The Good German : Critique

Jean-Noël Nicolau | 8 février 2007
Jean-Noël Nicolau | 8 février 2007

Certes Steven Soderbergh n'a jamais été étouffé par la modestie et que l'on reconnaisse ou non le talent (fluctuant) du cinéaste, on ne peut pas nier son ambition. Du film « d'auteur » tortueux et torturé (Schizopolis, Kafka) à la pochade hollywoodienne amusante (la saga des Ocean's), en passant par le film à Oscars (Traffic, Erin Brockovich), Soderbergh touche à tout, sans forcément le faire bien. On pensait que le bonhomme ne pourrait jamais faire plus inattendu que le remake de Solaris, on se trompait. Voici que nous arrive The Good german, dont le sous-titre pourrait être : le cinéma américain des années 40 pour les nuls.

 

 

Cette fois, le réalisateur se prend pour la progéniture post-moderne de Curtiz, Welles et Tourneur réunis et accouche d'une œuvre conceptuelle, vague projet esthétique sans véritable but, à part de prouver qu'on peut encore faire de vieux films avec des moyens récents. Sans pour autant pousser le mimétisme jusqu'au Psycho de Gus Van Sant, Soderbergh s'embarque dans une photocopie précieuse et ridicule des signatures artistiques de quelques grands chefs-d'œuvre du 7e art. Le scénario est à la fois simpliste (on connaît la chanson) et parfois incompréhensible (dans son accumulation de personnages jamais caractérisés), mais avant tout un prétexte à dérouler du cliché avec une constance rapidement assommante. On peut donc jouer à reconnaître les films cités ou piquer un petit roupillon discret sans jamais avoir l'impression de perdre quoi que ce soit de l'essence de l'œuvre.

 

 

Véritables accessoires au milieu du décorum, les acteurs sont tels des figures de cire, lisses et désincarnés, incapables de transmettre la moindre émotion et surtout de faire revivre l'aura des stars évoquées. George Clooney souffre particulièrement dans le par-dessus trop grand de Bogart, révélant une fadeur inattendue et embarrassante. Quant à Cate Blanchett, insipide sosie d'une Bergman ou d'une Bacall, elle ne propose guère qu'un accent allemand convaincant. Tobey McGuire, quant à lui, ne fait que passer.


Comme pour essayer de donner un peu de vie à son installation glacée, Soderbergh se permet des audaces incongrues, sans doute pour rappeler que nous sommes au XXIe siècle. Sexualité explicite et dialogues crus sont au rendez-vous et surprennent par leur caractère totalement vain et déplacé. Oui, le sexe avait plus de force lorsque les réalisateurs devaient contourner le code Hays.

 

 

Thomas Newman a beau sortir la grosse artillerie orchestrale pour singer Max Steiner, il reste dans le domaine du pastiche. Lorsque le réalisateur pousse son audace jusqu'à se confronter directement avec le final de Casablanca, on sourit devant tant de naïveté satisfaite. The Good German entre dans le domaine de la parodie, mais sans l'humour (il faut voir comment tout ce petit monde se prend très au sérieux). Et le film n'est même pas une réussite esthétique, le noir et blanc totalement surexposé étant d'une rare indigence, le Good night and good luck de Clooney se révélant nettement plus convaincant à ce niveau.

The Good German voudrait par ailleurs véhiculer un nébuleux message sur l'immédiate après-guerre et la collaboration, se risquant alors à de très défavorables comparaisons avec le récent Black book. Mais il serait trop facile, et sans doute trop méchant, de jeter Soderbergh en pâture à Verhoeven. Nous nous contenterons donc d'évoquer les Cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner, une œuvre finalement plus voisine de The Good german, et bien supérieure, ne serait-ce que par la présence, certes post-mortem mais définitivement classe, du vrai Boggy.

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