Critique : Paul Verhoeven – Cinq films hollandais

Par Thomas Douineau
21 janvier 2005
MAJ : 16 octobre 2018
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Il y a ceux qui connaissent et ceux qui ne connaissent pas la période hollandaise de Verhoeven. La sortie de ce coffret est donc une bénédiction tant il permet de comprendre le personnage et ses films. Réduire Verhoeven à un réalisateur américain doué, misogyne et violent, ou pire, bon fabricant de S.F., serait une erreur si on ne met pas en perspective ses qualités d’auteur, ses origines et sa sensibilité européennes qui transpirent dans des films aussi divers que Business is business, Turkish delight, Kattie Tippel, Soldier of orange ou encore Le Quatrième Homme.

De la comédie de mœurs (Business is business) au film d’aventures historique (Soldier of orange), en passant par le drame sur fond de libération sexuelle (Turkish delight) jusqu’au cauchemar schizophrénique (Le Quatrième Homme), il y a dans cette période hollandaise de quoi faire le lien avec les futurs films américains du réalisateur.

Car si on veut raccourcir en disant que la carrière de Verhoeven peut se résumer à une étude des mœurs sexuelles à travers les âges, on prend surtout conscience du fait que le cinéma de Verhoeven est bien plus que cela : c’est le reflet d’une époque. Chacun de ses films est en phase avec la période pendant laquelle il est diffusé. Que Turkish delight soit sa vision de l’émancipation de la femme, ou Katie Tippel, sa réaction anticapitaliste, certes… Mais ils montrent en premier lieu une vraie faculté de regard doublée d’une réelle intelligence et d’une solide culture que son savoir-faire de conteur (les histoires chez Verhoeven, avant le discours, se suffisent d’abord à elles-mêmes) ne fait qu’exacerber au travers du cinéma.

Le portrait tendre et drôle de la femme qu’il livre dans Buisness is business dénote une fascination pour le sexe opposé (une obsession, sûrement aussi !) plus qu’une misogynie. La director’s cut de Soldier of orange, proposée ici, rend le film plus ambigu et signale un goût évident pour la provocation. Le Quatrième Homme symbolise une lutte intérieure entre le Bien et le Mal. Tout ceci montre un réalisateur s’intéressant d’abord à l’humain et aux dissociations qu’il peut y avoir au sein d’un même individu. Lorsqu’en plus l’homme est intimement convaincu que la perversion est une chose naturelle ou, à contrario, qu’une âme peut être d’une grande beauté, on comprend le choc instantané arrivé sur le territoire américain. Le puritanisme n’a pas dû lui plaire, et, par réaction logique, ce qui apparaît dans ses films hollandais avec subtilité ressort alors avec démesure. On en arrive ainsi à des films comme Robocop, Basic instinct ou Showgirls qui lui valurent les qualificatifs de violent, pervers, cynique ou vulgaire. Vehoeven a alors atteint son but puisque, par un curieux effet de miroir, le monde, à travers ses films, se renvoie son propre reflet.

Il se dit maintenant assagi ; mais la révolte (l’âge aidant ?) a-t-elle cessé de gronder ? Sûrement pas puisque, épris de liberté, il tournera très bientôt en Europe, « pour revenir à la réalité », comme il l’affirme lui-même… La boucle est bouclée !

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