Abraham Lincoln, chasseur de vampires : critique des dents du navet

Simon Riaux | 8 août 2012 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 8 août 2012 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Abraham Lincoln : Vampire Hunters était une promesse, naïve et simple, l'engagement de concocter une recette connue de tous : celle du gros nawak des familles. Avec son postulat délirant, ce biopic d'action azimutée se devait de respecter quelques règles pour s'assurer notre bonheur : nous raconter une histoire stupide sans jamais nous prendre pour des imbéciles, jouer la carte du divertissement efficace plus que facile, et enfin embrasser totalement son sujet, afin de nous cramer les rétines à coups de relectures historiques jubilatoires. Hélas, Timur Bekmambetov n'ayant aucune idée de comment mettre en scène un film, ni mener un récit à bien, l'expérience est plus proche du chemin de croix que de la virée jouissive.

 

photo, Benjamin Walker

 

Car Timur a tragiquement mauvais goût, à l'heure où plus personne à part Guy Ritchie (c'est dire) n'ose imbriquer ralentis et accélérés, il en caviarde son film, qui devient instantanément encore plus ringard que les resucées de Matrix et autres poilades numériques à la 300. Encombré de ses très laids décors numériques, il les fait disparaître presque à chaque fois qu'un combat a lieu (très souvent donc), résultat : on observe de malheureux échalas s'affronter à coups de poses minables devant un écran de fumée qui vous rappellera plus quelques soirées honteuses en boîte que votre dernier combat de rue. Côté spectaculaire, il faudra donc se faire une raison, le spectateur n'aura rien de mieux à se mettre sous la dent qu'un duel où l'on se frappe à coups de chevaux (sic), idée stupidement drôle, mais ici traitée avec un sérieux papal qui brise toute tentative de fun, tandis que la laideur des effets spéciaux achève de nous crever les yeux.

 

 

photo

 

Les personnages sont traités avec aussi peu d'égards. Sachez que le titre du film est largement mensonger, puisque dans l'absolu on ne traite quasiment pas de Lincoln. En effet, nous suivons le personnage jeune homme, alors qu'il n'est pas rentré en politique, avant d'assister à une embarrassante ellipse, qui nous propulse dans les derniers jours de sa présidence. On vous passera le détail des derniers rebondissements du scénario, du traitement de Dominic Cooper, lequel passe sa première scène à se barbouiller de crème solaire (comprends-tu spectateur le subtil message que t'assène Timur à coup de bulldozer ?). Abraham n'est donc jamais Lincoln, son mentor est une sorte d'avorton priapique, mais le pire traitement est réserver à sa femme, l'irrésistible Mary Elisabeth Winstead, gratifiée du maquillage le plus loupé de la décennie.

 

 

Affiche fr

 

Résumé

On pourrait encore déverser un peu de fiel sur la relecture idéologiquement infâme que le film fait du massacre des indiens ou encore de la guerre de Sécession, mais l'honnêteté nous force à évoquer les rares réussites du film, à savoir son excellent, quoique sous-employé, acteur principal, et une poignée de plans d'introduction, qui se font un plaisir de détourner de grandes œuvres picturales classiques, telles le Déjeuner sur l'herbe. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas demain la veille que Timur emballera un truc qu'on puisse qualifier de film.

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Lecteurs

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commentaires
Flo
21/03/2023 à 13:34

Adapté d’un roman presque uchronique (et assez ridicule, de l’aveu même de son auteur Seth Graham Greene), imaginant que les vampires ont croisé la route du futur Président des États-Unis… et qu’il les a bien défoncé, tant qu’on y est.
En mode « F#ck l’Histoire vraie, c’est trop chiant ! ».
Tout est pourtant là dans ce scénario : les rapports entre les oppressions que les humains s’infligent les uns aux autres depuis des siècles, et le fait que ces prédateurs « au dessus de la chaîne alimentaire » en soient si désabusés que certains en profitent pour participer à l’esclavagisme…
Cette idée intéressante de voir qu’il existe une communauté d’individus aussi puissants parce-que… il leur est impossible de s’entretuer, eux…
Le dilemme quant à savoir si on doit quand-même intervenir et changer un statu-quo, même si ça doit mener à des sacrifices tragiques…
Le parallèle entre l’immortalité par la condition physique, et celle qui advient par la grandeur des actes.

Ça a l’air bien, pas trop tiré par les cheveux… Sauf que l’exécution est complètement bancale. Timur Bekmambetov ne peut toujours pas s’empêcher de mettre en scène des vampires faisant du kung-fu (!) au ralenti, avec des tas d’effets numériques moches, le tout étant illisible.
Ce qui gâchent toutes les scènes intimistes qui, elles, sont faites avec plus de retenue et de joliesse, comme si on était dans la continuité de « Vers sa destinée » de John Ford. Avec la même ambition d’humaniser un Lincoln depuis longtemps statufié, en mettant en avant le côté nécessairement roublard de « Abe l’honnête », et une tendre gaucherie – qui devient ici typique d’un super-héros.
Benjamin Walker, grimé, ayant surtout de faux airs de Liam Neeson, on est tout de même dans de la série B brutale mais jamais perturbante, qui a le tort de vouloir se croire plus sensible qu’elle n’est. Et créant même de la gêne par instants lorsque les vampires se font responsables de certains drames très humains.
Impossible alors de prendre ça au second degré, on en est réduit à ne retenir que le bon (surtout Mary Elizabeth Winstead) au milieu de cette tambouille… Et à se demander si aurait été peut-être plus facile dans un film d’action asiatique, bien exotique, même avec des bastons où on s’envoie des chevaux à la figure.

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