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Vettaiyan : critique papy fait de la résistance

Par Clément Costa
15 octobre 2024
MAJ : 15 octobre 2024

À bientôt 74 ans, la superstar Rajinikanth continue d’être une des plus grosses têtes d’affiche du cinéma tamoul. L’acteur est toujours un héros de films d’action extrêmement populaire et affiche une longévité de carrière qui force le respect. Avec Vettaiyan de T. J. Gnanavel, les fans espéraient un pur blockbuster d’action. Le contrat est partiellement rempli… pour le meilleur comme pour le pire.

Vettaiyan : critique papy fait de la résistance © Canva Lyca Productions

TOUJOURS VIVANT, RASSUREZ-VOUS

Alors qu’il approche des 74 ans et qu’il vient de sortir son 170ème film en salles, l’acteur Rajinikanth prouve chaque année à quel point il est la plus grande légende que Kollywood n’ait jamais connu. Le triomphe de Jailer l’année dernière a confirmé que le grand public est toujours prêt à se ruer en salles pour voir le papy superstar anéantir plus d’ennemis à lui seul que tous les Expendables réunis.

Il faut dire que quand le public va voir un film de Rajinikanth sur grand écran, il signe pour une formule satisfaisante et bien rodée. Dans son premier tiers, Vettaiyan semble correspondre parfaitement au cahier des charges habituel. On y suit un flic intraitable, qui élimine les bandits à la chaîne et qui a la réputation de résoudre ses enquêtes en 48 heures. Les méchants font la queue pour se faire taper un par un, le justicier ne fait pas dans la dentelle, on est en terrain connu.

Rajinikanth dans Vettaiyan
Arrête ou grand-père va tirer !

Le cinéaste T. J. Gnanavel offre également à son public les traditionnelles séquences de fan service à la gloire de Rajinikanth. Sa simple arrivée à l’écran suffit à rappeler pourquoi la superstar est encore et toujours le héros du peuple après tant d’années. Avec son sourire féroce, l’acteur enchaîne les dialogues marquants, armé de ses poings et de sa perruque flamboyante. Tout est fait pour nous faire croire que le héros a 20 ans de moins. Avec plus ou moins de réussite.

Au-delà de ce spectacle centré autour d’un seul homme, Vettaiyan bénéficie également de seconds rôles marquants. Le vétéran Amitabh Bachchan, légende du cinéma hindi, fait forte impression et apporte certaines des séquences les plus intéressantes du long-métrage. Malgré une différence d’âge très gênante avec le héros, Manju Warrier incarne une épouse bien mois transparente et passive que les héroïnes habituelles de Rajinikanth. Enfin, le toujours brillant Fahadh Faasil tire son épingle du jeu. En excellant tant dans la comédie que dans l’émotion, il incarne le personnage le plus attachant du film.

Vettaiyan Big B Thalaivar
Le bureau des légendes

OK… SUPER…

Ce qui surprend dans Vettaiyan, c’est à quel point le film semble programmatique lorsqu’il remplit son contrat de blockbuster d’action. On retiendra au mieux une utilisation sympathique du mocobot qui tente de reproduire le style de Lokesh Kanagaraj. Mais T. J. Gnanavel semble mettre en scène l’action et le grand spectacle avec bien peu de conviction. Les coups sont distribués, les méchants volent dans les airs, mais l’exécution de la formule manque cruellement d’énergie.

L’introduction du héros semble n’être qu’une copie conforme de ses récents films, notamment Darbar qui employait la même formule avec bien plus d’efficacité. On enchaîne alors avec un numéro musical programmatique qui tente de nous faire croire que Rajinikanth danse encore comme un jeune homme, le tout avec une petite leçon de vie…là encore, une recette classique qui sent le réchauffé.

Vettaiyan danse
Folie à trois

Accordons tout de même au réalisateur qu’il n’est pas facile de faire passer un homme de 73 ans pour un combattant hors pair capable de venir à bout d’une montagne de muscles comme Rana Daggubati, inoubliable méchant de la saga Baahubali. Le fait que la séquence d’action la plus dynamique et la mieux chorégraphiée du film soit intégralement tournée en caméra subjective en dit long sur l’embarras qu’ont les cinéastes à vouloir faire de Rajinikanth un éternel héros d’action.

