Critique : Un balcon sur la mer

Sandy Gillet | 15 décembre 2010
Sandy Gillet | 15 décembre 2010

Une affiche insipide : Jean Dujardin en tête de gondole (oui, encore !) et une Marie-Josée Croze dans l'ombre (petit sourcillement d'intérêt tellement l'actrice d'origine canadienne ne laisse jamais insensible). Pas de quoi s'émoustiller plus que cela d'autant qu'aux manettes de ce Balcon sur la mer on retrouve Nicole Garcia dont le parcours en tant que réalisatrice certes en tous points respectable, véhicule tout de même un cinéma quelque peu ancré dans une tradition disons désuète pour ne pas dire d'un autre temps.

C'est au demeurant la thématique de son dernier film. Le temps et ses corollaires comme l'oubli ou la distorsion de la mémoire qui devient forcément sélective et interprétative. Ici, une enfance vécue à Alger, témoin d'un premier amour (celui qui façonne une personnalité en devenir) qui se termine en tragédie. Aujourd'hui (dans les années 80 en fait), Marc est un agent immobilier aux revenus confortables habitant le Sud de la France. Marié et père de famille, il mène une vie accomplie et épanouie. Mais c'est donc sans compter ce passé qui ressurgit en la personne de Marie-Janne, cet amour d'enfance, ce grain de sable qui va enrayer cette plénitude de façade. Un fantôme en fait, puisque censée être morte avec sa famille dans un attentat.

Et Nicole Garcia de donner à cette histoire de souvenirs maladroitement enfouis qu'il faut affronter en un présent douloureux (comme après un long coma), une amplitude que l'on ne lui connaissait point. Usant et abusant pourtant d'une mise en scène des plus classiques, elle arrive à donner corps à ses acteurs (on n'avait pas vu Dujardin aussi concerné depuis  Contre enquête. Le bruit des glaçons restant une perf d'acteur), filmant les regards et les intentions avec une belle subtilité. Marie-Josée Croze y est tour à tour sensuelle, mystérieuse, passionnelle... Bref elle irradie de sa présence un film qui gagne en intensité à chacune de ses apparitions (oui, on peut soupçonner l'auteur de ces lignes d'être tombé amoureux). Garcia s'assure ensuite l'adhésion définitive du spectateur par sa propension à ne pas tomber dans le thriller de pacotille en distillant avec tact et beaucoup d'adresse les avancées de son histoire.

La dernière partie (à l'exception du plan final complètement raté) est à ce titre exemplaire quand Marc revient sur les lieux de son enfance en une sorte de pèlerinage des sens et de la mémoire. La caméra de Garcia y est on ne peut plus discrète laissant à l'acteur Dujardin une liberté d'expression luxueuse pour qui sait en tirer profit. Une confiance « aveugle » en son sujet et en ceux qui le verront dans les salles donnant le pedigree d'un film magnifiquement tenu et définitivement à part.

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