Les Larmes du soleil : critique
Au delà d'être le meilleur film d'Antoine Fuqua ainsi que l'un des plus aboutis de sa star dégarnie depuis bien longtemps (si on excepte les deux collaborations de Willis avec Shyamalan), Les larmes du soleil constitue un revival particulièrement jouissif du film de commando. Un retour aux grandes heures du genre (de Aventures en Birmanie en passant par Le dernier train de Katanga sans oublier des classiques comme Les douze salopards ou encore Les oies sauvages) qui s'accompagne toutefois d'une vision sans concession de la situation dramatique du Nigeria. La force du film de Fuqua est ainsi justement de savoir avec habilité manier les règles du jeu du genre (présentation du commando, mise en avant de son capitaine, mission qui capote très vite, danger grandissant de l'ennemi invisible, ) tout en confrontant ses héros et donc le public à un réalité des plus sanguinaires.
C'est ainsi que Les larmes du soleil possède cette géniale dualité du film de divertissement (la dernière demi-heure saura ravir les amateurs de spectacles pyrotechniques les plus exigeants) et de l'uvre engagée (doucement toutefois puisqu'on est quand même dans un film de studio) qui à l'arrivée transforme les projets sympathiques en grands films. Alors certes, Les larmes du soleil n'atteint pas ce nirvana espéré par la faute d'une schématisation parfois trop simpliste des situations et à un final certes impressionnant mais moins définitif que celui qu'avait pu par exemple proposer Ridley Scott dans La Chute du faucon noir.
Pour autant, la première heure du film possède une efficacité sidérante qui voit Fuqua jongler avec les dilemmes cornéliens de ses héros et notamment ceux de son monolithique lieutenant Waters et la terrible découverte visuelle des conséquences de l'épuration ethnique effectuée par les rebelles (ce qui nous vaudra une scène particulièrement dure où les moindres sévices seront explicitement mis en évidence sans pour autant tomber dans le plus bas voyeurisme). En retardant non sans maestria l'affrontement inévitable entre les Seals et les réfugiés et la milice rebelle lancée à leurs trousses (aucun coup de feu dans la première partie du film), Fuqua réussit du même coup à donner du corps au récit.
Car au delà de soigner comme à son habitude le look esthétique de son film (la jungle est ainsi magnifiquement mise en valeur), le cinéaste fait vivre ses personnages à commencer par son duo vedette. Visage de marbre, cherchant à accomplir sa mission coûte que coûte sans en enfreindre un seul paramètre, bref se comportant comme LE soldat parfait, Bruce Willis laisse petit à petit percer l'humanité que toute personne digne de ce nom peut ressentir face à la tragédie dont il est témoin. L'acteur, sans en rajouter, parvient avec brio à faire rejaillir ce basculement fatal entre le militaire pur et dur et l'homme juste, capable de compassion. À ses côtés, Monica Bellucci ne se contente pas d'être une simple potiche qui en pincerait pour le héros : en docteur déterminé à sauver ce qui peut l'être, l'actrice démontre une force émotionnelle bien plus convaincante que dans ses autres incursions hollywoodiennes, Matrix reloaded en tête.
Lecteurs
(2.3)