Critique : 24 jours, la vérité sur l'affaire Ilan Halimi

Sandy Gillet | 30 avril 2014
Sandy Gillet | 30 avril 2014

C'est un véritable sentiment de colère qui nous étreint à la découverte de 24 jours. Une colère blanche qui laisse d'abord sans voix puis vous assomme. Ensuite, il suffit de repenser au champ de bataille jonché de symboles cinématographiques et communautaristes putréfiés pour que le tout remonte à la gorge. Et on a beau fermer la bouche, on ne peut s'empêcher de vomir tout son saoûl cette vision d'un cinéma pris en otage au service d'une dialectique immonde, car laissée aux mains de personnes que l'on peut qualifier de criminelles.

 

24 jours raconte l'histoire d'Ilan Halimi qui, enlevé le 20 janvier 2006, fut retrouvé le long d'une voie de chemin de fer le 13 février à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne). Il succombera peu de temps après à ses blessures provenant d'actes de torture caractérisés et motivés par un antisémitisme jusqu'au-boutiste. Par la suite, 19 personnes sur les 29 inculpées ont été condamnées dont Youssouf Fofana, présumé chef du « gang des barbares ». Le scénario du film est basé sur le livre éponyme co-écrit par la mère d'Ilan, Ruth Halimi. Celle-ci a également co-signé le scénario. Alexandre Arcady explique pourquoi il tenait à adapter cette histoire : « J'ai fait 24 jours pour laisser une trace et dire la vérité, pour que cette tragédie ne tombe pas dans l'oubli. Aujourd'hui, quand vous parlez d'Ilan Halimi, peu de gens se souviennent de son nom. En revanche, quand vous évoquez le gang des barbares, quelque chose résonne. C'est paradoxal de penser qu'en France les bourreaux sont plus connus que les victimes. »

À l'évidence, le point de départ de tout cela était vertueux voire d'utilité publique serait-on tenté d'affirmer. Mais vouloir confier le projet à Panzer Arcady, c'était déjà se fourvoyer (un peu). C'est qu'avec tout le respect que l'on peut avoir pour sa carrière, il est difficile de voir dans la filmo du bonhomme une once de subtilité. L'homme derrière la caméra a en effet toujours enfoncé les portes ouvertes, provoquant au mieux l'hilarité de bon aloi et au pire la consternation. Avec 24 jours, on est passé à l'étape supérieure, l'effroi. Et ce, dès les premières images, quand Zabou Breitman face caméra dévide un monologue déjà consternant mais qui ne sera rien devant celui asséné en fin de film, tel un monumental doigt d'honneur à toute volonté de prise de hauteur et d'apaisement.

On peut, on doit tout pardonner à une mère qui a perdu un enfant et encore plus dans de telles circonstances. Le livre subséquent en devient une sorte de défouloir cathartique certainement indispensable à une hypothétique reconstruction. Mais en tirer un film ainsi réalisé, en dépit de toute forme de professionnalisme, en devient d'abord gênant puis très vite révoltant car le résultat va justement à l'encontre du devoir de mémoire qui sous-tend tout le projet. Arcady torpille ainsi tout ce qui bouge, à commencer par sa direction d'acteurs qu'il a pour le coup décidé de laisser aux vestiaires. À ce titre, il faut voir « les scènes de commissariat » pour le croire, où tout sonne tellement faux et creux que l'on se surprend à ricaner alors que franchement, le sujet ne devrait pas s'y prêter. Ensuite, que dire de certaines séquences comme celle où l'acteur incarnant Fofana se « débarrasse » d'Ilan. En quoi cela peut-il faire avancer le schmilblick ? On pense alors à ces reportages foireux qui polluent les chaines de la TNT, à longueur de soirées où, quand on est en manque d'images chocs, on passe à la phase dite de « reconstitution filmée ». C'est aberrant et contre toute grammaire propre au cinéma où, pour le coup, l'ellipse est d'une force incommensurablement plus efficace dans ce genre de cas.  

Les exemples de ce type sont légions et pourrissent un film sémite et communautariste qui prête alors tout naturellement le flanc à l'antisémitisme. Non qu'il faille polir dans le sens du poil. Car qui est relaté a bien eu lieu et constitue une tache indélébile (encore une après au hasard, la collaboration et avant l'affaire Merah) définissant malheureusement trop bien ce qu'est notre société aujourd'hui : entre intégration qui ne fonctionne plus, un racisme ordinaire de plus en plus prégnant et un antisémitisme séculaire larvé. Non qu'il faille cacher cela sous le tapis. Bien au contraire. Mais de là à balancer cette poussière noire à la gueule du spectateur sans autre forme de procès que de chercher à faire du sensationnel de bas étage, il y a là une démarche nauséeuse, primaire et dangereuse (qui a dit mercantile ?) que l'on ne peut que condamner absolument. Une volonté s'apparentant à une prise de parole destructrice et haineuse qui n'aboutit finalement qu'à la seconde mort d'Ilan Halimi.

 

 

En bref : 24 jours ou comment ruiner de louables intentions de départ en 110 minutes de nullité crasse. On n'est pas déçu. On est juste ultra en colère contre Alexandre Arcady, pas à la hauteur de ce qui devait être au moins un devoir de mémoire...

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commentaires
Marioz
17/07/2018 à 02:53

Je suis d'accord avec cette critique, ce film est trop communautaire pour être un support mémoriel universel.

C'est ce qui a conduit ce film au fiasco commercial qu'il a connu malgré l'incroyable promotion faite dans tout les médias.

Mais rien ne peut sauver un film raté.

Ellysn
11/07/2016 à 14:07

Il est peut-être un peu tard pour vous répondre mais je viens de lire votre critique.
Parlons en de votre critique, pleine de métaphore "nauséabonde". Je dois avouer ne pas vous comprendre. Je pense que la forme du film peut être discutable, même si, personnellement, je l'ai trouvé magnifique et que j'ai trouvé les acteurs parfaitement convaincant, ce n'est que mon avis. Revenons a cette critique abjecte, madame je ne sais quoi vous dire a part que pour moi, soit vous n'avez rien compris au film, soit vous êtes assez antisemite pour détruire ce film et tout ce qu'il représente.
Voila tout ce que j'ai à dire, sur ce, au revoir

Athl
03/11/2014 à 23:38

Madame,
Avant de visionner le dernier long métrage d'Alexandre Arcady, j'avais parcouru quelques critiques a priori avisées, positives comme négatives. J'avais retenu la vôtre, somme toute particulièrement radicale, mais assez percutante pour bien vouloir lui accorder du crédit. Je dois avouer qu'après avoir vu, à l'instant, "24 jours", il me semble qu'il n'y ait rien à y rajouter. Excepté ceci : vous êtes une parfaite imbécile.
Cordialement

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