Critique : Chaque jour est une fête

Par Thomas Messias
28 janvier 2010
MAJ : 15 octobre 2018
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Le choix d'un titre est une étape essentielle, trop souvent prise à la légère, de l'élaboration d'un film. Sans dire que Dima El-Horr n'y a pas réfléchi, on peut envisager le fait qu'elle ait commis une erreur en nommant son premier long Chaque jour est une fête… . Avec cette affiche représentant trois femmes alanguies sur un canapé au milieu de nulle part, le spectateur potentiel risque de croire à coup sûr qu'il s'apprête à voir une énième almodóvarerie, cette fois à la sauce libanaise. Or il n'en est – presque – rien : Chaque jour est une fête… (brrr) est un film autrement plus original, très loin d'être parfait mais ayant au moins le mérite de tenter des choses.

Le film raconte le voyage de trois femmes prenant le bus pour se rendre à la prison des hommes, où se trouvent leurs maris. L'infortune les contraindra assez vite à poursuivre le voyage par leurs propres moyens, ce qui leur permet d'effectuer quelques rencontres et de faire le point sur elles-mêmes. Mais, plus qu'un road movie semi-pédestre, Chaque jour est une fête… a l'ambition d'être un film sur le Liban en général, pris comme ces femmes au coeur d'une tourmente qu'il n'a pas initié, sans cesse tiraillé entre un passé douloureux et un futur inquiétant, voire écartelé entre des idéologies opposées qui peinent à cohabiter. Le no man's land qui sert de décor au film traduit cette perte de repères d'une nation n'ayant jamais vraiment réglé ses problèmes. C'est sa puissance symbolique qui offre au film ses plus belles phases, Dima El-Horr parvenant à traduire le désarroi d'une population à travers le regard d'une poignée de personnages.

Le symbolisme est aussi la limite du film, tant il écrase tout le reste. On finit par se rendre compte que les femmes sont toutes décrites comme des héroïnes parcourues par un vrai questionnement intérieur, s'enrichissant au contact des autres et désirant réellement faire avancer les chose. Impossible de discuter cela ; le problème, c'est qu'en face les hommes sont soit absents, soit pervers, soit morts. D'où l'impression d'assister à un film binaire, qui en voulant faire de la femme un modèle de vertu pratique un sexisme souvent assez radical qui ne donne plus envie de croire aux personnages. C'est là toute la maladresse de ce premier long qui veut bien faire, qui veut trop dire, et qui pèche par manque de mesure. Mais la forme, pleine de jolis accidents et de plans culottés, compense allègrement les petits errements scénaristiques d'un film qui vaut tout de même mieux que son titre digne d'une chanson de Patrick Sébastien.

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