Critique : El Nino pez
Après l'excellent XXY, on attendait beaucoup du retour de Lucía Puenzo. Hélas, trois fois hélas, la réalisatrice livre avec El niño pez un film bâtard et pataud, qui ne convainc que par la qualité de son interprétation. La première bizarrerie du film est qu'il débute un peu n'importe comment, comme s'il manquait une bobine au début. Voire bien plus. L'histoire d'amour décrite, qui unit la fille d'un juge et sa gouvernante, est en effet posée en deux secondes à peine alors que c'est vraisemblablement là qu'était le sujet du film. Sauf que ce n'est visiblement pas ce qui intéresse Puenzo : elle ne s'en sert que comme le point de départ vaseux d'un polar lesbien (mais sans sexe, malgré les promesses très mensongères de l'affiche) dont on a très vite fait le tour.
Racontée en flashback (pendant un long voyage en bus, la fille du juge se souvient), l'histoire d'El niño pez
semble ne tirer aucun parti de ce traitement sur deux époques, qui
finit même par en ruiner le peu d'intérêt. Nul besoin d'être Einstein
pour avoir tout compris, et très vite : c'est le genre de film policier
où, avant même qu'il soit fait état d'un crime, on devine sans mal le
nom de la victime, celui du coupable et même le mobile. Ce qui serait
presque excusable si Puenzo ne s'obstinait à faire dans le pur film
noir, balayant du revers de la main le potentiel purement dramatique de
sa trame.
C'est déjà suffisant pour faire d'El niño pez
une énorme déception, mais on ne peut pas ne pas évoquer le pire de ses
défauts : l'onirisme et les effets visuels. L'une des deux amantes
raconte en effet à l'autre une légende, celle de l'enfant-poisson, qui
donne son nom au film. Celle-ci est assez révélatrice du passé et de
l'état d'esprit des deux héroïnes. Sauf que la réalisatrice, dans un
élan de lyrisme ou de folie, en vient à mettre cette histoire en
images, explorant les fonds marins en compagnie de cet être inventé.
Exécution calamiteuse et ridicule total de la situation ne font
qu'accentuer la consternation ressentie devant ce beau gâchis, qui ne
doit son tout petit salut qu'à la beauté fragile et à la conviction de
ses deux interprètes principales.
Lecteurs
(0.0)