ont déjà réévalué le film de Rian Johnson) afin de se réserver la possibilité de surprendre et de créer.

Car confondre l'expression des fans, leur désir, et la durée de vie de ce dernier, c'est se condamner à transformer son récit en une liste de doléance dénuée de la moindre vie. Sans compter que le premier geste d'écrasement (le retour de Palpatine et l'arrivée de sa super-armada) est aussi celui qui condamne cet épisode à l'incohérence et au ridicule. Comment nous expliquer à présent que tout le monde s'est agité pendant des mois à la suite d'une base Starkiller, puis s'est tapé sur la face dans toute la galaxie, alors qu'en parallèle Palpatine faisait la sieste, assis sur un tas de super-canons dont personne n'a eu l'idée de se servir ?

 

photoBon bah on va remettre le masque hein

 

la blague PALPATINE

Cruel destin que celui de Palpatine. Terrifiante figure du Mal dans la trilogie originale, devenu un politicien à peu près aussi subtil que François Hollande dans la prélogie, il est ici transformé en gelée de placenta diabolique, accroché à un bras mécanique, et riant grassement sitôt qu’il énonce son diabolique plan tout pété.

Le film aimerait le traiter comme un monstre ultime, une créature horrifique, mais son arrivée est si absurde, contraire à tout ce qui a précédé, qu’il en perd beaucoup d’impact. Et la seule dimension envisageable pour lui donner un semblant de réalité eût été d’incarner un peu ce mystérieux concept de « clones », évoqué par une réplique et un unique plan.

 

Star Wars : L'Ascension de Skywalker : photo, Daisy RidleySomehow... Palpatine returned

 

Mais non, on verra à peine cet antagoniste supposé conclure la plus grande saga contemporaine. On ne comprendra jamais la nature de son plan, ni pourquoi il le dévoile si tardivement, comme on ne comprend pas pourquoi il ne tente pas de sécuriser son lien avec Kylo en l’informant de son plan. Et enfin, pourquoi ramener ce vieux méchant fatigué, s’il n’a même pas droit à un combat final digne de ce nom. Un coup de jus et puis s’en va, soit le climax le plus déceptif de toute la franchise, et sans doute l’affrontement le plus expéditif.

On le comprend, Palpatine n’a d’autre justification qu’une piteuse excuse thématique, visant à créer une cohérence artificielle entre 3 trilogies conçues pour des publics radicalement différents. Le procédé est grossier, sa réussite inexistante. On aurait bien voulu en découvrir un peu plus sur son gros bocal à Snokes. Comprendre qui sont les fans en pyjama qui se pressent autour de lui. Ou même paner quelque chose à son plan, savoir d'où il tire cette puissance si phénoménale qu'il n'a jamais jugé bon de l'utiliser. Bref, Palpatine prétend être toujours parmi nous, mais il n'est qu'un fantôme de plus une silhouette morne, hantant un film sur le point de s'écrouler.

 

photo"I'll be back !"

 

DES HÉROS INTOUCHABLES

L'idée de voir Chewbacca accidentellement tué par Rey, qui découvre l'étendue de ses pouvoirs, est aussi intéressante que forte à bien des niveaux. Sauf que Chewie n'est pas mort. L'idée de voir Rey tuer Kylo Ren, plus ou moins grâce à Leia et avant le climax, est intéressante. Sauf qu'elle le sauve avec la Force juste après. L'idée que la Résistance prenne une sévère trempe avant l'assaut final contre les Destroyers, est intéressante. Sauf qu'aucun personnage réellement identifié n'y passe.

L'aventure ressemble donc à une promenade de santé pour tout ce petit monde, qui échappe trop de fois aux dangers les plus énormes pour ne pas ressembler à des super-héros protégés par la Force du Saint-Esprit des scénaristes flemmards. Que Poe ait le bras égratigné après les tirs de deux douzaines de Stormtoopers myopes, et que Kylo Ren traîne une patte après être tombé dans un ravin des enfers, sont les signes les plus extrêmes du risque.

 

photo, Daisy RidleyPersonne ne meurt dans cette image

 

LE FINAL TROP SIMPLE

L'écriture lourdingue et les enjeux forcés sur la présence évidemment programmée de Palpatine auraient pu passer s'ils avaient été digérés pour donner lieu à un climax grandiose, puissant et épique. Et sur le papier, tout est réuni : dans les airs, la résistance affronte des dizaines de Destroyers et tente de les arrêter avec un plan dangereux, tandis que Rey est au sol face à Palpatine, bientôt appuyée par Kylo Ren qui prouve qu'il a rejoint le bon côté de la Force. Poe mène la résistance en attendant un soutien qui semble de moins en moins possible, Rey et Kylo Ren s'unissent face à l'Empereur bionique, puis l'héroïne l'affronte seule pour l'anéantir en digne représentante de tous les Jedi.