Pour ne rien arranger, même le compositeur de génie qu’est Anirudh semble en pilote automatique. Il y a quelques semaines à peine, il émerveillait nos oreilles avec la bande-originale de Devara – Part 1. Il avait également offert à Rajinikanth un de ses meilleurs albums de la décennie passée avec Jailer. Malheureusement, il frôle l’auto-parodie avec Vettaiyan. Un mélange entre électro et musique traditionnelle sans grande efficacité et des thèmes redondants qui ne fonctionnent jamais totalement.

Vettaiyan Rajinikanth action
De quel bois je me chauffe

CHEVAL DE TROIE

Il faut attendre près d’une heure de récit avant de comprendre que Vettaiyan manque volontairement de conviction dans son exécution de la traditionnelle formule Rajinikanth. À vrai dire, T. J. Gnanavel livre un long-métrage qui est pensé comme un cheval de Troie plutôt malin. Un faux blockbuster servant avant tout à mener le public vers une réflexion sociale et politique qui dépasse largement le simple divertissement.

Après avoir mené le public sur une route très familière, le film vient courageusement questionner la glorification des violences policières. Il nous fait alors réfléchir sur le spectacle de sa première heure, mais plus généralement sur le rapport ambigu du cinéma populaire indien à cette institution et au fameux monopole de la violence légitime. Choisir Rajinikanth pour un tel projet, l’homme qui a incarné durant des décennies des héros flics violents mais justes, devient alors un choix brillant.

Vettaiyan Rajinikanth Dushara Vijayan
Une deuxième lecture bien plus intéressante

Le long-métrage nous propose également un message plus global sur la corruption ainsi que la complexité du système judiciaire indien et des luttes de classe. Par moments, on retrouve l’immense cinéaste qui nous offrait il y a peu le sublime Jai Bhim, peut-être un des plus grands films politiques de ces dernières années. Et c’est lors de ces séquences que l’on retrouve un T. J. Gnanavel pleinement investi, capable d’une grande maîtrise technique.

La plus grande qualité de Vettaiyan devient cependant sa limite principale. Toute la dichotomie du film réside dans cet affrontement entre la recette qu’il applique et son envie de la détourner. Pour divertir son public, le cinéaste doit mettre en scène ce qu’il dénonce. Les deux intentions semblent alors incompatibles. On pourrait y voir une forme d’hypocrisie, mais c’est surtout de la maladresse. T. J. Gnanavel a tenté un pari fou qui aurait pu nous offrir une des plus belles réussites de l’année à Kollywood. Le résultat n’est malheureusement pas à la hauteur de son potentiel.

Vettaiyan poster FR
Rédacteurs :
Résumé

Vendu comme un typique blockbuster d’action à la gloire de Rajinikanth, Vettaiyan est partiellement détourné par T. J. Gnanavel pour nous offrir une réflexion théorique passionnante. On ne peut que regretter de voir le cinéaste embarrassé entre un cahier des charges trop pesant et son envie d’imposer une vision d’auteur unique. Sur papier, c’est un acte pirate passionnant. À l’écran, le résultat est bien plus mitigé.

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jaksparow

Merci de parler de ce film. En ce qui me concerne je ne suis pas d’accord avec la critique. Ce film est un bijoux de le pop culture indienne, entre musique, bastonnade, deux trois vannes, un brin de tragédie et de moral, la formule est gagnante. Il faut comprendre que Rajinikanth dans notre culture c’est un peu notre sangoku, notre Iron man, notre belmondo, notre super héros. Personne ne recherche de logique, on vient en prendre plein la vue et se réjouir de le voir évoluer dans des aventures comme celle-ci. Mais il est certainement difficile de percevoir d’un point de vue occidental l’essence de ce cinéma.
l’histoire est cohérente amene une réflexion, mais les scènes d’élévation de Rajinikanth sont extraordinaires boostées par la musique du film et puis ce nouveau style avec les lunettes une tuerie que seul un vrai fan peut comprendre j’imagine.
Le vettaiyan c’est de la bombe!. 😎🔥❤️⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

dutch

Avec la photo de l’article j’ai cru qu’il s’agissait d’un biopic sur George Michael 🙂