Critique : Bancs publics (Versailles rive droite)
On reconnaîtrait entre mille le style Podalydès, situé quelque part entre Sempé, Tati et Desproges. Bancs publics n'échappe pas à la règle, affichant sa singularité et son originalité à la face d'un cinéma français souvent monolithique. Poda réécrit la comédie humaine sous forme d'un film à sketches, à moins que ce ne soit une pièce en trois actes : la construction mêle habilement les genres, se jouant des conventions avec une candeur rigolarde. Et c'est parti pour un défilé de gueules connues - une trentaine -, ce qui ne manquera pas de faire penser au triste Musée haut musée bas de Jean-Michel Ribes. Le schéma est d'ailleurs un peu le même, puisque le film papillonne d'un groupe de personnages à un autre, insistant sur quelques unes de leurs obsessions.
La comparaison s'arrête là :
Podalydès possède un talent inné pour faire vivre les situations et
écrire des dialogues brillamment à côté de la plaque. Très foisonnant,
le film peine cependant à trouver une vraie cohérence et à imposer son
rythme, entrant de temps à autre dans une léthargie heureusement
éphémère car rapidement interrompue par l'irruption d'une scène
hilarante ou d'un trait de génie visuel. Problème : dans tout film
"choral" qui se respecte, certains segments sont plus convaincants que
d'autres. C'est vrai ici comme ailleurs, et le monologue plein de
lapsus tendancieux de Pierre Arditi ou l'intervention courte mais
affligeante de Thierry Lhermitte font partie de ces moments absolument
indignes de leur auteur.
Le premier tiers de Bancs publics
se déroule dans un bureau, le deuxième dans un jardin public à l'heure
du déjeuner. Mais c'est véritablement le troisième qui donne au film
toute sa saveur : situé dans un magasin de bricolage, il confirme la
filiation Poda/Tati, orchestrant une chorégraphie burlesque et parfois
inquiétante autour du ballet des clients et des vendeurs. Cette
dernière partie offre au film ses moments les plus drôles et
surréalistes, et prouve une fois encore que Bruno Podalydès n'est pas
qu'un cinéaste attirant : c'est aussi un acteur renversant, avec une
gouaille teintée de douceur. Son frère Denis n'est pas mal non plus. Et
l'on quitte avec regrets cette longue déclaration d'amour à l'humain.
Regrets que le film n'ait pas su éviter les coups de mou. Regrets de
quitter certains personnages. Une impression contrastée pour un film
cependant bien difficile à oublier.
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