Mais à part quelques plans, comme ceux de ces Siths mystérieux tapis dans l'ombre, ou la vision d'un ciel apocalyptique lorsque Rey semble vaincue, le grand final est bien facile. Le programme attendu d'un climax hollywoodien est respecté, sans éclat de génie, et surtout sans être à la hauteur des enjeux, à savoir conclure trois trilogies, et marquer un grand coup dans la mythologie.

Là encore, tout semble traité trop vite, rehaussé par quelques coups artificiels (le moment de bravoure de Finn pour créer l'illusion d'un sacrifice, la disparition de Kylo Ren dans un ravin, les voix lointaines des Jedi connus...). L'arrivée de tous ces vaisseaux pour aider la Résistance est peut-être le moment le plus fort de ce final, mais il n'a rien d'inédit ou de surprenant.

 

photo, Daisy RidleyLe réalisateur rencontre les boss de Disney et Lucasfilm

 

LE MANQUE D'ÉMOTION

La trilogie originale achevait chacun de ses chapitres sur un raz-de-marée émotionnel. La prélogie eut du mal à réitérer l’exploit, mais une partie des spectateurs a bien été bouleversée par l’affrontement entre Obi-Wan et Anakin. En la matière, L'Ascension de Skywalker est plus que chiche. Tout simplement parce que le film a choisi de quasi-rebooter sa trilogie, jetant aux toilettes les acquis des deux précédents segments, se retrouve dès lors obligé de narrer son récit sur un rythme infernal, qui interdit totalement l’émotion.

 

Star Wars"ça en fait des larmes de fans"

 

Nos héros apprennent que Chewie a été grillé vif puis écrasé sous des tonnes de métal en fusion par la colère de Rey ? La caméra ne s’attarde même pas sur leur réaction. Chewie, ressuscité par la magie Disney, apprend que la Princesse Leïa a avalé son bulletin de naissance ? Il sera relégué à l’arrière-plan, et c’est à peine si on aperçoit Poe plisser les yeux.

Et il en va ainsi de tous les évènements possiblement porteurs d’émotion. Pire : lors de son climax, J.J. Abrams veut nous arracher des larmes à coups de pelle, quand il transforme Kylo en Prince charmant et Rey en Padawan au bois dormant. Mais le procédé est bien trop mécanique, et sa dimension dramatique si épaisse (oubliez Marion Cotillard et son décès gargouillant dans The Dark Knight Rises). Bref, les seules larmes qui vous attendent sont des larmes de frustration.

 

Star Wars : L'Ascension de Skywalker : photo, Daisy Ridley, Adam DriverLe baiser de la mort

 

ROSE ET JANNAH

Que Rose, personnage ô combien critiqué des Derniers Jedi, soit reléguée au troisième plan et quasi-figurante dans cet épisode, n'est pas un problème. Son rôle dans le précédent opus n'était pas une franche réussite, puisqu'elle était motrice d'une sous-intrigue faiblarde sur Canto Bight et d'une scène légèrement ridicule dans le climax. Que sa romance forcée avec Finn soit oubliée, pourquoi pas. Mais que le film amène un nouveau personnage féminin pour quasiment reprendre ce rôle, ressemble presque à une blague.

 

photo, Kelly Marie TranComment ça je sers à rien et je peux partir plus tôt ?

 

Incarnée par Naomi Ackie, Jannah vit sur Endor, où elle aide les héros à trouver la carcasse de l'Etoile de la mort. Et elle noue vite un lien intime avec Finn, notamment lorsqu'ils partagent leur expérience commune de Stormtrooper enrôlé par le Premier Ordre, avant de se rebeller. Comme Rose, elle partage une connexion avec Finn. Comme Rose, elle l'aide dans une mission risquée et passe à deux doigts de la mort dans le climax. Comme Rose, elle semble finalement trouver une place parmi les résistants. Et comme Rose, elle a une caractérisation trop en surface, pour réellement intéresser.

Dans un film qui introduit de nouveaux personnages, ramène d'anciens personnages, tente de clore bien des intrigues et donner du sens à tout ça, créer un nouveau personnage au lieu de creuser un préexistant, a tout d'une mauvaise décision. Ou d'un désir un peu stérile d'écraser Les Derniers Jedi (Kelly Marie Tran est tellement inutile qu'elle a une place proche de Billie Lourd ici), et faire sa propre version de "Finn a une vie indépendante et des émotions".

 

photo, Naomi AckiePersonnage oubliable numéro 12

 

LUKE, HAN, LANDO

Le Réveil de la Force et Les Derniers Jedi avaient organisé la passation entre les générations, les deux films annonçant que les gardiens du temple devaient disparaître ou se sacrifier pour permettre aux nouvelles générations de s’emparer de leur destin et de ré-enchanter un vieux monde engoncé dans des mythes épuisés. Manque de pot, L’Ascension de Skywalker abandonne ce positionnement et préfère au contraire statufier ses héros d’hier, en rappelant le plus grand nombre à la barre.

