Critique : Le Dernier été de la Boyita

Manon Provost | 7 septembre 2010
Manon Provost | 7 septembre 2010

« Si les grands-mères ont des moustaches, pourquoi les hommes ne pourraient-ils pas avoir des seins ? ». Lâchée innocemment par l'héroïne du film, cette phrase a de quoi nous faire sourire avant de résonner avec plus de gravité dans nos esprits. Car lorsqu'on perçoit la volte-face de la réplique, cette phrase dite en l'air prend la teneur angoissante d'une réalité parfois difficile à concevoir et donne au film tout son sens. La phrase nous fait vaciller et devient l'essence même d'un film audacieux, qui fait le pari de filmer une vérité dissimulée sans la violer. Avec justesse et pudeur, Le dernier été à la Boyita fait état d'une saison chaude (découverte de l'amour et du désir), où tout s'apprête à changer... 

Une maison de vacances et de grandes étendues à perte de vue, Jorgelina (Guadalupe Alonso) a préféré se plonger dans l'immensité désertique de la campagne argentine, plutôt que dans les rouleaux salés des plages surpeuplées et encombrées. Fuyant ‘la Boyita', une roulotte plantée au beau milieu du jardin familiale, sanctuaire d'une complicité passée avec une sœur aujourd'hui distante, Jorgelina retrouve son père, fraichement séparé de sa mère, et Mario (Nicolas Treise), le fils des voisins avec lequel elle s'apprête à passer l'été. Mais Mario n'est pas un garçon comme les autres. Saisi par la transformation d'un corps qui, petit à petit, lui échappe totalement, Mario est, inexorablement, contraint de se mouvoir dans une enveloppe charnelle devenue double X.

Sans hystérie, sans cri, à peine quelques larmes échouées sur la joue pâle d'une mère impuissante, Le dernier été à la Boyita fait l'expérience d'une mise en scène sobre et maîtrisée, où la parole est laissée aux enfants. Le film se déroule lentement, au rythme des questionnements qui s'immiscent progressivement dans l'esprit curieux de têtes juvéniles bien faites. Saisissants, les enfants s'emparent de l'écran et réussissent à concrétiser la pensée  d'une cinéaste de la pudeur devenue crue, où la vérité est effleurée pour mieux être acceptée. Subtilement dosé, le film distille les éléments de la narration par petites touches. La vérité n'est qu'un détail qui sert à nous mener vers le véritable enjeu du récit : la tension entre deux sphères diamétralement opposées : celle des chérubins (chéris par la réalisatrice), où tout est acceptable et envisageable, et celle des parents, où se mêlent répulsion, violence et incompréhension.

Délicat, efficace et sans faux-pas, Le Dernier été à la Boyita est, pour un second film, un "exploit" à saluer. Masculin, féminin, le corps change, l'âme reste immuable.

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