Critique : Le Premier jour du reste de ta vie

Laurent Pécha | 16 juillet 2008
Laurent Pécha | 16 juillet 2008

Il y a des œuvres en apparence anodine, quand on lit furtivement le pitch (ici, la vie d’une famille sur cinq jours étalée sur douze ans), qui vous bouleversent plus que de raison et vous marquent à jamais. Le Premier jour du reste de ma vie en est une. Dans ces moments là, on a alors envie d’oublier cette sorte de « devoir de réserve » du critique écrivant son papier, pour faire sauter toute idée d’objectivité et de tenter par tous les moyens de faire passer dans ces lignes le plaisir immense reçu durant les presque deux heures de projection. Pour attirer les connaisseurs, on lâche un tonitruant : « c’est le Six feet under français ». Et il y a du vrai tant les thèmes évoqués par la série d’Alan Ball sur l’inexorabilité de la vie et les liens qui unissent et désunissent une famille, trouvent un formidable écho dans la chronique aigre-douce de Rémi Bezançon.

« Cette famille, c’est la vôtre ». Une simple accroche qui claque sur l’affiche du Le Premier jour du reste de ta vie. Mais une accroche d’une telle justesse pour résumer le sommet d’émotion que constitue le deuxième long-métrage de Rémi Bezançon. En mixant avec une habilité confondante film choral et film à sketch, le réalisateur nous met face à un miroir et nous invite à retrouver notre vie dans celle de cette famille Duval. Ces cinq là, du père chauffeur de taxi incompris par les siens (impérial Jacques Gamblin) à la mère qui ne veut pas vieillir et qu’on oublie (lumineuse Zabou Breitman) en passant par Albert, frère aîné en apparence sûr de lui et en quête d’un idéal utopique (Pio Marmaï, dans des débuts fracassants), Raphaël, frère cadet rêveur se laissant bercer par les aléas de la vie (charismatique Marc-André Grondin) et la benjamine, Fleur qui veut simplement exister et grandir plus vite que la musique (intense Déborah François), on les connait tous. Soit parce qu’ils nous ressemblent beaucoup, soit parce qu’ils nous rappellent des gens qui nous sont chers.

Le tour de force du cinéaste, c’est de parvenir à ne jamais en laisser un de côté. Il a le même amour, la même tendresse pour chacun d’eux et chacun de leur tourment, chacune de leur joie deviennent alors les nôtres. Les minutes passent et on a envie que le temps s’arrête…On a envie de rester avec cette famille des plus banales et pourtant si attachante. On a envie d’alpaguer les personnes qui traversent leur vie pour leur dire de rester plus longtemps tant ceux-ci sont croqués avec une authenticité confondante (un festival de seconds et petits rôles instantanément inoubliables du fan de Jim Morisson à la guitariste au visage angélique en passant par le rasta blanc – hilarant caméo de Gilles Lellouche – et surtout le grand-père aux jugements redoutés – énorme Roger Dumas).

Transcendant constamment son récit par une mise en scène d’une intelligence prodigieuse (c’est simple, en France, on n’a pas vu depuis des années et il faut se diriger vers du Paul Thomas Anderson pour retrouver le même brio) et un goût musical sidérant (la bo est un énorme best of à elle-seule), Rémi Bezançon écrase dans l’œuf toute idée de cliché (attendez de voir les ultimes scènes du film pour voir la grandeur du bonhomme) et touche plus d’une fois au génie. Car, comment ne pas lancer un tel mot lorsque ce jeune homme parvient à tutoyer les cimes atteintes par des monstres comme Bergman (Les Fraises sauvages) et Huston (Les Gens de Dublin) lorsqu’il s’agit d’évoquer le temps qui passe alors même qu’il n’a même pas 40 ans ! Une maturité d’écriture et de mise en scène qui laissent rêveur !

Dernier paragraphe…dernière chance d’attirer le lecteur… Laissons place alors à la subjectivité la plus totale…En sortant de la salle, ému au plus profond de sa chair, l’auteur de ces lignes a ressenti qu’il s’agissait peut être du premier jour du reste de sa vie (cinématographique). Quelques semaines plus tard au moment de clore sa critique, ce sentiment est plus que vivace. C’est même désormais une certitude !

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