Évidemment, le scénario ne peut pas grand-chose contre le décès de Carrie Fisher, accordant à Leïa un repos bien mérité. Luke ne peut pas en dire autant, lui qui nous revient comme un vieux reflux gastrique, pimpé au gloss bleu, avec un brushing tout neuf et un sourire bright totalement contradictoire avec le film précédent. Il est moins pathétique que Han Solo, dont l’interprète semble avoir bien du mal à supporter le poids de sa propre perruque, le temps d’une scène qui ne peut que rejouer la confrontation entre Driver et Ford, au ralenti.

 

photo, Billy Dee WilliamsNon, ce n'est pas un hommage à Shining

 

Mais la palme de l’embarras revient sans doute à ce malheureux Lando Calrissian, convoqué pour jouer les Pépé Malin de l’espace, moustache dégarnie et œil de satyre en prime. Le pauvre ne se contente pas seulement de faire perdre du temps à l’intrigue générale, il doit en plus se fader une conclusion absconse avec Jannah, qui a de faux airs de teaser de série Disney+.

Voir ces vieux de la vieille s'accrocher à univers qui n'a plus besoin d'eux et dont on sent qu'ils attendent d'être débarrassés (Ford semble à deux doigts de se jeter à la flotte pour s'assurer qu'on ne fasse plus jamais appel à lui), a quelque chose d'infiniment déprimant. Presque autant que le film lui-même, lorsque le générique de fin arrive.

Tout savoir sur Star Wars : L'Ascension de Skywalker

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commentaires
mv
04/08/2023 à 12:20

je viens seulement de voir ce dernier volet, cela en dit long sur ma motivation! ce film est aussi nul que le précédent, la créativité de Lucas et Spielberg n'a donc pas fait d’émules chez Disney? une mauvaise soupe réchauffée, tant au niveau scénario que créativité, ou comment faire du fric sans scrupules!

Une purge
01/06/2022 à 23:47

Vous avez raison sur toute la ligne. J'ai tenu à peine 30min à ce premier passage télé après l'avoir découvert au cinéma.
La 1ère trilogie est éternelle
La 2nde se bonifiera avec le temps (sic Obi Wan)
Et la 3ème est juste ni fait ni à faire..clôturée par ce dernière opus peut être le pire des 9 épisodes : une purge

Luc
01/06/2022 à 14:53

Très belle chronique, vous avez raison Disney m'a tué !

SimaoDoBrasil
01/06/2022 à 09:43

@JR bien d'accord.

J'aimerais revenir sur "le problème Léia". L'épisode 8 est sorti le 13 décembre 2017. Carrie Fisher est décédée le 27 décembre 2016, soit 1 an avant. Donc ce "problème" cela aurait dû être traité avec l'épisode 8, et non pas l'épisode 9. Pour moi c'est un manque de respect total envers l'actrice et son personnage, tout ça parce que les exécutifs Disney ne voulaient pas prendre de risque de retard, que Johnson ne voulait pas modifier son "scénario" (sic...) et que Abrams voulait juste jouer la fibre nostalgique avec. Juste honteux.

Ethan
31/05/2022 à 20:37

A la question la trilogie est nulle, oui. Y a t-il quelque chose à sauver ? Pas simple car ces films ont plutôt abîmer la franchise. Peut-être qu'il faut parler d'une autre galaxie la notre car les hommes et femmes viennent de la Terre et mêler la force à des croyances car elle est forcément associée à une divinité peut-être du Japon. On peut penser à Dragon Ball avec le kaméhaméha. On peut penser à d'autres cultures comme la lévitation du fakir en Inde

Atom
31/05/2022 à 11:21

Je vous rejoins sur la beauté visuelle du truc. Vous avez tout dit, surtout sur son ouverture ultra sombre mais très lisible, effectivement, et ce jeu de lumière assez ouf. Mais sinon le reste... Même ma poubelle n'en voudrais pas.

j en prendrais pour 1 d
31/05/2022 à 00:42

visuellement c'est une tuerie, des plans beaux à tomber par terre !

Thomaaas
30/05/2022 à 23:06

Dès le premier paragraphe, vous citez Dan Mindel et j'en ai assez lu !
Je ne conteste rien de ce qui est dit dans la suite du dossier, mais cet argument à lui seul mérite le visionnage du film, plastiquement irréprochable. Mindel est un (très) grand chef opérateur, hélas pas assez reconnu. Quel dommage !

Sébastien
30/05/2022 à 20:58

N'est pas George Lucas qui veut.

georges lucas avait raison
30/05/2022 à 20:41

Quand il disait : "J'ai vendu mes enfants à des marchands d'esclaves"

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