Critique : Meurtrières

Avec un titre pareil, on pourrait penser que Meurtrières annonce la couleur presque un peu trop grossièrement. L'unique meurtre dont il est question n'arrive pourtant qu'en toute fin de récit, de manière plus accidentelle que préméditée et plus tragique que spectaculaire. Meurtrières n'a donc rien de putassier ou de gratuit, mais se révèle profondément humain - et par là même profondément inhumain.

Humain, le film de Patrick Grandperret (ex-assistant de Maurice Pialat, et qui a repris de ce dernier le synopsis de Meurtrières) l'est par son attachement aux deux héroïnes dans leurs galères. Tendu à l'extrême, le récit s'adapte au rythme effréné de Nina et Lizzy, qui n'ont d'autre choix qu'une fuite en avant toujours plus radicale face aux coups durs et aux trahisons. Une telle rage de survivre - de moins en moins rentrée à mesure que le film avance, jusqu'à conduire à l'irréparable - fait penser aux meilleurs Ken Loach (Sweet sixteen entre autres) ou à La vie rêvée des anges. Mais Grandperret pousse la dureté un cran plus loin, en ôtant du film toute trace de sentiment amoureux ou familial et en jouant le contraste en plaçant l'action au soleil plutôt que dans la grisaille.

C'est là qu'arrive l'inhumanité. Si les héroïnes n'aspirent plus à l'amour, c'est que celui-ci les a trop souvent trahies. Ne restent alors que le mépris des classes sociales supérieures qui vous traitent comme un jouet, la rivalité anti-fraternelle de ceux qui sont pourtant dans la même galère que vous, le désir malsain des hommes qui vous déshabillent par les mots ou le regard. Plus que comme les Meurtrières initialement annoncées, on finit par voir Nina et Lizzy comme des femmes meurtries par une société qui se délite de tous les côtés. Meurtries, poussées à bout, mais survivantes. Patrick Grandperret laisse alors aux autres le soin de leur faire la morale - tout en espérant avoir montré que le débat se situait à une toute autre échelle.