Critique : Aimer, boire et chanter

Sandy Gillet | 26 mars 2014
Sandy Gillet | 26 mars 2014

Aimer, boire et chanter n'est pas l'épitaphe d'une filmographie sous le signe du mouvement perpétuel au sein des mêmes obsessions et thématiques. Chaque film d'Alain Resnais annonce en effet le suivant comme un appel d'air vital qui lui a permis d'exercer sa passion jusqu'à ses 91 ans. Pourtant, Aimer, boire et chanter restera sans suite son titre devenant le mantra d'une œuvre et d'un homme trop hâtivement rangé du côté des intellectuels de notre cinéma.

C'est la troisième fois qu'Alain Resnais adapte un texte du dramaturge britannique Alan Ayckbourn, après Smoking/No smoking et Cœurs. Et le moins que l'on puisse dire c'est que l'on est en terrain connu quand ses deux derniers films tentaient de s'extraire d'une routine formelle avec des hauts (Les herbes folles) et des bas (Vous n'avez encore rien vu). Chose que l'on ne pourra jamais reprocher au cinéaste et encore moins ici de revenir à quelque chose qu'il aime, maîtrise et démocratise. L'histoire, sous ses airs de vaudeville à l'anglaise, s'apparente aussi à une ritournelle fantaisiste qu'il serait bien pusillanime de ne pas apprécier. D'autant qu'à l'écran Resnais innove toujours. Il y a d'abord les décors esquis, que le très joli travail sur la lumière finit par animer de perspectives bluffantes. Et puis Resnais sait comme toujours donner vie à ses dialogues via sa troupe d'acteurs au garde-à-vous. Seul Arditi a pris le maquis au profit de la « nouvelle venue » Kiberlain qui le « remplace » avec beaucoup de charme. Il y a enfin l'amour de l'auteur pour la BD (une nouvelle fois Blutch) qui se manifeste ici depuis l'affiche jusqu'aux interludes de géolocalisation qui ponctuent le film tel un métronome d'un autre temps.

Alors bien entendu les plus chagrins regretteront cette non-fuite en avant doublée d'un retour en arrière pour qui connaît à merveille le travail d'Alain Resnais. On l'a en effet connu beaucoup plus inspiré, voire plus aventureux. On a même l'impression que l'homme se fait plaisir et qu'égoïstement il désire uniquement prolonger le récit à l'envi. Point de testament donc ici (Nuit et brouillard en fut déjà un en son temps). Juste le désir de prolonger encore un peu un bien-être de cinéma dont il aurait bien tort de se priver. Au détour d'un plan subliminal, on pourra lui rendre son clin d'œil d'enfant toujours aussi malicieux, tout en retenant autant que faire se peut une larme. On s'en voudrait de gâcher le banquet d'adieu à la gauloise même si Monsieur Resnais, vous nous manquez déjà beaucoup trop.

 

En bref : Resnais revient ici à un cinéma plus conventionnel, de celui qui le fit connaître d'une nouvelle génération avec Smoking/No Smoking. Ce n'est donc pas surprenant mais ludique, malicieux et dorénavant tristement savoureux.

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