Critique : Le Grand cahier

Maryne Baillon | 19 mars 2014
Maryne Baillon | 19 mars 2014
Bien avant de réaliser Les garçons Witman qui racontait déjà l'histoire de deux frères livrés à eux-mêmes, le hongrois János Szász tentait d'obtenir les droits du best-seller d'Agota Kristof. Vingt ans plus tard, il réalise enfin Le grand cahier, premier tome de « La trilogie des Jumeaux » dans un rapport de proximité avec l'auteur qui lui permet d'apporter à cette oeuvre une belle authenticité en usant d'une mise en scène rigoureuse et inventive et d'une direction d'acteurs irréprochable.

Pour révéler la noirceur de cette histoire, il fallait trouver les jumeaux capables d'incarner des monstres solitaires abîmés et durcit par la guerre. Ces deux perles, János Szász les a trouvé dans un village d'une région très pauvre de la Hongrie, rompus très jeunes à une vie difficile et un travail de dur labeur. Les deux acteurs en témoignent à travers un regard naturellement sombre et impassible, qui révèle une forme d'intrépidité instinctive. Il fallait autant d'aisance pour porter à bout de bras cette sombre histoire. Réfugiés chez leur grand-mère, cruelle et avare, pendant que la guerre gronde, les enfants vont devoir apprendre à vivre loin de leur confort d'autrefois pour embrasser les soupes douteuses et les nuits sur des paillasses infâmes. À mesure que cette nouvelle vie piétine leur innocence, ils vont enfermer leurs sentiments dans une forteresse intérieur, rejeter toute morale et toute valeur pour accepter de nouvelles priorités : survivre au froid, la faim et aux cruautés quotidiennes.

Le grand cahier impressionne par la justesse de son propos et par une solide maîtrise technique. Le langage filmique définit par János Szász est à l'image de l'atrocité émergente des jumeaux : sobre, inventive et d'une absolue noirceur. Cette évolution permanente des personnages est racontée intelligemment à travers les pages d'un cahier usé par le temps dans lequel les garçons écrivent quotidiennement leurs aventures, seul témoin de ce que la guerre a détruit chez eux. Au fur et à mesure les mots se font rares et en disent moins que les scarabées écrasés sur les feuilles du carnet. Cette subtilité dans la mise en scène manifeste l'envie chez le réalisateur de communiquer par l'image plutôt que par les dialogues, pour déjouer la brutalité et la douleur de certaines scènes sans pour autant la cacher.

En bref : Un récit riche et intelligent qui fait apparaître ce qu'est la guerre, ce qu'elle détruit et son influence sur l'homme, capable en ces temps sombres de notre histoire de se débarrasser de toute trace d'humanité.

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