Okja : critique cochonne

Chris Huby | 28 juin 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Chris Huby | 28 juin 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Réaliser un film écolo à base de cochon industrialisé et de petite fille traumatisée, voilà le défi corsé qu'a relevé le metteur en scène coréen Bong Joon-Ho. Mija est une petite coréenne qui vit avec son meilleur ami, un cochon géant. Mais l'industrie qui l'a créé compte l'abattre pour en faire un bien consommable. Okja est donc le premier film Netflix projeté au festival de Cannes, à l’origine d’une polémique dont les conséquences sont encore floues. Que vaut le nouveau long-métrage de l’auteur de Memories of Murder et du Transperceneige ? 

L'HISTOIRE SANS FIN DE MON VOISIN OKJA

Alors que la rumeur annonçait une version légère et positive de The Host, nous sommes face à un  film qui oscille entre mélancolie, poésie et satire burlesque. Son écriture de prime abord toute en simplicité charrie néanmoins pourtant des thématiques profondes. La petit Mija semble en effet vivre dans un paradis écologique en symbiose avec son encombrant compagnon, refoulant un lourd passif lié à la disparition de ses parents. Okja, difforme et attentionné, monstrueux et tendre à la manière d'un Totoro ou du dragon velu de L’Histoire sans Fin sert donc de béquille émotionnelle autant que d’objet d’amour transitionnel à notre héroïne. D'emblée sympathique, la grosse bestiole traverse l'histoire comme une anomalie produite par le système tout autant que comme antidote à celui-ci. 

 

Photo Tilda Swinton

 

Lorsque l'industrie veut récupérer Okja pour le débiter en jarret, Mija s'emploie à tout faire pour l’empêcher. Débarque alors une bande de farfelus écolos qui veulent l'aider, des activistes libérateurs d'animaux, dont le leader est campé par un Paul Dano drôlatique. Face à eux, l'industrie agroalimentaire retorse, symbolisée et incarnée par une Tilda Swinton inquiétante à souhait. Aux côtés de cette dernière, Jake Gyllenhaal affiche une fois de plus son talent dans un rôle de présentateur télé raté qui fera le lien entre la réalité d'une campagne profonde et le rêve trafiqué d'une industrie obsédée par le profit.

 

Photo Paul Dano, Steven Yeun

 

DANS LE JOON HO, TOUT EST BONG

Le ton se veut très premier degré, instantanément divertissant, conséquence probable de l’expérience compliquée de Bong Joon-ho sur son dernier long métrage. Une volonté d’épure et prime à l’entertainment qui ne font que renforcer l’impact émotionnel, la visée politique et la maîtrise formelle du cinéaste. Qu’il traduise à l’écran l’infinie tristesse de Mija, qu’il s’agisse des séquences au cœur des camps d’abattage ou des plongées bucoliques dans une nature magnifiée, l’artiste nous immerge avec évidence dans un univers de pur cinéma.

 

Photo Ahn Seo-hyun

 

Le métrage propose des moments d'une richesse graphique inouïe. La photo, magnifique, est par ailleurs signée Darius Khondji que l'on n'attendait d'ailleurs pas forcément sur ce type de production, aux antipodes de la confection rugueuse et artisanale d’un Lost City of Z, sa dernière lumineuse performance. Les quelques séquences d'actions sont là pour rappeler que sans découpage, mouvements, virtuosité numérique et effets de style ne sont rien. La maestria et l’aisance du coréen sont toujours aussi étonnantes et confirment qu'il s'agit de l'un des meilleurs réalisateurs en activité.

 

Affiche

 

 

Résumé

Netflix réussit donc son pari de signer un grand metteur en scène pour un spectacle puissant et accessible, qui ne prend pas ses spectateurs pour des imbéciles. Si Netflix poursuit son aventure en prenant ce genre de risques calculés à l'avenir et en continuant à y mettre les moyens, la plateforme achèvera de se transformer en support concurrentiel pour les studios, obligés de reconsidérer leur (non)politique des auteurs. Le festival de Cannes s'ouvre ainsi à la diffusion d'un nouveau partenaire de cinéma, qui surprend ici par son originalité et une prise de risque réussie.

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commentaires
SBY59TH
06/07/2017 à 11:43

Quelques bonne idées de mise en scène, du second degré et un casting de luxe ne peuvent faire oublier la bêtise hallucinante du récit. Des effets spéciaux médiocres. Trop sage pour les grands, trop bizarre pour les petits, personne n’y trouvera son compte. La bienveillance des critiques pour ce film est incompréhensible…

"un spectacle [...]qui ne prend pas ses spectateurs pour des imbéciles"

La je ne suis pas d'accord. Impossible d'oublier qu'on regarde un film à propos d'un super cochon en images de synthèse...

majorfatal
29/06/2017 à 15:46

Y aura t'il un blu ray? Et dans combien de temps?

Kolby
28/06/2017 à 23:48

Bon realisateur, bon film. Se referer à sa filmologie qui pour moi m'ont toijourscenthousiasmé. J'espère que je ne serai pas déçu avec okja

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