Critique : Pinocchio

Nicolas Thys | 12 mars 2013
Nicolas Thys | 12 mars 2013

Sur le papier, le projet de ce Pinocchio avait tout de la gageure mais en même temps restait la possibilité d'un coup d'éclat. Malheureusement, c'est plutôt la première impression qui est restée. Enzo d'Alo avait réalisé, voilà une douzaine d'années, un film simple mais réussi pour les plus petits, La Mouette et le chat déjà une adaptation mais d'un conte de Luis Sepulveda. L'intérêt de ce film, dont l'animation n'était pas toujours parfaite, résidait dans son utilisation des couleurs et d'une ligne uniforme où personnages et décors se confondaient sans problème.

Retour à Pinocchio. En tant qu'italien, adapter l'œuvre la plus célèbre Carlo Collodi, est une entreprise périlleuse. C'est un retour aux sources mais également la confrontation avec une œuvre qui est entrée dans le patrimoine littéraire ; et c'est se frotter à un matériau déjà maintes fois utilisé par d'autres avant lui. Tout le monde connait la version des studios Disney, d'autres celle en prises de vues réelles de Luigi Comencini mais si ce sont les meilleures, ce sont loin d'être les seules.

Afin de ne pas partir de rien et d'avoir, pour l'accompagner, une idée assez précise des images qu'il aimerait voir dans son film, le cinéaste s'est entouré de Lorenzo Mattotti, très certainement l'un des plus grands illustrateurs et coloristes actuels. Depuis 25 ans ses bandes-dessinées sont des merveilles graphiques et formelles, il connait un peu le cinéma pour avoir réalisé l'un des court métrages de Peur(s) du noir et avoir créé les liens des trois épisodes d'Eros et parmi ses œuvres illustrées importantes figurent un Pinocchio sorti en 1990 en France et qui n'a d'égal que celui, plus récent et plus sombre de l'animateur Gianluigi Toccafondo dont on attend encore une version française.

Le seul problème pour Enzo d'Alo c'est que si l'œuvre saisissante de Mattotti se prête parfaitement au format de l'illustration fixe (voir, ces derniers mois, les couvertures du Magazine littéraire), à laquelle il adjoint un mouvement interne, à la bande dessinée et à son mouvement graduel de case à case, ou encore à de l'animation abstraite sous forme de métamorphoses, il est difficile de l'imaginer dans le cadre d'un film long où il partagerait l'affiche avec un autre type de dessin. C'est ce qui s'est produit et qui a engendré la plus grande faiblesse de l'œuvre : l'inadéquation totale des décors fixes dessinés par Mattotti avec les personnages réalisés et animés par le reste de l'équipe technique. Les graphismes ne collent pas l'un à l'autre et ce Pinocchio ne fait que prouver l'incompatibilité totale de l'œuvre de l'illustrateur italien avec un format d'animation plat au mouvement minimal et réalisé à l'ordinateur.

Personnages et décors semblent issus de deux univers opposés, de deux mondes qui ne peuvent et ne pourront jamais communiquer réellement l'un avec l'autre. Et pourtant certaines idées scénaristiques étaient bonnes et le cinéaste n'a pas hésité à coller au plus près de l'œuvre de Collodi contrairement à Disney par exemple. Reste que la forme ne va pas. Peut-être aurait il fallu s'inspirer simplement de Mattotti sans utiliser sa technique graphique ou vouloir recopier son album, ou partir dans une autre direction comme l'a fait Toccafondo dans son court métrage de 6 min inspiré de ses illustrations. En tout cas, ce long métrage est une déception.

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