La Chair et le sang : Critique

Sandy Gillet | 21 janvier 2005
Sandy Gillet | 21 janvier 2005

Ce premier film de Verhoeven financé intégralement par un studio américain recèle, dès la lecture de son titre, une promesse. Celle, bien entendu, qui sied au voyeuriste lambda en mal de sensations fortes (connu aussi sous l'appellation savante de « cinéphile » ou de « cinéphage ») de découvrir des images chargées, donc, en chairs dénudées et en éclaboussures de sang projetées au quatre coins du cadre, mais aussi de permettre au « flying dutchman » de dévoiler enfin une radio grandeur nature de ce qui se trame au sein d'un cerveau que l'on sait depuis fort longtemps jouissivement dérangé.

Sur un scénario aussi simple qu'efficace (au XVIe siècle, la vengeance d'un petit groupe de mercenaires à l'encontre d'un seigneur castillan qui a trahi leur confiance), bien que maintes fois remanié afin de répondre aux desiderata du bailleur de fonds Orion, Verhoeven accouche d'un film visuellement très riche, sans pour autant abandonner ce qui lui tient le plus à cœur, à savoir mettre en scène une certaine forme de violence toujours très graphique, associée à une conception abstraite des corps où la sensualité de la chair n'est qu'un écho à sa propre perversité. Pour son premier grand rôle au cinéma, on trouve Jennifer Jason Leigh et sa chair d'enfant quasi virginale, dont Verhoeven ne pouvait faire autrement que de confronter et d'accoupler à celui de Rutger Hauer, son acteur fétiche depuis Turkish delight en 1973, et accessoirement ici grand pourvoyeur en hémoglobine en tout genre.

 

Ce couple richement assorti et jamais abandonné aux affres de la caricature manichéenne, le réalisateur hollandais en fait sa matrice principale, le ballotant au gré d'une histoire riche en rebondissements incroyables (au sens littéral du terme) ou tout simplement impossibles (la construction en une nuit de la « tortue » façon Léonard de Vinci, lors du siège du château, est à ce titre exemplaire). Mais si Verhoeven fait fi de la vraisemblance, il compte bien sur notre voyeurisme de croyant. Celui qui nous permet de prendre pour argent comptant ce qui se passe à l'image et d'envoyer paître toutes autres considérations à partir du moment où le film assume, au sein de chacune de ses scènes, son côté baroque flamboyant.

 

 

De fait, la charge envers la bêtise humaine (thème choyé par le réalisateur tout au long de sa filmographie), qui prend ici la forme d'une décadence à la fois brutale et contrite, n'en est que plus renforcée, permettant à cette Chair et le sang de conserver une modernité de ton (gratuité du propos, pertinence de la démonstration) toujours aussi réjouissante à « mater ».

 

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