Films

Jacky au royaume des filles : Critique

Par Geoffrey Crété
28 janvier 2014
MAJ : 27 septembre 2023
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2009. Premier essai, premier succès pour Riad Sattouf, auteur de bande dessinée passé derrière la caméra avec Les Beaux Gosses. Plus de 900 000 entrées, un César du meilleur premier film et un statut d’œuvre culte plus tard, il refuse de céder à la facilité avec Jacky au royaume des filles, pari risqué d’une farce dystopique à rebrousse-poil de la comédie française ordinaire — celle qui inonde les écrans et alimente le mépris des cinéphiles.

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Cousin de Cendrillon envoyé dans la Belgique de Pascal Brutal, Jacky est ainsi né en république démocratique et populaire de Bubunne, pays jumelé avec une improbable Corée du Nord islamique, où l’homme est asservi par la femme. Un moteur comique qui servira de toile de fond à un univers truffé de détails : le chef de famille sera la mère, qui rentre mettre les pieds sous la table, tandis qu’un mâle servira l’habituelle mixture nationale, distribuée par la république via de gigantesques robinets privés.

Ce vestige du bloc soviétique, où l’on parle un dialecte proche du français, se réveillera pour un bal exceptionnel, organisé par la colonelle pour trouver un mari à sa fille, qui lui succédera. Ou comment renverser les codes rétrogrades du conte de fées, imprimés au marteau piqueur dans la conscience collective.

 

 

 

Armé d’une brillante idée incarnée dans un formidable univers, Riad Sattouf s’embarque néanmoins dans un voyage sans retour, la faute à un scénario indigeste plombé par un cruel manque de dramaturgie. Bloqué par l’appel du rire, il sacrifie ses personnages, ainsi réduits à des façades vides. Jacky n’éprouvera donc aucune culpabilité à condamner son oncle chéri, et vivra un deuil express à la disparition de sa mère, alors que sa personnalité est bâtie sur ces deux figures.

La maladresse du scénario s’amplifiera au fil des péripéties, jusqu’à un matricide final qui ouvre trop tard une facette sous-exploitée de l’histoire. Mais le réalisateur s’embarrasse en premier lieu d’un héros monolithique, pas aidé par un Vincent Lacoste devenu ringard à la vitesse éclair. Reste la belle troupe de comédiens, avec Anémone et Hazanavicius au palmarès des idées étincellantes, et quelques instants de grâce dans le décor du palais.

 

 

 

Mais avec la toute dernière image du film, au sous-texte d’une brutalité insoupçonnable, se pose une question : pourquoi Riad Sattouf a-t-il réalisé une comédie saupoudrée de dystopie satirique, et pas le contraire ? C’est là toute la tragédie de ce royaume désenchanté, ni assez drôle pour être une comédie, ni assez palpitant pour être une aventure. Restent alors les ambitieuses promesses d’un univers original, suffisamment brillantes pour surpasser la banale concurrence.

 

 

Rédacteurs :
Résumé

Jacky au royaume des filles a des tas de défauts. Mais il a surtout de grandes ambitions et de bien belles idées.

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