Critique : Family portraits - Une trilogie américaine

Ilan Ferry | 10 septembre 2006
Ilan Ferry | 10 septembre 2006

Tout festival digne de ce nom se doit d'avoir son film « interdit », celui dont on parlera longtemps après sa vision. Son caractère transgressif et provocateur doit déclencher cris d'indignation d'un côté et applaudissements de l'autre. Family Portraits s'inscrit directement dans cette lignée et se veut le vilain petit canard de Deauville. Mais en lieu et place du « cygne » cinématographique, le film de Douglas Buck se mue progressivement en aberration à l'intérêt de plus en plus limité. Malgré un premier acte éprouvant laissant présager une lecture au 100eme degré, le réalisateur ne tient pas les « promesses » de cet opus nihiliste et installe par la suite une espèce de flottement pesant et mortellement ennuyeux. L'avertissement lancé par le réalisateur en début de séance apparaît dès lors aussi prétentieux qu'opportuniste, ou « comment vendre son film sur une réputation totalement usurpée ».

Habillé d'un 35mm crasseux, Family Portraits se veut le retour à un cinéma dérangeant, viscéral comme avait pu l'être à son époque un certain Massacre à la tronçonneuse. Toutefois à trop vouloir jouer la carte trash avec comme alibi culturel des influences aussi prenantes qu'Abel Ferrara et Tarkovski, Buck crée une distanciation d'autant plus marquée que ses personnages ne paraissent à aucun moment tangibles. Le spectateur se fout alors éperdument de voir une femme se découper les lèvres ou se faire taillader les seins par son mari (le tout filmé en gros plan sinon ce ne serait pas drôle !). C'est à partir d'un deuxième segment désespérément vide que le film révèle toute son hypocrisie, la complaisance du premier acte n'apparaissant dès lors que comme une pathétique tentative d'interpeller le public. Une heure durant le film brasse du vent et ce qui s'annonçait au départ comme une version jusqu'au boutiste d'Happiness, laisse rapidement place à la démonstration vaine. Le réalisateur évite soigneusement de prendre des distances avec son sujet et se sert de ses trois courts-métrages (totalement indépendants les uns des autres) pour livrer une vision de la famille pertinente. Peine perdue, elle se révèle juste plate et putassière.

Ni provoc ni véritablement trash, Family Portraits ne soulève au final qu'une seule question : «Quel intérêt ?»

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