On se demande souvent en quoi consiste la magie du cinéma, ce pouvoir d’attraction presque irréel qui fait que l’on s’attache éperdument à un film. A voir La Graine et le mulet, la réponse semble simple : la foi inébranlable d’un artiste en son histoire et sa capacité à en transmettre les émotions.
Transportant littéralement ses spectateurs au cœur d’une (grande) famille maghrébine du sud de la France, Kechiche adopte constamment le ton juste. Il possède toujours un temps d’avance sur le spectateur, sachant pertinemment que l’empathie ressentie pour ces personnages terriblement humains et proches de nous provient de cette faculté à les avoir laissé s’exprimer en toute liberté. Pour se faire, Kechiche scrute les moindres regards et expressions au moyen d’une caméra d’une rare liberté et fait appel, comme pour L’Esquive, à une troupe de comédiens tout bonnement exceptionnelle de vérité.
Formidablement dirigés, les acteurs font naître des émotions peu communes et avec eux, le cinéaste peut développer une kyrielle de thèmes aussi puissants qu’incontournables dans notre société actuelle. Si ceux de l’intégration sont forcement présents, ce sont loin d’être les plus importants. Et c’est là où La Graine et le mulet atteint l’universalité. Kechiche parle avant tout de la famille et des liens complexes et indénouables qui l’unissent. Il met en exergue ce sentiment de dignité qui donne la force à un père de se dépasser pour laisser un héritage à ses enfants. Formidable aventure humaine dont le climax est atteint lors de la soirée d’inauguration du bateau-restaurant à l’intensité à fleur de peau, La Graine et le mulet touche au cœur.